L’ICO, ce nouveau mode de financement des entreprises
Phénomène ayant fait son apparition avec les crypto monnaies, l’ICO (Initial coin Offerings) est un nouveau modèle de financement des entreprises, en particulier celles opérant dans les domaines de technologie et d’innovation. Pour en tirer profit, certains pays ont décidé de lui préparer un cadre approprié.
L’ICO (Initial Coin Offerings) est une nouvelle formule de levée de fonds sur internet, à mi-chemin entre les IPO (introduction en bourse) et le financement participatif (Crowdfunding). À la différence de l’IPO, l’ICO est une opération par laquelle l’entreprise émet des jetons numériques (appelés Token) en échange de crypto monnaies, bien souvent le Bitcoin et l’Ether, mais aussi contre les monnaies classiques (Dollar, Euro, Franc suisse….).
L’essor de ce nouveau mode de levée de fonds est directement lié au boom de la technologie blockchain et aux avantages non négligeables qu’il présente par rapport aux modes classiques de financement (introduction en bourse, capital-risque, financement bancaire….).
La levée des fonds par ICO est un phénomène très récent ; ce n’est qu’à partir de 2017 que des levées de fonds importantes ont été enregistrées. Les montants levés par ICO ont atteint plus de 22 milliards de dollars (dont plus de 15 milliards pour la seule année 2018) pour 2118 projets. En ce qui concerne la répartition géographique, le marché est dominé par une dizaine de pays qui représentent 59% des levées de fonds globales. Les Etats-Unis arrivent en tête avec 14% des projets et 7,3 milliards de dollars levés, suivis par la Russie avec 7% des projets et 2,3 milliards de dollars de fonds levés. Et grâce à leur croissance récente, les ICO ont représenté 6,3% du total du financement en actions au premier trimestre 2018 contre 1,6% au cours de l’année 2018.
Que reçoit l’investisseur ? Selon une étude récente de l’Autorité française des marchés financiers (AMF), les droits conférés par les Tokens sont de différentes natures. Dans certains cas, ils confèrent des droits d’usage ou de paiement de services fournis par les entreprises émettrices. Dans d’autres, ils donnent des droits financiers assimilables à des instruments financiers qui prennent la forme soit d’un titre de capital, soit d’un titre de créance, soit d’un dérivé sur matière première. C’est dire que la nature juridique des tokens et des droits qu’ils confèrent restent encore très floue au niveau de toutes les juridictions.
Qu’est-ce qui pousse les entreprises à recourir à ce mode de financement ? Au lieu d’opter pour les autres modes de financement (introduction en bourse, financement bancaire, capital-risque, crowdfunding etc.), certaines entreprises choisissent les ICO pour les avantages qu’elles présentent. Tout d’abord leur souplesse qui permet des levées de fonds dans un temps record. Parmi les exemples souvent cités, l’ICO « Brave » qui a permis à un navigateur web lancé fin 2017 par l’un des cofondateurs de Mozilla, de lever 35 millions de dollars en 30 secondes. Le recours à l’ICO permet aussi à l’entreprise de créer une communauté d’investisseurs engagés et d’un autre côté, d’éviter la dilution du capital. Un autre avantage et pas des moindres qui explique le développement de l’ICO, est la facilité de son lancement et ce, à la différence de l’IPO qui est très encadrée sur le plan réglementaire.
Quels risques pour les investisseurs ? Ils sont nombreux, car les projets sont souvent au stade d’idée ou de démarrage; le risque de non aboutissement est grand. De même, l’absence d’un cadre réglementaire fait que souvent, il y a une asymétrie d’informations entre le porteur du projet et l’investisseur. Les informations présentées dans le « white paper » (l’équivalent de la note d’information pour les IPO), ne sont pas toujours suffisantes et peuvent même dans certains cas contribuer à la mauvaise information de l’investisseur.
Quid des porteurs de projets ? L’un des principaux risques, est le blanchiment des capitaux. De par leur nature, les investissements en crypto-actifs impliquent un niveau élevé d’anonymat, ce qui risque d’en faire des véhicules de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. C’est ce qui explique que l’Union européenne a modifié récemment sa réglementation relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, afin d’inclure le commerce des crypto-actifs.
Au stade actuel, les régulateurs internationaux estiment que les ICO ne représentent pas une menace pour la stabilité financière en raison de leurs volumes relativement faibles et des liens limités entre les marchés financiers traditionnels et les marchés numériques. Cependant, la plupart des régulateurs plaident pour une surveillance des risques macro-financiers pouvant découler des ICO et des crypto-actifs en général. Reste que l’approche des régulateurs nationaux n’est pas uniforme ; si certains ont interdit purement et simplement les ICO (Chine, Vietnam….), d’autres ont adopté un cadre réglementaire dans le but d’attirer les projets innovants. Quant aux États-Unis, la plupart des ICO sont considérés comme des instruments financiers.
En France, les autorités ont opté suite à un rapport de la Banque centrale, pour la mise en place d’un dispositif législatif optionnel permettant d’encadrer les activités liées aux ICO. Ce cadre législatif fait l’objet d’un projet de loi qui est en cours d’examen au niveau du parlement français. Même plus, les autorités françaises ont l’ambition de faire de Paris, la capitale des Initial Coin Offerings (ICO). L’enjeu est de taille : capter les investissements dans les technologies d’avenir.