L’industrie sucrière locale explose
La production locale devrait passer de 410.000 tonnes à 856.000 tonnes entre 2012 et 2013, grâce à l’augmentation des superficies et à l’amélioration des rendements. Le secteur gagne en compétitivité et le Maroc devrait améliorer sa couverture pour la porter à 62% contre 35% actuellement.
E
n matière de balance des paiements, on pense plus souvent aux produits pétroliers qu’à l’alimentaire. Pourtant, le sucre et le blé représentent une part significative des importations.
Le contrat-programme qui a été signé entre la Fédération interprofessionnelle marocaine de sucre (Fimasucre) et l’Etat, lors des Assises de l’Agriculture le 23 avril 2013 dernier, constitue une vraie révolution. En effet, le taux de couverture de la consommation nationale par la production locale devrait atteindre 62% en 2020 contre 35% seulement aujourd’hui. Ainsi, la production du sucre blanc devrait passer de 410.000 tonnes à 856.000 tonnes.
L’essentiel des améliorations concerne les agriculteurs. Le doublement de la production devrait être possible à la fois grâce à l’augmentation des superficies cultivées et au rendement.
L’extension progressive des superficies réalisées annuellement en cultures sucrières de 70.600 ha pour atteindre 105.700 ha. Ainsi, les surfaces consacrées à la betterave augmenteront de 13.300 ha pour atteindre 77.500 ha et les surfaces dédiées à la canne à sucre progresseront de 11.800 ha pour se situer à quelque 28.200 ha.
Rendement
Mais l’amélioration la plus significative pour les agriculteurs porte surtout sur le rendement. En effet, il est attendu 10 tonnes de betterave de plus à l’hectare soit quelque 64 tonnes, alors que pour la canne à sucre, il est attendu 14 tonnes à l’hectare supplémentaires pour atteindre 80 tonnes. En termes de sucre, le rendement de la betterave devrait atteindre 11 tonnes soit 2,5 tonnes de plus, alors que celui de la canne à sucre devrait être de 9,6 tonnes à l’hectare en amélioration de 2,4 tonnes.
Ce contrat-programme était devenu nécessaire pour plusieurs raisons. Tant que les cours internationaux étaient au plus bas et que la compétitivité de la filière sucrière nationale n’était pas avérée, le Maroc gagnait à consommer du sucre brésilien ou australien. Mais depuis la flambée des cours des biens alimentaires sur les marchés internationaux, les choses ont bien changé. D’une part, aux recettes confortables de taxe pour le prix cible, s’est substituée une dépense lourde pour soutenir le pouvoir d’achat à partir de 2006. D’autre part, il s’agit d’une question de sécurité alimentaire. Parce que finalement, il est désormais impossible de prévoir l’évolution internationale des cours.
En effet, pendant de longues années, les cours du sucre brut sont restés inférieurs à 300 dollars. Dans les faits, jusqu’en 2005, ils n’ont jamais atteint 280 dollars la tonne, soit moins de 2500 dirhams. Dans le même temps, le sucre produit à partir de la betterave et canne à sucre locales, présentait un coût de l’ordre de 4700 dirhams la tonne. C’est d’ailleurs ce qui avait servi de base à la fixation d’un prix cible à l’importation. Ainsi, pendant toute cette période, les importations de sucre brut donnaient lieu au paiement d’un complément correspondant au différentiel entre le prix cible et le coût d’achat du sucre brut. L’écart pouvait atteindre par moment plus de 2000 dirhams, c’est-à-dire la subvention accordée en retour aux raffineurs et importateurs de sucre blanc.
Compétitivité
«Dès 1984, et en préparation des négociations de mise en application du Plan d’ajustement structurel agricole, plusieurs études et diagnostics font remarquer que le financement de la politique de subventions à la consommation et de compensation aux producteurs pèse de façon croissante sur le budget national», souligne Mohamed Rachid Doukkali, professeur à l’Institut agronomique et vétérinaire de Rabat, co-auteur d’une étude approfondie sur le secteur. Cette étude est venue contredire les conclusions de la Banque Mondiale qui faisait constater que «le système de fixation des prix et d’intervention dans la production des plantes sucrières se traduisait par une allocation sous-optimale des ressources, en particulier de l’eau d’irrigation, et réduit la rentabilité potentielle des périmètres d’irrigation et des unités de transformation». L’objectif était clairement de faire abandonner au Maroc la culture du sucre dès les années 1990, en tentant à démontrer qu’il était nettement plus intéressant que le pays gagnerait à s’orienter vers d’autres cultures plus rentables en recourant exclusivement aux importations pour assurer sa consommation.
Le problème, c’est que les conclusions des institutions internationales sont faussées généralement par le fait «qu’elles sont toutes basées sur le prix international comme prix de référence», expliquent les auteurs de l’étude. Et d’ajouter, «or, si ce raisonnement est valable pour bon nombre des produits agricoles, il l’est moins dans le cas du sucre à cause des distorsions importantes que connaît son marché international. En effet, le marché international du sucre a été, pour longtemps, caractérisé par une grande volatilité des prix et, surtout, par des interventions étatiques importantes. Dans pratiquement tous les pays du monde, le sucre est soumis à des contrôles de prix, de l’offre et de la demande, ce qui a conduit à une structure mondiale de la production non efficiente».
Certaines études ont montré que les prix du marché international sont inférieurs de près de 30% aux coûts de production dans certains cas. De plus, il s’agit d’une question de souveraineté pour une denrée qui pourrait connaitre des changements importants dans le marché international. Aujourd’hui, malgré la persistance des subventions, cette amélioration de la productivité marocaine devrait permettre de faire d’importantes économies de devises.