Entreprises & Marchés

L’innovation, parent pauvre du secteur

Industrie de l’édition. Le secteur a réalisé un chiffre d’affaires de près de 800 millions de DH en 2014 sur les segments du préscolaire, scolaire et universitaire. Les professionnels appellent le ministère de la Culture à leur laisser la main libre pour innover. par Roland Amoussou

L’innovation n’occupe pas forcément une place importante dans l’industrie de l’édition au Maroc. Les entreprises se contentent de marcher dans des sentiers battus. Dans le préscolaire, le scolaire, et l’universitaire, qui représentent les segments les plus prisés, la créativité n’a pas vraiment son mot à dire. « La place de l’innovation dans le domaine de l’édition est minime», reconnaît Jad Hoballah, directeur du département édition et distribution pour Afrique Orient, l’une des entreprises leader du secteur dans le Royaume, avec un chiffre d’affaires de 50 millions de DH. « Afrique Orient focalise plus son investissement sur la diversité des livres que nous offrons au public et la qualité de nos ouvrages. Nous nous concentrons aussi beaucoup plus sur le contenu et le contenant. Par exemple, on a fait beaucoup d’efforts sur les formats, les couvertures et autres, mais pas sur l’innovation en termes technologiques », explique-t-il à Challenge. L’entreprise arrive à sortir une centaine de nouveautés chaque année et dispose d’un catalogue de 800 titres dans quasiment tous les domaines (Philosophie, langue, sociologie, sciences, romans, communication, ouvrages universitaires, religion…). Chez Edisoft, une autre importante entreprise du secteur basée dans la métropole, la stratégie semble, en revanche, un peu différente. «Pour nous, l’innovation a une grande importance », souligne Abdelahad Quoraichi Elidrissi, directeur d’édition. Cette entreprise, qui a diversifié et intensifié ses productions scolaires et parascolaires, principaux segments sur lesquels elle réalise la majorité de ses ventes, est souvent à l’écoute des enseignants pour savoir quand et où apporter un plus. « L’innovation chez Edisoft se manifeste dans le fait d’être toujours à l’écoute des enseignants dont nous partageons l’idéal, afin d’offrir aux élèves tout ce dont ils ont besoin », assure Abdelahad Quoraichi Elidrissi. Soulignons d’ailleurs, que l’entreprise vient de lancer une nouvelle méthode pédagogique pour le préscolaire, dénommée «ATFALOUNA», qui, d’après le directeur d’édition, devrait rencontrer un immense succès. Cependant, il faut dire que le champ limité des entreprises d’édition en termes d’innovation, ne découle pas d’un manque de volonté de leur part, mais plutôt d’une mainmise de la tutelle.

Le numérique s’impose

En effet, selon le Président de l’Association marocaine des éditeurs, Ahmed Filali Ansari, contacté par Challenge, l’innovation sur les segments des livres scolaires et universitaires n’est quasiment pas faisable. Cela, dans la mesure où c’est le ministère de la Culture qui décide de tout. « Si le ministère pouvait laisser un peu la main libre aux entreprises d’éditions, cela favorisait largement une grande créativité, et donc beaucoup plus d’innovations », confie le Président de l’association. «Mais, l’innovation existe néanmoins. Au départ, c’est-à-dire avant 2003, il y avait le livre unique, conçu par le ministère de la culture. Cependant, depuis 2003, il y a une diversification des programmes. Mais, de notre côté, on aimerait bien que le ministère conçoive le programme, mais laisse le choix à la créativité de l’éditeur dans le reste », affirme Ahmed Filali Ansari. Néanmoins, même si le ministère veille au grain sur les segments scolaires et universitaires, les éditeurs ont, quoique peu, la main libre sur le contenant. Ils peuvent, ainsi, agir sur l’infographie, l’iconographie etc. « On peut qualifier cela comme de l’innovation technique », souligne le Président de l’association. Par contre, le problème ne se pose pas sur le segment des programmes parascolaires. Là, les éditeurs ont toute la liberté nécessaire. « Il y a même des maisons d’édition qui se sont uniquement spécialisées dans le parascolaire ces dernières années. Et ça marche», fait remarquer Ahmed Filali Ansari. Il faut savoir que chaque année, quelque 20 millions de livres scolaires et universitaires, dont la moitié seulement est produite au Maroc, sont mis sur le marché national à destination des établissements publics. La production liée aux établissements privés ne représente que 10%, car les livres utilisés dans ces établissements sont en majeure partie importés de France. Le chiffre d’affaires global sur le segment scolaire et universitaire a atteint les 800 millions de DH en 2014. Soulignons également, que le nombre de tirages hors scolaire (Roman, poésie etc) avoisine à peine les 2000 à 3000 unités par an. Face à cet état de choses, le numérique semble se dessiner comme une solution pour les entreprises. « Certains ont déjà commencé à faire du livre numérique et beaucoup d’autres y pensent. Nombre de personnes apprécient le côté pratique du numérique, qui permet d’avoir sa bibliothèque sur sa tablette kindle », confie Jad Hoballah, qui, personnellement, se montre encore réticent à l’idée d’embrasser cette nouvelle solution qu’offre la technologie. Pour le Président de l’Association marocaine des éditeurs, le numérique s’impose. «Pour moi, il est clair que le numérique va donner beaucoup de libertés à l’innovation », estime-t-il.

 
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