Liquidation judiciaire de la SAMIR: que risquent les dirigeants ?
Comblement du passif, redressement ou liquidation judiciaire, déchéance commerciale, banqueroute, telles sont les sanctions qui peuvent être infligées aux dirigeants d’une société déclarée en liquidation judiciaire. par C.A.H.
La liquidation judiciaire de la SAMIR prononcée par le Tribunal de Commerce de Casablanca n’est pas un acte anodin pour les dirigeants de ladite société. Loin de là, leur responsabilité est susceptible d’être engagée comme le laisse comprendre le Code de Commerce. Il n’est pas exclu qu’il leur soit reproché d’avoir, par leur faute ou leur comportement, conduit l’entreprise à la situation catastrophique dans laquelle elle se trouve. Sans préjuger de l’évolution des procédures, passons en revue ce que prévoit la législation marocaine en la matière.
De prime abord, précisons que le Code de commerce retient à l’instar de la législation française, une définition très large du dirigeant puisque ses dispositions s’appliquent «aux dirigeants qu’ils soient de droit ou de fait, rémunérés ou pas». Quelles fautes peut-on reprocher aux dirigeants et quelles sont les conséquences ?
D’une manière générale, on peut distinguer entre les «fautes historiques» qui sont bien antérieures au prononcé de la liquidation judiciaire et celles qui sont provoquées par les difficultés de l’entreprise (fuite en avant). Le Code de commerce marocain, fait la distinction entre les différentes fautes et les classes selon la sanction à laquelle elles donnent lieu. Quant au déclenchement de l’action contre les dirigeants, il faut noter que le tribunal se saisit d’office ou à la demande du syndic ou du Procureur du Roi.
Tout d’abord, lorsque la procédure fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de «faute de gestion» ayant contribué à cette insuffisance, décider que cette dernière soit supportée, en tout ou en partie, par les dirigeants ou certains d’entre eux (comblement du passif). Vu l’ampleur de l’endettement de la SAMIR (plus de 40 milliards de Dirhams), cette sanction si elle est prononcée par le tribunal risque d’être très lourde à supporter. Signalons que le Code de commerce ne définit pas ce qu’il faut entendre par «faute de gestion»; il revient donc au juge de l’apprécier au cas par cas et d’établir les liens de causalité entre les fautes et l’insuffisance de l’actif de l’entreprise. C’est à la fois une responsabilité très lourde et une tâche extrêmement complexe, notamment lorsqu’il s’agit de grosses structures comme c’est le cas de la SAMIR. Les sommes versées par les dirigeants condamnés à combler le passif sont réparties entre les créanciers au marc le franc.
Sur un autre plan, le tribunal doit, selon le Code de commerce, ouvrir une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire à l’égard de tout dirigeant lorsqu’il s’avère qu’il est l’auteur de certains faits qui, même s’ils sont limitativement limités donnent au juge une grande marge d’appréciation. Ainsi, sont visés les dirigeants, qui ont fait des opérations commerciales sous le couvert de la société, qui ont disposé de ses biens dans leur intérêt personnel, qui ont poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait aboutir qu’ à la cessation des paiements de l’entreprise ou ayant tenu «une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière».
Par ailleurs, les dirigeants de la société déclarée en liquidation judiciaire peuvent être frappés de la déchéance commerciale s’il s’avère qu’ils ont commis un certain nombre d’actes prévus par la loi. Il s’agit entre autres, de la poursuite abusive d’une exploitation déficitaire, de la tenue d’une comptabilité non conforme aux dispositions légales, de l’achat en vue de revente au-dessous du cours dans le but d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de traitement des difficultés, de l’emploi de «moyens ruineux pour se procurer des fonds» et du paiement d’un créancier au détriment des autres créanciers pendant la période suspecte. A noter, que la déchéance commerciale entraîne l’interdiction de « diriger, de gérer, d’administrer ou de contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale ».
Dans certains cas, les dirigeants courent le risque de se voir condamnés pénalement. Aux termes de l’article 721 du Code de commerce, «sont coupables de banqueroute» les dirigeants qui, dans le but de retarder ou d’éviter l’ouverture de la procédure de traitement, font des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou emploient des moyens ruineux pour se procurer des fonds. C’est aussi le cas des dirigeants qui détournent ou dissimulent une partie de l’actif, qui augmentent d’une manière frauduleuse le passif de l’entreprise ou qui tiennent une comptabilité fictive ou font disparaître des documents comptables. L’auteur d’une banqueroute s’expose à une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et de 10.000 à 1.000.000 de dirhams d’amende. Cette peine est portée au double, lorsque la personne poursuivie est un dirigeant d’une société dont les actions sont cotées à la bourse des valeurs.