Loubna Tricha : « La perception de la formation professionnelle doit impérativement évoluer »
Locomotive du nouveau dispositif de la formation professionnelle, l’OFPPT, longtemps poussé à une course au volume par les pouvoirs publics pour accompagner les grands chantiers du Royaume, notamment le tourisme, l’agroalimentaire, les autoroutes, les infrastructures portuaires, le plan Emergence, plan Maroc-vert…, doit conduire les changements préconisés par la nouvelle feuille de route. De quoi redorer le blason du secteur de la formation professionnelle, souvent considéré comme une voie de secours et non d’avenir. Loubna Tricha, sa directrice générale, nommée en août dernier, décortique les contours de la nouvelle architecture.
Challenge : Le secteur de la formation professionnelle vient de se doter d’une nouvelle feuille de route. Ce schéma directeur s’articule autour de la création d’une nouvelle génération de centres de formation professionnelle. Qu’est-ce qui va changer par rapport aux centres de formation professionnelle actuels ?
Loubna Tricha : Le programme des 12 Cités des Métiers et des Compétences (CMC) représente en effet l’épine dorsale de la nouvelle feuille de route pour le développement du secteur de la formation professionnelle (FP). Ce sont des plateformes de développement des compétences, multisectorielles, tournées vers l’entreprise et orientées vers les métiers d’avenir. Leur conception a bénéficié d’une capitalisation des expériences vécues dans la réalisation et la gestion de nos centres de formation, ayant permis de ressortir les limitations et faiblesses du dispositif actuel, mais aussi ses acquis à faire valoir.
Nous avons ainsi, veillé à doter ce nouveau modèle de l’ensemble des conditions qui lui permettront d’assurer une formation de qualité, orientée vers le marché de l’emploi. Et ce, à travers une offre de formation en phase avec les besoins des écosystèmes économiques régionaux, une ingénierie actualisée des métiers et de la pédagogie, des infrastructures et des équipements stimulant l’acquisition des compétences et l’épanouissement des stagiaires, et un encadrement rapproché axé sur l’apprenant.
Sans oublier le nouveau modèle de gouvernance, qui permettra à ces cités de bénéficier de l’apport des professionnels et des Régions dans leur gestion d’une part, et de suivre de manière proactive l’évolution des besoins du marché en termes de compétences d’autre part.
Selon cette nouvelle architecture, chacune des douze régions du Royaume sera dotée d’une cité des métiers et des compétences. Pouvez-vous nous dessiner le portrait-robot de ces nouvelles cités ? Qu’attend-on de ces nouvelles cités des métiers et des compétences ?
Ce sont des campus de FP, présentant une offre de formation diversifiée et évolutive suivant les besoins du marché de l’emploi et la transformation des métiers. Sur le plan matériel, nous travaillons sur un projet de bâtiment écologique et connecté, favorisant la digitalisation de la formation et la sensibilisation des stagiaires aux notions de développement durable.
Concernant la charte spatiale, les CMC seront dotées de structures communes et de pôles sectoriels spécifiques. Les structures communes incluront entre autres, un centre d’apprentissage des langues en blended learning, un centre d’accompagnement des stagiaires à travers l’orientation, la gestion des stages en entreprise et l’assistance à la recherche d’emploi, des espaces consacrés à l’entrepreneuriat, au travail collaboratif, aux activités sportives et un internat bien sûr, afin d’offrir l’accès à la cité aux candidats d’autres villes.
Pour les pôles sectoriels, le nouveau concept associe aux ateliers techniques spécifiques, des salles multimédia dédiées aux logiciels métiers, ainsi que des plateformes d’application adaptées aux différents secteurs telles que les mini-chaînes de production, l’hôtel et la ferme pédagogiques… permettant la mise en situation réelle et la simulation de situations complexes dans la formation.
Ce qui est attendu des nouvelles cités c’est d’abord d’inaugurer une nouvelle génération d’établissements de FP permettant d’asseoir un nouveau standard qualité, favorisant une insertion professionnelle efficace et durable aux lauréats de la formation professionnelle et accélérant le développement socio-économique aux niveaux régional et national.
Ce standard, servira d’objectif dans la mise à niveau du dispositif actuel et de référence dans le développement ces EFP futurs.
Comment se fera le choix des formations pour chaque région ?
Les cartes de formation des CMC seront définies suivant une logique d’ancrage économique pour catalyser le développement des chaînes de valeur économiques régionales et favoriser en même temps, les conditions nécessaires à une formation en milieu professionnel au profit des stagiaires. Les filières de formation seront donc arrêtées en concertation avec les professionnels et les régions.
Elles conserveront une partie des métiers conventionnels nécessaires à l’activité économique, tout en actualisant leurs contenus suivant les nouvelles exigences des métiers. Elles adresseront aussi les nouveaux métiers à fort potentiel d’emploi dans l’avenir au niveau national tels que l’aéronautique, l’automobile, l’agriculture & l’agroalimentaire, ainsi que les métiers de la santé et des services à la personne et à la communauté.
La nouvelle offre initiera également la formation dans les métiers mondiaux du futur comme le digital, prévu dans les 12 cités, ou encore l’industrie 4.0 et l’intelligence artificielle.
Ces formations bénéficieront bien entendu d’une ingénierie actualisée des programmes selon l’approche par compétences, avec une forte inclusion du numérique à travers l’e-learning, l’utilisation des logiciels métiers et le recours aux simulateurs dans le processus d’apprentissage. Ceci sera accompagné par la modernisation des méthodes pédagogiques, en optant pour de nouvelles méthodes plus ludiques et libératrices d’énergie, renforçant l’autonomie et la créativité des apprenants.
Quid du financement et du fonctionnement de ces nouvelles cités régionales des compétences et des métiers ?
Le budget nécessaire à la réalisation du programme des 12 CMC est estimé à 3600 MDH, qui sera financé par le Fonds HassanII à hauteur de 2000 MDH et le reliquat sera apporté par l’OFPPT, le budget général de l’Etat et la contribution des Régions.
Au démarrage de chaque nouvelle CMC, une Société de Gestion (S.A.) sera créée pour assurer son exploitation. Elle associera les professionnels et la région à la gestion de la formation afin d’asseoir une synergie permettant une meilleure adéquation formation-emploi. Aucun modèle n’est encore figé, les discussions sont en cours avec le secteur privé, les professionnels et les régions pour tenir compte de leurs attentes et recommandations.
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