L’usine de dessalement d’eau de mer d’Agadir : les non-dits de ce mega-projet
Alors que la région Souss-Massa fait face à une réduction drastique de sa nappe phréatique, l’annonce d’un nouveau projet, dont la construction ne devra être lancée qu’en septembre prochain, est d’abord un aveu d’échec de la première usine de dessalement d’eau de mer qui devait entrer en service dès fin 2016, au bout d’un processus qui aura duré près de cinq ans depuis le démarrage en 2011 des études de faisabilité réalisées par le français Artelia pour le compte de l’Office National d’Eau et d’Électricité (ONEE), jusqu’à l’arrêt des travaux de construction initiés dès début 2015 par la société délégataire de ce service public dans le cadre d’un appel d’offres international, ayant abouti à la conclusion d’une concession de 20 ans signée en mai 2014 entre le délégataire et l’autorité délégante. C’est dire que cette usine que devait abriter Cap Ghir, à 40 km au nord d’Agadir, ne produira jamais les 100.000 m3 d’eau potable par jour comme prévu ni n’alimentera, dès cette année, plusieurs centaines de milliers d’habitants de la région.
Mais cela est quand même présenté avec beaucoup d’optimisme comme une occasion unique de rebondir sur un projet plus ambitieux (on parle de 250.000 m3 d’eau dessalée par jour à terme, dont 60% en eau potable et un investissement de 2,6 milliards de DH, soit presque deux fois et demi plus important), mais également plus prestigieux au regard de son statut de « première » mondiale « plus grand projet de dessalement de l’eau de mer mutualisé d’irrigation et d’eau potable dans le monde alimenté par des énergies renouvelables ». Rien que cela ! Qu’à cela ne tienne. Gageons qu’un retard de trois ans n’est rien face au caractère opportun d’un redimensionnement aux retombées socio-économiques indéniables, sachant qu’outre la problématique d’eau potable, la région concentre 13% de la superficie cultivée en plantations fruitières au niveau national, ce qui pose manifestement des enjeux non négligeables en matière d’irrigation.
Mais les autorités publiques partie prenante de ce partenariat public-privé, qui ont repris – sans passer par la case de la mise en concurrence – le même délégataire du premier projet avorté, à savoir la Société d’Eau Dessalée d’Agadir (SEDA), se sont-elles entourées, cette fois-ci, de toutes les garanties nécessaires pour éviter un nouveau dérapage dans les délais, voire une défaillance pure et simple de cette filiale de l’espagnol Abengoa qui compte dans son tour de table le fonds InfraMed que gère la CDG ? Rappelons que les difficultés financières d’Abengoa (opérateur du projet et actionnaire majoritaire de SEDA qui avait frôlé la faillite en 2016), sont loin de n’être qu’un mauvais souvenir. Cet ex-fleuron européen de l’économie verte a même multiplié par six ses pertes en 2016 en essuyant une perte abyssale de près de sept milliards d’euros (près de 80 milliards de DH !).