Madame Sécurité routière
Elle garde le style de ses années dans la banque. Mais cette nouvelle entrepreneuse s’est lancée à son compte pour la sécurité routière. Une femme très discrète qui ne lâche que très peu de détails sur elle-même.
L
a vie est parfois un long fleuve tranquille. Pour certains bien nés, le chemin se déroule sans embûches jusqu’à atteindre la réussite professionnelle. Le contexte des années 70 s’y prêtait, et pour ces chanceux, le Maroc connaissait encore une phase de croissance qui ne s’est arrêtée que tout récemment. Nadia Tazi est de ces chanceux, nés au bon endroit, au bon moment, dans le bon milieu, à une époque où ces facteurs seuls garantissaient un avenir.
Elle a vu le jour en 1973, à Casablanca. Enfant cadette d’une fratrie de trois, son père est imprimeur. C’est dans la capitale économique qu’elle grandit. A ce moment, la ville blanche est encore un havre de paix pour la bourgeoisie industrieuse. Il est possible de sortir en famille dans les quelques parc d’attractions, à échelle humaine, de la ville. C’était une époque où une certaine paix sociale régnait, malgré des inégalités sociales certes plus marquées que de nos jours, mais moins visibles. Les riches affichaient moins leur richesse, même s’ils arrosaient de leur mépris les masses laborieuses, et les pauvres se contentaient de leur sort, dans un fatalisme inoculé par la religion, déjà présente dans toutes les strates de la société. Les antennes paraboliques étaient encore rares, et quand bien même on en disposait, TV5 était la seule source d’information étrangère, hormis les nombreuses parutions de presse étrangère dans le pays. Les voitures étaient également plus rares, et circuler à Casablanca ne tenait pas encore des perpétuels bouchons, où on oscillait entre la crise de nerfs, et la lassitude de rater un énième rendez-vous.
C’est dans cet environnement protégé que Nadia grandit. Elle n’est pas scolarisée à la Mission française, mais au Groupe Scolaire d’Anfa, autrement connu comme “l’école Bennis”. Ce sont les débuts de l’arabisation. Elèves et professeurs doivent s’adapter à un nouveau programme auquel ils ne sont pas préparés. Dans l’école, l’enseignement est bilingue, ce qui limite les dégâts, mais donne également de bonnes bases dans les matières scientifiques. Ces dernières sont enseignées en arabes, et marqueront le début du naufrage de l’éducation nationale qui perdure encore à ce jour. Les élèves des écoles privées bilingues, eux, compteront parmi les rescapés de la mise à mort méthodique du système éducatif hérité du Protectorat, et qui formait encore quelques élites, limitant les possibilités pour tous les autres.
Nadia a des loisirs de son âge. Elle joue au tennis, pratique la danse classique, et lit les classiques de la littérature française. C’est une jeune fille sérieuse, à une époque où les femmes n’avaient que très peu d’espaces de libertés. Pour les vacances, la famille fait du tourisme intérieur, et se rend parfois en France ou en Espagne. Elle poursuit ses études au groupe scolaire d’Anfa jusqu’à la seconde, puis intègre le Lycée Maïmonide, qui permet de préparer un Bac français. La jeune Nadia n’est pas douée en mathématiques, et s’intéresse à des matières plus concrètes. C’est la raison pour laquelle elle s’oriente vers une section de sciences de gestion. Elle obtient son Bac G en 1990. Le diplôme en poche, elle reste encore un temps à Casablanca, et poursuit à l’Ecole Supérieure de Gestion (ESG), pour trois années, avant de s’envoler pour Paris. La Métropole française est un monstre, mais également un haut lieu de la culture. Les bibliothèques, bien fournies, offrent aux étudiants toutes les informations qu’on pouvait attendre, avant internet, et pendant la construction de l’Europe telle qu’on la connaît. “C’était une nouvelle expérience. On était livré à soi-même et on devait se prendre en charge,” analyse-t-elle. Nous sommes en 1994, et elle obtient son diplôme en Commerce International. Elle enchaîne avec un troisième cycle en Management International dans la même école, qu’elle obtient en 1995. L’année suivante, elle fera un stage à l’UNESCO. Arrive 1996, Nadia rentre au Maroc et fait ses premières armes dans une entreprise familiale, un temps, mais dès l’année suivante, entre dans la banque. Ce sera le Crédit du Maroc, où elle restera quinze années. Elle passera les six premières années à la direction internationale où elle travaille sur le développement de produits. Elle représente la banque au Salon International de l’Agroalimentaire (SIAL), et organise des séminaires pour les clients dans des évènements européens. Un autre aspect du travail est d’accueillir des investisseurs étrangers et de les accompagner dans les procédures. Puis elle passe à la direction des ressources humaines. Là, elle est en charge du développement et de la communication interne. Plus tard, c’est le volet formation et gestion des compétences qui s’ajoute à ses attributions. Dès la deuxième décennie des années 2000, Nadia s’intéresse au conseil en sécurité routière. Après des études de marchés poussées, elle se lance à son propre compte en 2012.