Mahat Chraïbi, Expert comptable associé de PWC : L’experte “taxes” de PriceWaterhouseCoopers
Elle a fait toute sa carrière dans l’expertise comptable. A 47 ans, cette experte en fiscalité aime les choses claires et garde une rigueur de battante dans un monde d’hommes. Par Noréddine El Abbassi
Les parcours classiques ont la particularité de permettre, pour ceux qui les empruntent, d’aborder leur vie professionnelle, par la grande porte. C’est le cas de Mahat Chraïbi, qui a suivi la filière d’excellence, à une époque où cette dernière, ouvrait toutes les portes.
D’entrée de jeu, on réalise qu’il s’agit d’une femme d’affaires, portant complet sombre et chemise blanche, comme il sied à la fonction. Seul détail qui tranche, une touche d’élégance: un châle de grand couturier sur les épaules. Le style reste sobre, et la première impression ne trompe pas. On a bel et bien affaire à quelqu’un, habitué à traiter avec les “grands” du monde des affaires.
Mahat Chraïbi est née en 1968, à Rabat. Elle est l’aînée d’une fratrie de quatre enfants, et dont le père est cadre supérieur à l’OCP, tandis que la mère exerce dans l’enseignement. C’est dans la capitale qu’elle passera ses premières années, tant que l’Office Chérifien était encore basé à Rabat. “C’était un environnement cadré. Même dans le cycle primaire, l’évaluation des élèves était hebdomadaire. Il fallait être parmi les meilleurs, et viser l’excellence. Mes parents y veillaient, tout particulièrement”, se remémore-t-elle.
Son prénom sera choisi par son grand père maternel, alors Alem à l’Université Qaraouiyines, qui estimera que la singularité du prénom Mahat, néanmoins, courant dans l’Egypte de l’époque, serait tout à fait approprié.
Dans son discours, transparaît une rigueur héritée de ses années passées dans les écoles de religieuses, et dont elle avait suivi l’enseignement. Ce dernier était bilingue, et comportait l’initiation au Coran, à l’instar de ce qui était enseigné dans les écoles publiques. Mahat garde de cette époque, un goût de l’effort et une appétence pour les études. Même adulte et mère de famille, les réveils aux aurores le dimanche, pour apprendre les langues étrangères, ne seront pas pour lui déplaire.
Départ pour Casablanca
Mais dès 1979, quand Mahat n’avait que 11 ans, elle doit changer de résidence et d’école. L’OCP transfert en effet son siège depuis Rabat à Casablanca, et le haut cadre qu’était son père, se devait de suivre son entreprise. Cette dernière s’installe dans les locaux prestigieux, que l’on lui connaît actuellement. La famille doit alors quitter la capitale politique pour la capitale économique. Après une période d’adaptation, la famille retrouve de nouveaux repères, et Mahat intègre le système de l’enseignement public: “à l’époque, il était classique de commencer dans le privé, avant de poursuivre dans le public. Mais comme j’étais la plus jeune, et je venais d’une autre ville, qu’était Rabat, j’ai mis les bouchées doubles, pour bien prouver que j’étais au niveau. Je n’ai pu souffler, que lorsque j’ai reçu les premières félicitations du conseil de classe”, explique-t-elle, avec une intensité soudaine dans le récit. Ses mains, qui étaient jusqu’alors sagement croisées, s’animent dans de grands gestes, pour mieux appuyer son discours. Esprit de compétition oblige, Mahat met un point d’honneur à exceller dans les études.
Ses loisirs restent limités, le tennis étant sa principale activité sportive. Elle fera certes, une brève tentative dans les arts martiaux, en apprenant le judo sous l’impulsion d’amies, mais la greffe ne prend pas. D’ailleurs à ce jour, Mahat ne se considère pas grande sportive. Quant aux vacances, la famille reste dans les “normes” et ne s’éloigne guère des chemins battus. On se rend volontiers au Nord du Maroc, au bord de la grande Bleue, durant la période estivale. Il arrive même qu’on traverse le Détroit, pour une virée dans le Sud de l’Espagne. On est tenté de dire que la vie est un long fleuve tranquille, qui ne connait pas de vagues. Mahat passe ses classes naturellement, aussi bien au Lycée Ibn Habous qu’elle intègre d’abord, qu’au Lycée Chawki où elle continue ensuite. Elle décroche son bac en Sciences Mathématiques en 1986.
Expertise comptable de A à Z
Mahat s’oriente alors vers des études de gestion. Le pays compte une seule école de commerce publique, l’ISCAE, et c’est celle qu’elle rejoint. L’école est alors un melting pot d’étudiants, venus de tous horizons. Elle se plaît dans cet environnement bon enfant. “C’était moins marqué socialement que le lycée, où le clivage était plus net. Là, nous avions des relations cordiales avec nos camarades. J’ai encore le souvenir des séances cinémas, où nous nous rendions ensemble, avec un effectif qui comptait jusqu’ à 40 participants,” explique-t-elle, rejetant tout système de classe dans l’école. Les études supérieures se déroulent bien , et Mahat compte parmi les meilleures de sa promotion. Elle obtient son diplôme en 1991, et se prépare à partir pour la France, pour parachever sa formation. Mais son père la met sur la piste du concours d’expertise comptable. Elle passe l’épreuve avec la hantise de l’obtenir, mais sa prémonition se réalise. Mahat doit abandonner ses rêves de partir pour Paris préparer un DEA ou un DESS. Elle sera expert comptable et sait déjà qu’elle ne regrettera jamais son choix. Donnant raison à la confiance que son père avait dans sa capactité à faire des choix raisonnables.
“Dès les résultats positifs connus, Abdelaziz Al Mechatt, qui était enseignant à l’ ISCAE, m’a proposé de faire mon stage dans son cabinet”, explique-t-elle, avec un nouvel accès d’animation et non moins de fierté, a postériori. Son professeur, qui est également Président de l’Ordre des Experts Comptables, lui aura offert un pont d’or. Pendant les trois années de stage obligatoire, elle touche aux différents aspects du métier, avant de s’orienter vers la fiscalité. 1995 sera l’année de la confirmation, lorsqu’elle est expert comptable “mémorialiste”, et que présenter son mémoire de fin d’études est la dernière formalité qu’elle accomplit six années plus tard, sous les applaudissements de son fils. Elle s’est mariée une année auparavant, et 1996, verra la naissance de son premier enfant, Kamil, à qui elle donnera un frère, Ghali, en 2001. Mahat quitte en 1999 le cabinet de son mentor, pour Coopers & Lybrand. En 2008, un autre changement dans le parcours professionnel de Mahat. Ce sera le non moins célèbre cabinet PriceWaterhouseCoopers (PWC), au sein duquel, elle évolue dorénavant, et dans lequel elle est cooptée associée en 2010. Depuis 2014, elle a été élue au Conseil régional de l’Ordre des Experts Comptables de Casablanca et Sud. La même année, une distinction internationale s’ajoute à son palmarès, avec son élection à la présidence de la branche Marocaine de l’Association Fiscale Internationale (IFA). Pour confirmer une image de femme qui réussit, au Maroc et dans le monde, évidemment.