Majid Kaissar El Ghaib, fondateur d’Omega holding Manager ingénieur
Il a su conserver sa silhouette de l’intellectuel pédagogue qu’il est. Depuis l’Ecole centrale de Lyon, il s’est envolé pour les USA et intégré l’ONP à son retour. Depuis, cet homme de science qui a occupé les plus hautes fonctions du management a su rebondir, tout en restant dans son domaine d’expertise.
C
oncilier l’ambition professionnelle, par ailleurs tout à fait légitime, et une éthique non moins contraignante, et après tout, non moins moralement exigible,n’est pas toujours chose aisée. C’est valable aussi bien au Maroc qu’ailleurs, surtout dans un monde où la compétition se durcit sans cesse et que les valeurs morales semblent se limiter à des réminiscences du passé. Mais vaincre sans péril, n’est-ce pas triompher sans gloire, dit l’adage. Un défi que Majid Kaissar El Ghaib a relevé quand il a été appelé à remettre à niveau une grande entreprise étatique où des problèmes d’éthique et de gouvernance devenaient un handicap quasi insurmontable.
Majid Kaissar El Ghaib a vu le jour en 1959, à Versailles, par le simple hasard du calendrier. Son père, officier de l’armée marocaine se trouvait à ce moment là, en formation dans la banlieue française, non loin de la ville, éponyme du célèbre château du non moins célèbre Roi de France, Louis XIV. Prémonitoire ce lieu de naissance, qui devait sans doute le prédestiner à briller une fois arrivé à l’âge adulte. Mais contrairement à l’idée reçue, il ne régnait guère “d’ambiance de caserne” au domicile familial, mains plutôt une harmonie et une ouverture d’esprit dont le jeune Majid garde des souvenirs agréables. “Mon père était très cool avec nous. Il y avait certes un certain sens de la discipline, mais qui n’avait rien de rigide ou qui dépassait les normes d’une famille structurée,” se remémore-t-il. C’est peut-être ce sens de la discipline qui poussera le père de Majid à inscrire son fils au concours du lycée militaire. Epreuve que franchit haut la main ce dernier. La scolarité se passera sans anicroche, l’établissement de la base de Kénitra jouissant de conditions très favorables . Ainsi, une promotion garde son unité tout au long du cycle scolaire et évolue, pratiquement en circuit clos. En outre, l’établissement ne dispense pas une formation militaire, comme on pourrait le penser, et cela même si les élèves portent un uniforme. Mais ces derniers, encadrés de près, sont astreints aux résultats. Sans pour autant être intégrés aux Forces armées royales, ils assistent au lever du drapeau, une fois par semaine. Pendant le reste du temps, c’est une ambiance studieuse qui les occupe, puisque l’enseignement est dispensé par des officiers. Le lycée militaire dispose d’une salle de loisirs. On écoute la musique de l’époque, celle, héritée notamment des GI, qui, ne l’oublions pas, occupaient les lieux naguère. Mais cela n’était pas limitatif, bien entendu, et on s’adonnait aux loisirs de salles, dont par exemple, le billard. Tout comme il était courant que les élèves “descendent” en ville pour apprécier les films diffusés au club cinéma. Mais en règle générale, c’est le sport qui fait office du divertissement par excellence.
Partir en France pour les études
Majid obtient son bac C, sciences mathématiques, en 1977. Sans surprise.“Ce qui démarquait le lycée militaire de Kénitra, c’est le taux de réussite exceptionnel à l’examen du baccalauréat qui avoisine les 100%”, se rémémore-t-il avec une fierté à peine dissimulée. Lorsqu’il passe en revue la longue liste de ses camarades qui ont réussi dans la vie, son visage s’anime, et son apparence mince et frêle malgré sa taille normale, prend une stature plus imposante. D’ailleurs, son physique s’apparente plus à celui d’un enseignant mûr et équilibré que d’un manager rompu aux feux des conseils d’administrations houleux. Le Bac en poche, Majid s’envole pour Nancy, dans le Nord de la France, préparer les concours d’entrée aux grandes écoles d’ingénieurs. Il passera par le prestigieux Lycée Poincarré, le mieux à même de lui assurer le maximum de chances de réussite. Il se rendra vite compte qu’ il n’a guère changé son quotidien austère de son lycée militaire. N’étaient-ce les soirées étudiantes auxquelles il participe avec quelques camarades de classe et les sorties clandestines des “taupins” “faisant le mur”. Même s’il s’y reprend à deux fois pour décrocher son école, la Centrale de Lyon, il ne regrette pas ce sacrifice, largement compensé. Mais dans l’école d’Ingénieurs qu’il a intégrée, le régime est très libéral tout en garantissant une formation des meilleurs de France et de Navarre. Majid choisit de se spécialiser dans le génie civil. Mais, son père lui conseille de pousser encore d’avantage et d’étoffer son cursus Universitaire. Il restera donc en France pour un Master à l’école des Ponts et Chaussées. Ce qui est une distinction loin d’être négligeable , ne répond pas néanmoins à ses aspirations profondes. C’est qu’il caresse dans son for intérieur le rêve américain. L’année suivante, son désir se réalise, et Majid s’envole pour les USA. C’est au MIT (Massachussetts Institut of Technology), qu’il poursuit ses études. “On change alors complètement de système. La formation théorique en France est excellente, mais on laisse aux entreprises le soin de vous “formater” à leur culture d’entreprise. Aux Etats-Unis, on est formé pour être directement opérationnel, dès la sortie de l’école”, analyse-t-il, avec force conviction. Au terme de ce cursus, Majid estime néanmoins qu’il n’est pas encore temps de rentrer au Maroc. A la formation théorique, il faut adjoindre la pratique sur le terrain. Il fait donc ses débuts professionnels dans un cabinet d’études en géotechnique en Floride.
Retour au bercail
Quand arrive 1990, son père est malade, et Majid doit faire de fréquents allers-retours entre les USA et le Maroc. Au bout du compte, la maladie finit par emporter le père et Majid décide dès lors de regagner son pays natal en 1991. Il rejoint alors l’équipe de Meziane Belfkih, un autre lauréat des Ponts et Chaussée et en charge du Ministère de l’Equipement. Il ne tarde pas à être détaché au Conseil Ingénierie et Equipement, un bureau d’étude dépendant du Ministère. La compagne de Majid, rencontrée aux Etats-Unis le rejoint au Maroc, dès après son retour au pays et ils se marient dans l’année. En 1992, le foyer s’agrandit par la naissance de leur premier enfant. La carrière professionnelle de Majid suit son cours dans la haute Administration marocaine et l’amène au ministère des Pêches. En 1997, il est appelé à assurer la fonction de Secrétaire Général de l’Office National des Pêches (ONP). Cette dernière entité traverse une crise conjoncturelle. Au Parlement, on discute même de sa dissolution éventuelle. Il faut alors prendre des mesures de redressement, ce à quoi il s’attelle: “le nombre de bateaux et les ressources étaient les mêmes. Nous avons simplement mis fin aux malversations, aux dessous de tables et à l’informel. Bien sûr, on demeurait contesté, mais les résultats étaient là puisque la production a quintuplé pendant cette période”, martèle-t-il dans un élan passionné. Il sera nommé DG par Dahir en 2001, après avoir assuré la direction par intérim de l’Office pendant une année. Il restera à l’ONP pendant dix années. Dans l’intervalle, l’Office décroche plusieurs prix de la qualité, et Majid lui-même est primé qualiticien de l’année en 2005. Dans la continuité, il commence à enseigner dans l’école de commerce ESCA et prend la pésidence de l’Association ENACTUS.
2010 sera l’année du virage. Majid Kaissar El Ghaib arrive au terme de sa mission à la tête de l’ONP, et doit être réintégré au sein de son Ministère, celui de l’Equipement. Mais la réintégration se fait attendre : “j’ai eu le temps de prendre du recul. L’invitation d’un ami à faire une Omra, a été pour moi une occasion de me détacher quelque peu des soucis du quotidien et de privilégier le spirituel. En fait et pour la première fois, j’ai pu prendre du temps pour moi. Lorsqu’on est absorbé par un travail qui vous accapare, au point de manquer à votre famille. Dès lors, vous n’avez guère le temps pour réfléchir”, analyse-t-il. Mais le besoin d’activité le taraude et il se met alors à travailler sur un nouveau projet: Omega. Il s’agit d’une holding qui a pour objet de développer plusieurs projets dans le domaine des pêches. Mettre sur pied le volet aquaculture et industrie n’est pas une mince affaire et prendra tout de même trois années: “le Maroc ne peut plus se permettre d’attendre. Lancer des projets industriels dans le domaine est une priorité pour le pays”, regrette-t-il. Reste que depuis, Majid est toujours dans l’attente de la clarification de sa situation. Ce qui ne saurait tarder, laisse-t-il entendre.