Manageuse d’hommes, marketing queen, “Car nerd”
Dounia Amrani est une femme à l’image de son parcours, «le meilleur de deux mondes». Née au Canada dans une famille marocaine, cette native de l’Ontario a eu un parcours balancé, entre le Maroc et le Canada, qui l’a conduit à une belle carrière au Maroc.
Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va, dit l’adage, et Dounia Amrani a toujours su d’où elle venait. Blonde aux yeux bleus, on ne se rend compte qu’elle est marocaine que lorsqu’elle parle darija, avec cet accent de Tétouan, reconnaissable entre tous. Mais dans son approche, elle est à 100% dans le «corporate», efficace et focalisée. Elle est née en 1980, à Barrie en Ontario. L’aînée d’une fratrie de trois enfants, voit donc le jour au Canada, où son père s’était installé. Ce dernier avait quitté le Maroc, très jeune, à 17 ans. C’est après un passage par la Belgique, qu’il opte pour Montréal, puis l’Ontario. «Mon père a toujours travaillé dans la restauration. Il a lancé plusieurs établissements dont le “Four Seasons Toronto” avant d’ouvrir son propre restaurant dans la «banlieue riche», au milieu des cottages d’avocats, de médecins et de banquiers de la ville, à 45 minutes du centre», explique-t-elle, toujours avec cette «simplicité» qui la caractérise.
Simple, est en effet le terme qui convient le mieux pour la définir. Habillée à la «cool», baskets aux pieds et plusieurs sacs de travail dans les bras, Dounia a l’air d’une «business woman always on the go», toujours prête à faire face à toutes les situations. Au Canada, la famille compte parmi les premières générations d’immigrants. «Mon père était le seul «non-caucasien» de la ville. Lorsque j’ai commencé ma scolarité, mon père m’a inscrite dans une école gérée par des sœurs, et leur commentaire a été «elle n’est pas des nôtres». Or je suis blonde et mon père leur a rétorqué, «regardez-la, qu’a-t-elle de possiblement différent?». Mais en fait, je pense que les sœurs parlaient de religion», se remémore-t-elle.
Une fille du Grand Nord
Son enfance ressemble alors à une image d’Epinal des années 80. Les enfants vivent au grand air, font du vélo dans la forêt et côtoient les paysages «grandioses» du Grand Nord. Etant née et ayant grandi au Canada, Dounia est parfaitement intégrée dans la société de l’époque. Elle est à l’image d’une petite canadienne, mais d’origine marocaine. «On ne ressentait aucun racisme à cette époque. C’est de nos jours, avec l’actualité que l’on connait, que nous vivons tous ce phénomène, qui a émergé entre temps. Tout était alors plus «clair» dans nos rapports avec les gens. La blague, c’est que quand j’éternuais, je disais «hamdoulillah» et que toutes mes camarades trouvaient ça amusant», confie-t-elle, toujours avec cette «franchise» dont elle ne se départit guère.
Dounia a 9 ans lorsqu’elle rentre au Maroc. A un moment où la crise bat son plein dans le Monde, suite aux chocs pétroliers. Son père lui, reste au Canada, pour gérer ses restaurants alors que sa famille est à Tanger. Dounia intègre l’école américaine et découvre son pays d’origine : «nous étions déjà la famille MRE qui venait tous les étés au Maroc. Mais cela a pris quelques temps avant que je n’apprenne la «tetouaniya», et que je m’intègre. Cela a été un peu difficile. Mais c’était une belle époque», affirme-t-elle, un peu «émue». Dounia joue au basket, fait de la course à pied et on l’imagine volontiers en «garçon manqué», disputant la balle aux autres. Elle est active au sein de l’école et participe à l’organisation de différents évènements qui s’y déroulent.
Ivy league studies
Arrive 1997, lorsque Dounia doit repartir pour le Canada. «Dans l’Ontario, si on veut bénéficier des mêmes avantages que ceux qui sont restés, on doit faire une 13ème année dans le pays. J’ai donc rejoint mon père et je me suis inscrite dans une école publique de la ville. C’était assez mélangé, et il y avait de tout», explique-t-elle. Dounia décroche son année en quelques mois et trouve le temps de terminer l’année scolaire au Maroc et d’y passer le bac américain avec ses camarades restés au pays. Mais dès après, elle revient auprès de son père au Canada. Commencent alors en cette année 1999 ses années d’étudiante canadienne. A l’instar de ses camarades, Dounia est appelée à multiplier les «petits jobs» d’étudiants. Elle travaille comme serveuse dans le restaurant de son père, gère l’établissement pendant l’été, travaille à l’accueil au dortoir des filles et assiste la secrétaire du Doyen de l’Université.
Elle poursuit ses études au sein de l’Université de Western Ontario, un établissement de groupe d’«élites» Nord Américain, Ivy League, qui compte des universités, telles que Harvard. Elle opte pour les Sciences politiques, et les Affaires Internationales. Après trois années d’études, Dounia décroche son diplôme en 2002. «Au Canada la démarche est plutôt celle de «bosseur». Dès 16 ans, tout le monde commence à travailler. En dehors de certains rentiers, tout un chacun doit prendre un crédit étudiant pour faire la fac, et s’autofinancer. Donc pour avoir un peu d’argent et pouvoir vivre correctement, il est impératif de travailler énormément», explique-t-elle et laisse entendre avoir eu, une vie «classique» de canadienne.
Retour au Maroc
Le diplôme en poche, elle rentre au Maroc et intègre le groupe Avendis. L’entreprise distribue les marques Gillette, Oral B et Duracell, à partir de sa base de Berrechid. C’est sa deuxième expérience dans le monde professionnel marocain. Dounia y fait ses premières armes, avant de rejoindre Grey en 2004. Cette dernière entreprise est alors une agence de communication «dans le vent». Elle gère Procter & Gamble, Visa et Nokia, entre autres comptes «prestigieux». Dounia, elle, gère Nokia sur l’Afrique du Nord, et assiste à la création du bureau dédié à l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Grey vit alors une «belle» période de croissance et s’étend au Sénégal, au Nigéria et en Egypte.
Arrive 2007, Dounia rejoint Nokia lorsque l’entreprise doit faire face à une crise de croissance majeure. Elle y reste deux années, avant de rejoindre Visa Corporate Communications. Là, elle «vit entre deux avions», entre le Maroc et l’Egypte, dans une course effrénée de «manager international». Mais l’année du virage interviendra quelques temps plus tard. Dounia est mariée depuis une année, et 2011 verra la naissance de son fils. «Je ne pouvais plus vivre à 100 km/h. Je devais recentrer mes «priorités» autour de mon enfant. My son is my glory», explique-t-elle dans un rire attachant. Comme beaucoup de mères, les enfants passent avant. Dans la foulée, Dounia retourne chez Grey, au moment où le ministre Moncef Belkhayat reprend la carte de cette dernière. Depuis 2013, Dounia Amrani a rejoint Adidas et le monde des “Multinationales” et vit à nouveau entre deux pays, cette fois-ci, entre le Maroc et Dubai. A défaut de «constance» dans le pays, elle fait preuve de «constance dans le succès». Et espérons-le, pour longtemps.
Bio Express
1980: naissance à Barrie (Canada)
1999: AST (bac canadien) à l’Ecole Américaine de Tanger
2002: diplôme de l’Université de Western Ontario en Sciences Politiques et Affaires Internationales
Retour au Maroc et débuts chez Avendis
2004: entrée chez Grey, en charge de Nokia au Maghreb
2007: entrée chez Nokia
2013: entrée chez Adidas