Mariages des mineures : des chiffres scandaleux
Il nous avait promis la transparence, il tient parole. Mohamed Ben Abdelkader, le ministre de la Justice, a dévoilé devant les parlementaires la situation des autorisations des juges de mariage de mineures.
«En 2018 sur 33.000 demandes, 26000 ont été acceptées soit plus de 80 %» et le ministre d’ajouter, ce n’est plus l’exception. Au regard des traités internationaux, ce sont 26000 viols répétés qui ont été autorisés par la justice marocaine. Cela paraît provocateur de l’écrire comme cela, mais c’est la simple réalité.
Contourner la loi
Des enquêtes journalistiques ont déjà mis en lumière les différentes astuces utilisées par les familles pour contourner la loi. En fait, le juge doit trouver matière à estimer « qu’il y a un risque de fassad ». La plus courante c’est la grossesse, souvent après un mariage à la fatiha. Il ne faut pas blâmer les juges. La loi leur permet de statuer dans ce sens en usant de leur libre arbitre.
C’est donc à ce niveau qu’il faut agir. La loi doit être amendée dans un sens beaucoup plus strict qui codifie exactement les cas où l’autorisation exceptionnelle peut être accordée. ONG et parlementaires peuvent s’associer dans un travail législatif conséquent.
De même, il y a un délit flagrant, constitué et pourtant jamais puni, ni même juste poursuivi, celui de tentative de dévier la justice. Car dans tous ces cas, parents et maris, mettent en place un scénario, inspiré par des conseillers matrimoniaux d’un genre nouveau, devenus experts dans l’art de décrocher le sésame de l’autorisation des juges pour marier des mineures.
Ce que l’on a commenté comme une véritable avancée sociale, le mariage à dix-huit ans est battu en brèche par ces arnaques dont les juges deviennent complices, malgré eux, souvent, mais dans le cadre de leur pouvoir d’évaluation, selon leur conviction intime.
Le pire c’est que parfois, juste un certificat de perte de virginité suffit à obtenir le sauf-conduit, parce que selon cette conception, ayant perdu sa virginité, la fille n’a plus que deux options : se marier avec celui qui l’a défloré ou la prostitution.
Il s’agit d’un phénomène sociétal qui mérite un vrai débat public. La loi existe depuis plus d’une décennie et on n’arrive pas à l’appliquer de manière universelle. Les résistances sont énormes et ce, dans toutes les couches sociales. Il n’y a pas que le coercitif, il faut aussi développer la prévention par l’éducation. C’est une tâche urgente si nous ne voulons pas continuer à légaliser des dizaines de milliers de viols par an, ce qui est un pur scandale.