ALE Maroc-Canada: une question de blé ?
Les négociations entre le Maroc et le Canada pour la signature d’un accord de libre-échange vont reprendre incessamment sous peu. Sur le volet agricole de ces négociations, le blé canadien est au centre des débats. Un aperçu des enjeux du côté canadien.
Le round des négociations de l’Accord de libre-échange entre le Maroc et le Canada prévu en février dernier, avait été reporté d’un commun accord. Le Maroc était-il plus d’accord que le Canada pour ce report? On n’en saura rien. Ce qui est sûr, c’est que le Maroc a préféré temporiser un peu face à des négociateurs canadiens «un peu trop» pressés pour signer l’accord. Du côté marocain, on prône la prudence pour éviter les erreurs commises par le passé. «Nous avons tiré les leçons qu’il faut des ALE précédents, à la lumière desquelles nous essayons de profiter au maximum des opportunités de l’accord avec le Canada. Ceci est conforté par la continuité des équipes dont le noyau dur est resté le même», avance-t-on auprès du département du commerce extérieur. D’ailleurs, les responsables nous affirment que la position du Maroc est presque finalisée. Ce qui laisse sous-entendre la reprise des négociations. Des sources proches du dossier nous ont confirmé que ce quatrième round des négociations se tiendrait incessamment sous peu à Rabat. «Éventuellement en avril prochain».
Des négociations qui s’annoncent dures
En attendant, tout est encore sujet à débat en ce qui concerne cet ALE. Surtout quand il s’agit d’ouvrir ses portes à un énième pays, alors que l’économie marocaine souffre déjà des conséquences des précédents. «Ce qui intéresse le plus les Canadiens dans cet ALE est d’assurer un débouché pour leur production céréalière entre autres», lâche un proche du dossier. Interrogé sur la question, le département du commerce extérieur ne nie pas que du côté canadien, le point de l’exportation des céréales surtout le blé dur, est une de leurs priorités. «Le blé dur représente plus de 90% de la valeur des exportations de denrées agricoles canadiennes au Maroc. La Commission Canadienne du Blé (CCB) a exporté près de 600000 tonnes de blé dur au Maroc au cours de la campagne 2010-2011, ce qui fait de ce pays son deuxième débouché en importance pour ce grain», pouvons-nous lire dans un communiqué de la CCB, à l’occasion du deuxième round des négociations en avril 2012. Le marché marocain est d’autant plus important pour les Canadiens, du fait qu’ils viennent d’entamer justement une réforme majeure dans leur système de commercialisation du blé.
Blé canadien en danger
Depuis le 1er août 2012, la loi sur la Commission canadienne du blé (CCB) a été abrogée. Ainsi, les agriculteurs ne sont plus obligés de donner leurs récoltes à la CCB et peuvent choisir le mode de commercialisation qu’ils préfèrent. Toutefois, lors de la période de transition (2012-2017) la CCB, qui soit dit en passant contrôlait jusqu’ici 20% des échanges de blé et d’orge sur le marché international, continuera de fonctionner comme entité offrant des options de commercialisation aux agriculteurs qui souhaitent recourir à ses services. Centralisant la production nationale, le Canada avait, grâce à la CCB une force de frappe indéniable à l’international. Chose qu’il n’aura plus d’ici 2017 où la CCB devra être privatisée ou dissoute. Donc, les agriculteurs canadiens seront livrés à eux même face à une concurrence internationale et surtout américaine très forte. Donc, quoi de plus normal que le Canada veuille se positionner sur ses principaux marchés grâce à des accords de libre-échange. «La signature d’un ALE sera cruciale, car elle permettra au Canada de préserver sa position dominante sur le marché marocain. D’autant plus que cette position pourrait être menacée si d’autres pays maintiennent un accès préférentiel dans ce marché par le biais de leurs propres accords commerciaux», avancent les responsables de la CCB. Allusion faite aux États-Unis qui sont à leur septième année de mise en œuvre de l’accord échelonné sur dix ans et qui procure à leur blé dur un avantage tarifaire croissant. C’est dire que cet accord ne serait finalement qu’une affaire de blé pour les canadiens ? «On ne peut pas dire cela, dans le sens où s’il ne s’agissait que d’un seul produit, on aurait pu signer un accord préférentiel sur ce produit tout simplement. Or ce n’est pas le cas, il s’agit bien d’un accord global», avance-t-on auprès du département du commerce extérieur. Et de renchérir, «on compte bien saisir les opportunités qui peuvent se présenter à nous comme dans le secteur des services par exemple, où le Maroc a un énorme potentiel à exploiter dans l’offshoring ou encore en matière d’IDE en général,…». Les négociations vont être très serrées.