Culture

Marrakech: L’âge mûr d’un festival

Le FIFM s’est installé définitivement dans le monde du cinéma. Une sélection diversifiée, une organisation impeccable, des invités de prestige, le cocktail prend et cela se sait.

Nul n’ose plus contester la pertinence de la tenue d’un Festival international du cinéma à Marrakech, même pas les Islamistes, tant la réussite est évidente. Celle-ci se mesure à l’aune des objectifs. Ceux-ci étaient à la fois artistiques en termes d’impact sur le cinéma marocain, médiatiques et politiques. Ils sont tous atteints.
Les réalisateurs marocains à l’unanimité, reconnaissent l’utilité du contact avec le cinéma international. Les auteurs des deux films sélectionnés, Lakhmari et Ayouch, ont dit leur fierté de concourir avec des films prestigieux, cette fois avec des chances d’être primés. L’engouement des populations marrakchies pour les spectacles en plein air, atteste du potentiel en public, qui marque l’urgence de réanimer les salles par une vraie politique  incitative.
Sur le plan médiatique, l’événement est relayé au-delà des partenariats usuels. Même les chaînes d’information ont proposé des reportages réguliers. Cette présence dépasse celle du festival de Dubaï, dont certains voudraient en faire le concurrent du FIFM. Cette comparaison est fausse.
Les moyens mis par les Emiratis sont colossaux. Mais l’absence d’industrie cinématographique locale, l’impossibilité d’accueillir des tournages internationaux autres qu’arabes, font de ce festival un événement touristique. Les grandes vedettes viennent à Marrakech, parce qu’elles aiment la ville, le pays, mais aussi parce qu’elles adhèrent au projet. Celles qui vont à Dubaï, le font pour des raisons financières pures.
Sur le plan politique, le maintien du festival malgré les attentats, son ouverture sur le cinéma mondial sans tabou, l’implication des populations dans son déroulement ont définitivement établi l’image d’un pays ouvert, moderne, capable d’accueillir et d’alimenter le dialogue des cultures à travers le cinéma.
Economiquement l’impact sur le tourisme, les studios de Ouarzazate est évident. La valeur des techniciens marocains est reconnue par les réalisateurs  étrangers qui ont eu recours à leurs services, c’est un secteur économique réel qui a émergé et le FIFM y est pour beaucoup.

Idoles sans frontières
La douzième édition a choisi de rendre hommage au cinéma hindi, qui fête son centenaire. C’est d’abord la première industrie du film au monde. La production annuelle est de 1200 longs métrages, près de 4 films par jour. Les salles obscures en Inde accueillent plus de cent millions de spectateurs par semaine. Il s’agit d’un cinéma très éclectique, mais le gros de la production, porte le cachet de Bollywood : émotion, musique, danse, chronique sociale feutrée. La durée moyenne du film hindi est de trois heures. La barrière de la langue a explosé devant l’universalité du langage cinématographique.
On a pu s’en rendre compte de visu. Shah Rukh Khan est acclamé comme une mégastar, toutes les autres vedettes présentes sont reconnues et adulées par le public des films hindis. A Jamaâ El Fna, ils étaient des milliers à suivre les projections, mais surtout à essayer d’avoir un autographe, une photo, avec des acteurs très pros, qui se sont prêtés au jeu avec une grande patience.
Les films hindous font des centaines de millions de spectateurs, en Asie, en Afrique, dans le monde arabe.
Grâce à la présence de communautés issues de ces contrées en Occident, le film hindi est omniprésent en Occident, surtout aux USA et en Grande-Bretagne. Face à cette réussite, le regard condescendant des critiques de cinéma, formatés au film d’auteur est disqualifié. Le genre s’est imposé.
Le jury présidé par John Boorman,  à qui on doit « Excalibur », est lui aussi le reflet du désir d’échange voulu par les organisateurs. Il est constitué d’artistes de pays et de continents différents. Les expériences de chaque membre, dans leur diversité, enrichiront les débats au sein d’un jury qui doit « juger » une sélection, elle aussi reflétant une diversité de regards sur le cinéma.
L’organisation est impeccable. Les équipes sont rôdées, les horaires sont en général respectés. Les forces de sécurité ont amélioré leurs performances, au point que l’organisation du Festival n’occasionne aucune gêne à la population marrakchie, ni au niveau de la circulation, ni en matière de sécurité et de contrôles, puisqu’il n’y en a quasiment pas. En plein festival, des rencontres sportives ont pu avoir lieu normalement. C’est dire si la gestion des effectifs est optimale.
Les médias, ceux de l’audiovisuel en particulier ont pu travailler selon les normes internationales, dans une fluidité qui fait honneur aux organisateurs.
Le FIFM a atteint une vitesse de croisière, celle où on est en face d’une machine qui déroule, en phase avec un concept identifié, original cependant. Son succès ne pourra qu’être confirmé par les prochaines éditions, au profit du cinéma, de l’économie et de l’image du Maroc. Il y a douze ans, quand ce festival a été créé, cela n’allait de soi pour personne, certains artistes nationaux mettant en doute sa pérennité.

 
Article précédent

Partenariat: Les Français changent de cap ?

Article suivant

Andalussyat 2012: La musique andalouse sort des sentiers battus