Me Kamal Nasrollah : « Tout s’est passé comme si certaines parties avaient un intérêt à ce que La Samir ne redémarre pas «
Avec plus de 43 milliards de DH de dettes, La Samir, mise en liquidation définitive, risque d’être la plus grosse faillite de l’histoire économique du Maroc. Au grand dam des actionnaires minoritaires, notamment les compagnies d’assurance Atlanta et Sanad, la Caisse marocaine de retraite, et des fonds d’investissements gérés par Attijariwafa bank et BMCI, qui représentent 12% du capital. Kamal Nasrollah, qui est en charge des intérêts de ces derniers, fait le point sur les attentes des actionnaires institutionnels marocains de l’unique raffineur du Royaume.
Challenge : Le 21 juillet prochain, la SAMIR devra avoir trouvé un repreneur, faute de quoi elle sera vendue à la découpe. Est-ce une bonne nouvelle pour les actionnaires institutionnels marocains que vous représentez ?
Kamal Nasrollah : Pas vraiment. La bonne nouvelle aurait été de trouver un repreneur qui fasse revivre ce fleuron de l’économie nationale dans lequel mes clients ont fortement investi. Cela bien sûr en mettant en place un tour de table qui aurait permis aux actionnaires, moyennant une décote, de continuer à participer à cette belle entreprise industrielle. Une vente à la découpe n’est pas une bonne nouvelle car elle conduit souvent à une détérioration de l’actif du fait de la disparition des synergies.
La Samir fait face à un niveau d’endettement bancaire abyssal, supérieur à 20 milliards de DH et des arriérés administratifs énormes. C’est dire que personne ne voudra jamais racheter autant de dettes pour une société dont le total des actifs s’élève à 23 milliards de DH. Que peuvent alors réellement espérer les actionnaires institutionnels marocains ?
Je souhaiterais rappeler que le dossier est devant les juridictions commerciales depuis le printemps 2016 et que 3 ans après, aucune solution sérieuse n’a pu être trouvée. Dans ce type d’affaires, la gestion du temps est essentielle pour permettre une reprise ordonnée des actifs d’une société en liquidation. Or, dans ce dossier, tout s’est passé comme si certaines parties avaient un intérêt à ce que l’outil industriel ne soit pas repris et que la raffinerie ne redémarre pas. C’est triste pour les actionnaires, institutionnels ou autres, mais c’est surtout triste pour le pays. La notion d’intérêt général a fait cruellement défaut et l’on peut légitimement s’interroger sur les outils mis à la disposition des organes de la procédure collective pour mener ce type de mission. Il ne s’agit pas de la liquidation d’une entreprise lambda avec quelques salariés et un chiffre d’affaires réduit. Nous parlons bien de la plus grande raffinerie d’Afrique qui offrait une protection stratégique à notre pays. Face à ce challenge d’envergure, le Tribunal a souvent donné l’impression d’être fort dépourvu et sans assistance (absence de banque d’affaires internationale, avocats d’affaires…pour générer les meilleures offres de reprise de la raffinerie). Je tiens néanmoins à saluer le rôle du juge-commissaire Me Bouhamria qui n’a pas ménagé ses efforts pour faire avancer le processus. Mais comme le dit l’adage marocain, une main seule ne peut applaudir.
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