Mehdi El Fakir : « Si on se retrouve en septembre avec ces restrictions, l’impact sur l’économie marocaine sera conséquent »
L’augmentation des nouveaux cas de contaminations ces dernières semaines dans certaines villes a amené les autorités marocaines à décider de restreindre les déplacements vers et depuis huit villes dont notamment Casablanca, Tanger, et Marrakech. Une décision qui aura des conséquences sur la reprise économique en cours. Mehdi El Fakir, Économiste spécialisé dans l’évaluation des politiques publiques, analyse la situation.
Challenge : La récente décision du gouvernement d’interdire l’accès à huit villes dont Casablanca, Marrakech et Tanger, qui représentent les poumons de l’économie marocaine, a pris tout le monde de court. A votre avis, quel sera l’impact de cette décision sur la reprise économique entamée après 3 mois de confinement ?
Mehdi El Fakir : Il y aura un impact certain sur l’économie marocaine. On avait l’espoir d’une reprise, mais avec ces restrictions, malheureusement, pour les secteurs tels que le tourisme, la saison est compromise. Sauver la saison touristique est désormais aux oubliettes. Toutefois, je trouve que sur le plan économique, nous sommes dans une période qui, certes, est une période de reprise, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit du mois d’août et de la période de l’Aid qui correspondent à une période où il y a, en temps normal déjà, un ralentissement de l’activité économique, une baisse de productivité. Aujourd’hui, les gens ont vraiment envie de sortir du confinement et de se ressourcer. Il faut noter aussi que cette période correspond à celle où une bonne partie des tribunaux ne fonctionne pas, parce qu’il y a les vacances judiciaires. Donc, lorsqu’on prend toutes ces réalités en considération, je pense que globalement, on ne peut pas affirmer que les mois de juillet et août constituent une période qui va durement impacter l’économie. Cette période a toujours été, depuis longtemps, une période d’attentisme et de flottement. Maintenant, si cette restriction devrait s’étendre sur les prochains mois, là oui, il y aura un impact significatif sur l’économie. Mais, il faut attendre les chiffres officiels pour pouvoir mesurer l’impact réel sur l’économie. Ce que je remarque aussi, c’est que les autorités gèrent intelligemment ces différentes décisions. Sur la forme et le caractère administratif soudain de cette décision de restriction des déplacements, je ne peux apporter de commentaires. Maintenant, j’espère que nos dirigeants vont intégrer la gestion des risques dans leur système de management à l’avenir, c’est-à-dire mettre en place une vraie stratégie de gestion de risques à long terme de façon à ce que de telles situations ne soient plus aussi impactes. C’est mon vœu. Maintenant, les faits sont là et les prochains mois vont être décisifs.
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Challenge : Est-ce que vous craignez un prolongement de ces restrictions sur les mois à venir, au vu de la situation épidémiologique ?
Mehdi El Fakir : Oui cela est à craindre. Une chose est certaine à ce stade, c’est que la solution à la situation que vit notre pays aujourd’hui n’est pas économique, elle ne peut être que sanitaire. J’espère qu’il y aura un vaccin bientôt qui va soulager tout le monde. La situation actuelle est vraiment perturbante. Maintenant, si on se retrouve au mois de septembre avec ces restrictions de déplacement, il est clair que l’impact sera conséquent parce que le mois de septembre marque la rentrée économique généralement dans le royaume. Et d’ici la fin de l’année ce sera une catastrophe. La situation est trop compliquée et l’Etat, lui-même, n’arrive pas à imposer une vraie décision, et on ne peut plus faire marche arrière. Les cas augmentent, et les décès aussi. Le taux mortalité commence à progresser. La situation sanitaire à Tanger est inquiétante. Fès aussi. Donc, attendons juste de voir comment tout ceci évoluera dans les prochains mois. Il est difficile de parler de reprise économique dans le contexte actuel. L’attentisme observé est tout à fait normal, parce qu’on ne sait pas ce qui va se passer. Aujourd’hui, tout le monde essaie de se familiariser avec ce virus, de continuer la vie économique.
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