Mehdi Salmouni Zerhouni : «Le zellige ne fait pas partie du patrimoine marocain au sens juridique du terme»
Le Maroc connu dans le monde par son charme naturel avec ses villes vitrines lumineuses, est aussi le terroir d’un véritable savoir-faire artisanal. Le zellige, symbole de toute une histoire socio-culturel marocaine, signe aujourd’hui dans le cénacle de l’esthétique artisanal international. Dans cet entretien, l’expert en Propriété Industrielle Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI nous transporte dans un voyage historique à la découverte de ce patrimoine et des enjeux qui planent sur le savoir-faire marocain à l’heure où le Made in Morocco cherche sa voie.
Challenge : Pouvez-vous nous définir le zellige ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Le zellige est une mosaïque dont les éléments appelés « tesselles », sont des morceaux de carreaux de faïence colorés. Ces morceaux de terre cuite émaillées sont découpés un à un et assemblés sur un lit de mortier pour former un assemblage géométrique. Le zellige est originaire, du Maroc est utilisé principalement pour orner les murs, les fontaines ou les sols. Il est un composant caractéristique de l’architecture islamique au Maroc. On le trouve dans les maisons traditionnelles et modernes, mais aussi dans les bâtiments administratifs et les mosquées à travers le Royaume. On trouve son utilisation en Algérie et en Tunisie aussi qu’en Andalousie.
Avec le développement de l’immigration, on trouve des maisons ou appartements décorés aux USA, Canada mais aussi dans les pays du Moyen Orient et en Afrique. Inspiré de la mosaïque berbère, le Maroc a fait du zellige un art particulier et ceci depuis le 10ème siècle. Les techniques de fabrication ont évolués depuis aussi que celles du collage. Je rappelle que les zelliges ont été aussi utilisés par la mode : des mannequins ont porté des modèles de djellabas, de caftons ou de jeans brodés de motifs géométriques élégants. Je cite à titre d’information quelques ouvrages sur l’art et l’architecture marocaine. Il s’agit de :
-Arabesques, Art décoratif au Maroc de Jean-Marc Castéra, ACR Edition, 1996.
–Motifs géométriques : Ornements d’architecture, de Gérard Robine, Ed Vial, 2010.
Challenge : Donc le zellige ne fait-il pas partie du patrimoine ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Il faut distinguer entre le patrimoine historique et le patrimoine au sens juridique. J’aborde le patrimoine sur le plan juridique seulement. Avant de répondre à votre question, il y a lieu d’identifier l’administration chargée du patrimoine au Maroc. L’administration chargée du patrimoine à l’heure actuelle est le Ministère de la Jeunesse de la Culture et de la Communication. Cette administration a subi plusieurs changements. Il faut souligner que le Royaume du Maroc a protégé le patrimoine national par plusieurs textes législatifs et réglementaires. Un arrêté du 28 novembre 1912 du délégué à la Résidence Générale, établit le service des antiquités, beaux-arts et monuments historiques. Ce service deviendra en 1920 Services des Monuments Historiques, Palais impériaux et Résidences. En 1956, à l’indépendance du Royaume, on a créé le service des Monuments historiques, des Arts et du Folklore, sous la tutelle du Ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. Cette entité sera rattachée successivement
-en 1963 au Ministère de l’Information du Tourisme, des Beaux-Arts et de l’Artisanat
-en 1972 au Ministère des Habous, des Affaires Islamiques et de la Culture.
Le 25 avril 1974 par dahir chérifien, il a été créé un Ministère d’Etat chargé des affaires culturelles. Un décret du 26 août 1975 a défini les attributions et l’organisation de ce Ministère. L’article 1er de ce décret précise que ce Ministère est chargé de « conserver le patrimoine culturel national, d’en assurer l’intégrité, de mettre en œuvre tous les moyens susceptibles d’en garantir l’expansion et le rayonnement, d’élaborer et de veiller à l’application des textes législatifs et réglementaires régissant la protection des objets d’art, des sites archéologiques et monuments historiques ».
Le patrimoine marocain est régi :
-par la loi n°22-80 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d’art et d’antiquité promulguée
-par le dahir du 25 décembre 1980. Cette loi a été modifiée et complétée par la loi n°19-05 relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d’art et d’antiquité.
Ces 2 lois régissent sur le plan national le patrimoine marocain. Un projet de loi relatif à la protection, à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine culturel, introduit la notion du patrimoine culturel et du patrimoine matériel et immatériel afin d’harmoniser le droit national avec les conventions internationales. La note de présentation de ce projet de loi a pour ambition de moderniser le droit national en matière de protection du patrimoine. Je précise que le Conseil Economique Social et Environnemental a donné un important avis sur la nouvelle version de gestion, et de valorisation du patrimoine culturel. Par conséquent, le zellige ne fait pas partie du patrimoine marocain au sens juridique du terme.
Challenge : Quelle est la classification du patrimoine matériel ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : La classification interne du patrimoine national s’articule autour de 2 notions :
-l’article 1er de la loi 22-80 considère comme patrimoine « Les immeubles, par nature ou par destination, ainsi que les meubles dont la conservation présente un intérêt pour l’art, l’histoire ou la civilisation du Maroc, peuvent faire l’objet d’une inscription ou d’un classement ». Cette énumération fait la distinction entre immeuble et meuble.
-au titre des immeubles la loi 22-80 énumère « les monuments historiques ou naturels et les sites à caractère artistique, historique, légendaire pittoresque ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général.
Sont également assimilés aux monuments historiques, ceux présentant un intérêt artistique, historique, légendaire, pittoresque ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général, les gravures et peintures rupestres, les pierres écrites et les inscriptions monumentales, funéraires ou autres, à quelque époque qu’ils appartiennent ? en quelque langue qu’elles soient écrites et quelles que soient les lignes ou formes qu’elles représentent ». Il ressort de cet article que le zellige qui est décoratif est un immeuble par destination. Il ne peut être protégé ou classé, qu’avec un immeuble par nature. Je ne veux pas vous décevoir encore une fois en concluant que le zellige n’est pas un patrimoine et ne peut être classé comme tel.
Challenge : Est-ce que les meubles sont concernés ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Je rappelle que l’article 2-2 de la même loi précise que les objets mobiliers y compris les documents, les archives et les manuscrits qui constituent par leur aspect archéologique, scientifique, artistique, esthétique ou traditionnel, une valeur nationale ou universelle pouvant faire l’objet d’une inscription ou d’un classement. A ma connaissance, le zellige en tant que tel n’est ni inscrit ni classé par le Ministère de la Culture.
Challenge : Le Ministre de la Culture était-il dans son droit d’envoyer une lettre de sommation à la société allemande Adidas qui a reproduit sur les maillots des formes de zellige ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Je ne tiens pas à commenter les décisions de Monsieur le Ministre de la Culture et encore moins la lettre adressée à la société allemande par son Avocat. Je précise tout simplement que la loi n°22-80 et la loi n°19-05 la modifiant est une loi ayant un effet sur l’ensemble du territoire du Royaume du Maroc. Les biens immeubles ou meubles inscrits ou classés ne peuvent faire l’objet de cession ou de transmission, L’article 54 de la loi n°19-05 a instauré des peines de 3 mois à 2 ans et des amendes de 5.000 DH à 200.000 DH selon les infractions. N’importe qui peut reproduire les formes du zellige sur n’importe quel support. A mon avis, la société allemande Addidas n’a violé ni la loi 22-80 ni la loi 19-05 relative au patrimoine. Cependant les biens inscrits ou classés au niveau national ou international font régulièrement l’objet de divers usages commerciaux sous formes de photographie, de vidéo ou de dessin. La question de la reproduction des biens culturels a été abordée il y a vingt ans et a donné lieu à un débat important devant les juridictions françaises. Après l’existence des marques de fabrique, de commerce ou de service, on se dirige notamment vers la création de la marque culturelle pour protéger le patrimoine culturel. L’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale et le Ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication devraient réfléchir pour créer et élaborer cette nouvelle marque culturelle pour préserver l’usage illégal et abusif de nos biens culturels au Maroc et à l’étranger.
Challenge : Sa Majesté le Roi vient de donner ses hautes instructions pour la création d’un musée de patrimoine immatériel, que pensez-vous du patrimoine immatériel ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Je tiens à saluer cette excellente initiative royale. La convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972 dont le Royaume du Maroc est signataire, est relative au patrimoine matériel. En 2003 l’UNESCO a adopté une autre convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui a été ratifiée par plus de 163 états dont le Royaume du Maroc en 2006. Cette convention va permettre au Royaume du Maroc non seulement de mettre en relief son patrimoine immatériel qui est l’un des patrimoines le plus riche, le plus varié et le plus original sur le plan international, mais de le protéger efficacement. A ma connaissance, le zellige n’est pas classé ou inscrit en tant que patrimoine culturel immatériel. Par contre le Maroc compte de nombreux éléments inscrits au patrimoine culturel immatériel comme par exemple :
-Espace culturel de la place Jemaâ el Fena,
-Le festival des cerises de Séfrou,
-Gnaoua,
-Le couscous, cette inscription est partagée avec l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie,
-La Tbourida.
En tout, je pense que le Royaume du Maroc bénéficie de 12 inscriptions auprès de l’UNESCO. Ceci prouve la richesse et la diversité de notre patrimoine marocain au sens large du terme.
Challenge : Il ressort de votre analyse et de vos réponses que le zellige n’est pas inscrit et n’est pas classé ni au niveau national ni au niveau international ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Le zellige en tant que tel ne peut être protégé ni par les lois n°22-80 et 19-05 ni par les conventions internationales sur le patrimoine. Cependant le zellige peut être protégé par la loi n°2-00 relative aux droits d’auteur et droits voisins à condition que les conditions de protection soient réunies.
Challenge : Donc le zellige est-il protégeable au Maroc par la loi 2-00 sur le droit d’auteur?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Bien sûr, l’article 3 de la loi n° 2-00 protège les œuvres des beaux-arts y compris les dessins, les peintures, les gravures, lithographie, les impressions sur cuir et toutes les autres œuvres des beaux-arts. Le zellige présente plusieurs formes géométriques avec plusieurs couleurs servant à la décoration est considéré comme un dessin, c’est-à-dire une œuvre. Pour qu’il soit protégé, il faut 3 conditions cumulatives :
-une date certaine de création,
-l’existence d’une œuvre originale au sens de l’article 3 de la loi ,
-et un auteur, c’est-à-dire le créateur de cette œuvre ou l’auteur de cette œuvre.
Or le Ministre de l’Artisanat définit le zellige comme constituant « un élément d’architecture berbère et hispano-mauresque, qui a su parfaitement s’adapter aux styles de décoration contemporaine tout en préservant un mode de fabrication artisanal. Le savoir-faire marocain est reconnu mondialement grâce à l’ingéniosité et l’expertise de ses grands maalems. La créativité de l’artisan conduit parfois à des défis techniques, tant la taille des zelliges devient fine et minutieuse ». Cette définition officielle démontre que le Ministère met l’accent sur les défis techniques sans prononcer le ou les noms des maalems, auteurs de ces œuvres. On peut déduire de cette définition que le zellige est dans le domaine public et ne peut être protégé par le droit d’auteur.
Challenge : Nous avons constaté la circulation d’un dépôt marocain de marque de zellige sur les réseaux sociaux et dans la presse nationale et internationale justifiant l’intervention du Ministère de la Culture dans la reproduction du zellige marocain sur les maillots des sportifs ? qu’en pensez-vous ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Effectivement mon cabinet a attiré mon attention sur le dépôt de la marque ZELLIGE FES au Maroc et après quelques recherches, nous avons trouvé que :
-le Ministère de l’Artisanat, de l’Economie Social et Solidaire a déposé la marque ZELLIGE FES le 30 mars 2015 sous le n°166361 en classe 19 pour « Carreaux de céramique »
-le même Ministère a déposé la même marque sous le n°1314783 le 15 juin 2016 en classe 19 pour « Carreaux de céramique ». Ce dépôt international désigne le Canada, l’Union Européenne, le Royaume Uni, l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, la Turquie, les USA, la Chine et la Fédération de Russie.
-le même Ministère a procédé à l’enregistrement de la même marque aux USA le 9 janvier 2018 sous le n°79194152 en classe 19 pour « Carreaux de céramique ».
Challenge : Ces dépôts de marques effectués par le Ministère de l’Artisanat donnent-ils un monopole à ce Ministère sur la marque ZELLIGE FES au Maroc et à l’international ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Pour répondre à vos questions, je dois préciser un point très important en droit marocain comme en droit français par exemple :
le dépôt de la marque ZELLIGE DE FES n°166361 du 30 mars 2015 auprès de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale par le Ministère de l’Artisanat et de l`Economie Sociale et Solidaire m’interpelle sur la qualité de ce Ministère à être titulaire et propriétaire de cette marque ZELLIGE DE FES n°166361 au Maroc. En effet, un Ministère n’a pas la personnalité juridique et il n’est pas une personne morale et à ce titre ne peut être propriétaire ou titulaire d’une marque ni au Maroc ni au niveau international. En droit marocain, seul l’Etat Marocain a la personnalité juridique et le dépôt n°166361 aurait dû être déposé au nom de l’Etat Marocain personne morale de droit public et non pas au nom du Ministère qui est un simple organe administratif. Je rappelle qu’en droit marocain, les personnes morales de droit public sont principalement l’Etat, les collectivités locales et les établissements publics.
Je vous donne quelques exemples de marques déposées par l’Etat Français :
-la marque PASTILLES VICHY déposée le 26 juillet 1989 et valable jusqu’au 26/07/2029 déposée par l’Etat Français, service des Douane.
-la marque STATISTIQUE FRANCE déposée le 15 octobre 2003 et valable jusqu’au 15/10/2023 déposée par l’Etat Français, représentée par l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat,
-la marque ACID CRYPTOFILER déposée le 13 août 2001 et valable jusqu’au 13/08/2031, déposée par l’Etat Français, représenté par le Ministère des Armées,
-la marque AUTO-ENTREPRENEUR n°3591261 du 22 juillet 2008, déposée par l’Etat Français, représenté par le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi,
-la marque VIGIPIRATE n°3347176 du 16 mars 2005 déposée par l’Etat Français, représenté par le Service d’Information du Gouvernement.
Je précise que l’Etat Français dispose d’un important portefeuille de marques déposées à son nom. J’attire votre attention que ce dépôt de la marque ZELLIGE FES est exposé au Maroc et à l’étranger à des actions judiciaires en nullité pour ce motif.
Challenge : Pensez-vous que l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale n’a pas fait correctement son travail ? et pourquoi le Ministère de l’Artisanat n’a pas su détecter de telles anomalies ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Il faut être honnête, le Ministère de l’Artisanat dispose de cadres hautement qualifiés et l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale dispose de la loi n°17/97 incomplète et boiteuse et qui mérite d’être modifiée et complétée d’une façon professionnelle. J’avoue que le personnel de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale a acquis depuis 2015 de l’expérience et une maturité professionnelle. L’OMPIC est dirigé à l’heure actuelle par un Directeur Général reconnu pour sa disponibilité et pour l’écoute des usagers. Il n’est pas dans mes compétences de détecter les fautes des uns et des autres et encore moins, chercher la responsabilité des auteurs de ces décisions.
Challenge : Avez-vous été consulté par le Ministère de l’Artisanat suite à son projet de dépôt de marque ZELLIGE FES au Maroc et à l’international en 2015 en votre qualité de spécialiste en matière de dépôts de marques et de propriété industrielle ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : A ma connaissance le Ministère de l’Artisanat n’a pas fait appel aux compétences marocaines pour son projet de dépôt de marques au Maroc et à l’étranger. Il a préféré faire appel à un cabinet étranger qui est déconnecté de la réalité marocaine, du droit comparé et du droit international de la propriété industrielle. Ceci est regrettable je déplore cette situation.
Challenge : En examinant le dépôt international tel qu’il est publié sur le site de l’OMPI Genève n°1314783 du 15/06/2016 de la marque ZELLIGE FES, on constate dans la rubrique indication relative à la nature de la marque qu’il s’agit d’une marque collective, de certification ou de garantie, alors de quoi s’agit-il ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Il ne faut pas confondre la marque collective et la marque collective de certification avec la loi n°133-12 relative aux signes distinctifs des produits de l’artisanat promulguée par le Dahir n°1-16-50 du 27 avril 2016 et publiée dans le B.O du 19 mai 2016. Le dépôt de la marque ZELLIGE FES n°166361 du 30 mars 2015 est un dépôt antérieur à la loi n°133-12 entrée en vigueur le 19 mai 2016. Par conséquent cette marque ZELLIGE FES n’est pas protégée en tant que signe distinctif des produits de l’artisanat.
Challenge : Alors qu’est ce qu’une marque collective ou une marque collective de certification comme indiqué sur le dépôt international de la marque zellige Fès précité ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Pour comprendre, il y a lieu de faire la distinction entre 3 sortes de marques :
-la marque dite individuelle qui peut être déposée par n’importe quelle personne auprès de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale,
–la marque collective dite simple qui peut être exploitée par toute personne, nous dit l’article 166 de la loi n°17/97 qui respecte un règlement établi par le titulaire de l’enregistrement; le mot personne veut dire personne physique ou morale, ceci exclut toute entité qui n’a pas la personnalité juridique et notamment le Ministère de l’Artisanat,
-la marque collective de certification est une marque appliquée au produit ou service qui présente notamment, quant à sa nature, ses propriétés ou ses qualités, des caractères précisés dans son règlement, nous précise l’article 166 de la loi.
L’article 171 de la loi 17/97 nous dit que la marque collective de certification ne peut être déposée que par une personne morale qui n’est ni fabricant, ni importateur, ni vendeur de produits ou de services. Il ressort de cet article que le Ministère de l’Artisanat qui n’est pas une personne morale ne peut être titulaire d’une marque collective de certification.
Le législateur n’a pas désigné l’organisme de certification. Comme vous le savez la certification dite tierce partie est un processus d’attribution de certificats par un tiers de confiance, généralement un organisme privé agréé ou un organisme public de certification qui atteste qu’un produit ou un service, est conforme aux exigences d’un référentiel. Ce vide juridique doit être comblé, car il démontre l’incohérence et l’insuffisance de notre arsenal juridique de propriété industrielle. Nous avons la marque collective de certification sans l’organe de certification. Cette situation fait peur aux investisseurs marocains et étrangers.
Challenge : Finalement le dépôt de la marque ZELLIGE FES n°166361 du 30 mars 2015 peut-il être classé parmi les marques collectives ou les marques collectives de certification ?
Mehdi SALMOUNI ZERHOUNI : Ce dépôt tel qu’il est publié sur la base de données de l’OMPIC nous donne aucune indication sur la nature de cette marque. Le dépôt international précité de la même marque, indique d’une façon imprécise la nature de la marque. Donc on peut affirmer que cette marque n’est pas une marque collective de certification, mais une marque collective simple. A ce titre, les marques collectives sont soumises au régime de validité des marques individuelles. La marque ZELLIGE FES mérite 2 observations :
-tout d’abord, le mot ZELLIGE pour « Carreaux de céramiques » est contraire à l’article 134 de la loi sur la distinctivité,
-ensuite le mot FES indique la provenance géographique, ce qui est également dépourvu de caractère distinctif.
Je suis surpris par l’attitude de l’Office Marocain de la Propriété Industrielle et Commerciale d’avoir accepté l’enregistrement de la marque ZELLIGE FES malgré l’existence de l’article 134 précité, sachant que le contrôle de l’Office sur le caractère distinctif d’une marque est un contrôle sévère. Malheureusement, je peux également affirmer que ZELLIGE FES n’est même pas protégé par le dépôt national n°166361 du 30 mars 2015 et par les dépôts internationaux visés plus haut à titre de marque. Je suis choqué et déçu par le sort réservé à notre zellige et plus particulièrement au zellige de Fès qui fait la fierté des Marocains.