Mémoire de syndicaliste par ( Jamal Berraoui )
Il a connu Benseddik, Abderrazak, il a pratiqué Moukharik, Karfa, c’est un ancien de l’UMT, du syndicalisme marocain. Son discours désarçonne, il a la haine des petits patrons à la marocaine. « Les pires, ce sont ceux qui viennent de rien, self-made man au Maroc, cela veut dire voleur, corrupteur, exploiteur ».
Il n’est pas facile de tenter de le raisonner, il a 50.000 anecdotes à raconter, en appui de sa thèse. « Ceux qui sont d’extraction populaire sont les pires patrons, ils considèrent que les salaires qu’ils paient sont des prébendes, d’ailleurs, ils menacent toujours leurs salariés, alors que ce sont les travailleurs qui créent la richesse ».
C’est un syndicaliste de la vieille école, un peu marxiste sur les bords. De son expérience, il tire des conclusions qu’il refuse de juger discutables. « Il n’y a aucun problème avec les grandes entreprises. Une grève leur coûte cher, donc elles négocient ». Il en veut pour preuve que les secteurs où l’UMT a réussi à imposer des conventions collectives sont ceux où les entreprises sont de taille importante.
Sa haine pour les PME reprend vite le dessus. « Tu as déjà vu Karim Lamrani donner 100 dh pour un papier ? Les arrivistes eux entretiennent la corruption, juste pour ne pas faire la guerre, parce que « Monsieur » se croit important ! ».
C’est un syndicaliste, donc on lui rappelle que c’est quand même le tissu des PME qui crée de l’emploi et que son rôle dans la stabilité sociale est important. « C’est une situation de rente, parmi les autres, ils volent les impôts et sucent leurs salariés au nom de l’emploi créé » réagit-il en un quart de tour.
Après une heure de discussion, on a envie de le voir se poser, se calmer, sortir du ressentiment, alors on change de sujet. Pas pour longtemps parce qu’il y revient par le biais. « Ce café où nous sommes appartenait à un français, tous les garçons avaient la CNSS, depuis la marocanisation regarde leur misère ». Il dit préférer le retour en masse des européens parce qu’ils respectent les travailleurs et leurs droits ».
Soixante ans de syndicalisme pour arriver à cette amertume, cela interpelle. Sa réponse à la question est importante. « Un patron capitaliste cherche à créer de la valeur, à consolider son entreprise, le marocain à avoir les moyens de consommer, surtout quand il a été misérable ». Triste bilan, mais à méditer, parce qu’il traduit, un peu, les relations sociales au sein des PME. C’est un vrai problème qui attise les tensions.