Mitchell Prather : « L’accès au financement reste la priorité des innovateurs et entrepreneurs marocains »
Le cabinet de conseil en communication a présenté le 12 octobre 2020 son dernier rapport sur l’innovation africaine en partenariat avec AfriLabs. Le document évalue l’impact du Covid-19 sur les jeunes innovateurs et entrepreneurs du continent et du Maroc et présente ainsi le point de vue d’experts de l’industrie sur le rôle des décisionnaires africains des secteurs public et privé dans les domaines de l’innovation. Mitch Prather, président-directeur général de Djembe Consultants, nous en parle.
Challenge : Vous venez de publier le rapport concernant l’impact du Covid-19 sur les jeunes innovateurs et entrepreneurs du continent. Quels sont les principaux enseignements à retenir ?
Mitch Prather : Si l’impact réel du Covid-19 sur l’économie est encore inconnu, le rapport Djembe Insights montre que, malgré le défi supplémentaire que présente la pandémie, la recherche et l’innovation restent fortes partout en Afrique, y compris au Maroc. Rassemblant les points de vue de nombreux experts et de plus de 1000 startups et entrepreneurs, le rapport vise à fournir une feuille de route pour le développement et la résilience de l’écosystème de l’innovation. L’un des principaux enseignements qui ressort de notre étude est la nécessité pour les gouvernements de mettre en œuvre des politiques de soutien aux entrepreneurs, favorisant l’innovation et créant un environnement propice à l’épanouissement des startups, particulièrement au vu des incertitudes liées à la pandémie. D’ailleurs de nombreux gouvernements ont intensifié leur collaboration avec les entrepreneurs locaux pour trouver des réponses locales aux enjeux de la pandémie.
Les hubs et pôles d’innovation sont le fer de lance de cette nouvelle approche. Ces pôles sont un soutien critique pour les entrepreneurs, les aidant à relever les défis inhérents à l’entrepreneuriat et les défis supplémentaires résultant de la pandémie. Leur capacité à encourager et nourrir l’innovation locale devrait être une priorité, non seulement pour les gouvernements, mais aussi pour le secteur privé. Il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire de repenser les structures et politiques de financement des PME et de la R&D et de réévaluer le système scolaire qui a un impact direct sur la résilience des PME en Afrique. Il s’agit d’une opportunité de réaliser le plein potentiel des startups et des PME africaines et d’assurer une prospérité économique durable.
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Challenge : Concernant le Maroc, quel a été l’impact du Covid-19 sur les jeunes innovateurs et entrepreneurs du Royaume ?
M.P : Comme partout en Afrique, les entrepreneurs du pays se sont mobilisés à une vitesse incroyable pour contribuer à la lutte contre le virus dans des secteurs allant de l’agritech à l’e-santé, en passant par l’e-commerce, la fintech et plus encore. De nombreux projets numériques destinées à endiguer la pandémie ont notamment vu le jour.
Bien que le contexte d’incertitude dans lequel nous évoluons continue de menacer la stabilité économique et les perspectives de ces jeunes innovateurs et entrepreneurs, il est également une opportunité de placer les PME et le secteur de l’innovation au cœur du développement socio-économique du pays.
Challenge : Vous avez reçu pour les besoins de cette étude les contributions d’innovateurs et entrepreneurs marocains. Quelle est leur préoccupation majeure pendant cette conjoncture actuelle ?
M.P : Comme partout en Afrique, l’accès au financement reste la priorité des innovateurs et entrepreneurs marocains. Toutefois, il ressort de notre étude un sentiment qu’une plus grande sensibilisation sur le potentiel du secteur de l’innovation favoriserait de nouvelles opportunités. En outre, de nombreux participants ont cité le manque d’exemples et de modèles à suivre comme l’une des barrières à l’innovation locale. C’est dans l’optique de répondre à cette problématique que nous avons choisi de mettre en lumière dans le rapport Djembe Insights, les véritables héros Africains de l’innovation, tels que LaStartup Factory, et de présenter les hubs œuvrant à faire de l’innovation l’un des piliers de la reconstruction économique post-Covid.
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Challenge : Justement, le rapport met en avant une initiative marocaine, à savoir LaStartupFactory. Que faut-il retenir de cette initiative par rapport aux autres énumérées dans le rapport et qui se trouve en Afrique subsaharienne ?
M.P : LaStartupFactory est un réseau de facilitateurs de l’innovation au Maroc et en Afrique, dont le but est de favoriser la collaboration entre les startups et les entreprises. Présent dans plus de 10 pays africains, son réseau comprend 10.000 jeunes talents, 2000 Startups, 50 experts, 30 partenaires et plus de 25 investisseurs. Sa réactivité et la pertinence de ses études sur l’impact du Covid-19 ont conduit à plusieurs éléments de réponse sur la marche à suivre. LaStartupFactory s’est associée à plusieurs initiatives régionales afin d’identifier et d’encourager le financement de startups capables de développer des projets répondant aux enjeux de la pandémie.
Challenge : Quel regard portez-vous sur les politiques de soutien pour les jeunes innovateurs et entrepreneurs marocains ?
M.P : Si l’ampleur de l’économie informelle et la parité au sein du secteur de l’innovation sont des défis moins prononcés au Maroc que dans d’autres pays du continent, ils n’en sont pas moins un obstacle à sa croissance économique. Pour relever ces défis, il convient de renforcer les politiques visant à favoriser un écosystème de l’innovation plus inclusif.
Les gouvernements africains se sont mobilisés rapidement pour soutenir les entrepreneurs durant la pandémie, mais beaucoup reste encore à faire, comme notamment la mise en œuvre de nouveaux processus de financement visant à stimuler la productivité et à permettre aux PME d’ajouter de la valeur à chaque étape de la chaîne de valeur et de créer de l’emploi. Les politiques doivent maintenant porter leur attention sur les interventions à moyen terme, faire du soutien aux PME une priorité nationale, notamment en mettant en place un programme d’allocations post-COVID pour stimuler la croissance. Il est évident que les gouvernements vont avoir des difficultés à faire face au niveau budgétaire. Le secteur privé va donc jouer un rôle important. Ce qu’il faut c’est donc un effort collaboratif de tous les acteurs de cet écosystème, pour favoriser l’entreprenariat au moment où le continent en a le plus besoin.
Challenge : Comment positionnez-vous les jeunes innovateurs et entrepreneurs marocains par rapport à leur homologue de la Tunisie et de l’Algérie ?
M.P : Les entrepreneurs marocains, tout comme leurs homologues du reste de l’Afrique, ont l’innovation dans le sang. Il est du ressort de l’ensemble de l’écosystème africain de l’innovation, y compris des gouvernements régionaux, de travailler de concert pour mettre en place les programmes adéquats en cette période sans précédent dans l’histoire contemporaine. Fort de sa population très jeune, L’Afrique du Nord a un fort potentiel entrepreneurial. Il convient pour l’exploiter d’accroître la collaboration, notamment transfrontalière, entre les différents acteurs du secteur, pour libérer l’esprit d’innovation africain, au moment où le Maroc en a le plus besoin.