Mohamed Ghazali,Nouveau Secrétaire Général du ministère de la Communication : Ingénieur de formation, grand commis de l’Etat
Il a fait toute sa carrière dans l’administration. A l’heure où l’on gère un pays comme une entreprise, Mohamed Ghazali fait partie de ces ingénieurs qui apportent une démarche scientifique au fonctionnement de l’Etat. Par Noréddine El Abbassi
Il fut une époque, pas si lointaine, où la fonction publique était une fin en soi, et le label d’ingénieur un passage obligé. Le précieux sésame était un passe-partout qui ouvrait toutes les portes de la fonction publique, l’Etat restant la meilleure garantie de réussite professionnelle et par là même, d’ascension sociale. C’est en tout cas le fil conducteur du parcours de Mohamed Ghazali, qui aura fait le “grand chelem”. Après des études d’ingénieur, et un bref passage dans le domaine industriel, il intègre par la grande porte le service de l’Etat.
Il est né en 1971 à Rabat, où son père est alors instructeur à la Direction Générale de la Sûreté Nationale. Les quatre enfants que compte la famille n’échappent pas à la vigilance d’un père très regardant sur leur éducation, les études en premier lieu. Peut être par déformation professionnelle, ou tout simplement par souci de veille, le père surveille aussi de près, les allées et venues: “ C’est que nous habitions un quartier populaire et mon père était conscient des dérives possibles, dans un environnement qui ne manquait pas de tentations. A la maison, c’est encore lui qui assurait le suivi de notre scolarité, n’hésitant pas à nous faire réciter nos leçons. Nous avions intérêt à ramener de bons résultats”, se remémore-t-il, sans élever la voix, et sans jamais se départir d’un ton calme et néanmoins réservé. Sa mère quant à elle, c’était l’affection. Avec quatre enfants à charge, on imagine la somme de travail qui lui était demandée et qui la transformait en quelque sorte, en “chef d’une petite entreprise”. Mais avec infiniment de tact, pour gérer ce monde-là.
Mohamed se rappelle de sa ville natale, comme une grande cité certes, mais où il faisait bon vivre. Rabat n’avait pas encore connu l’expansion d’aujourd’hui et le centre se prêtait aux balades et autres flâneries. Les loisirs gravitaient principalement autour de différents sports, la lecture demeurant une priorité assumée. “ Le marché aux puces du centre ville n’était pas seulement une “curiosité” qui nous attirait, mais aussi une source d’approvisionnement pour nos lectures, renouvelées de semaine en semaine. Il fallait rester dans “la course”, et apprendre continuellement. On s’intéressait autant à la littérature, qu’aux sciences et à l’histoire. Le développement de l’humanité à travers les âges était un aspect qui m’intéressait personnellement et d’un apport pour moi, inestimable”, explique-t-il, “justifiant” presque,ses choix. C’était avant internet et l’effort personnel de recherche avait encore tout son sens, les sources d’informations ne mettant pas tout le monde sur un pied d’égalité. En outre, les places étaient chères à l’école et ailleurs, et il fallait se battre pour réussir. Le salut était à ce prix.
Mohamed est scolarisé naturellement dans le système public, encore relativement performant. Après le stade de l’école primaire, il a la chance d’intégrer un collège où l’on expérimente le concept de l’émulation, les classes étant composées dans cet esprit. C’est aussi l’occasion pour lui de pratiquer le handball, qui sera une activité qu’il pratiquera durant toute sa scolarité secondaire. Il rappellera même au passage, que ce sera pour lui, “une passion”. Parallèlement, il passe de classe en classe, sans difficulté aucune, au Lycée Abdelkrim Khattabi. Il passe son bac Sc Maths en 1990.
Ingénieur dans l’industrie avant d’opter pour le public
Le précieux diplôme en poche, il s’envole pour la Tunisie, préparer les concours aux grandes écoles d’ingénieurs: “ Ne me demandez pas pourquoi, ce choix a été fait par mon père. Je l’ignore. Quant à moi, je souhaitais plutôt aller en France. Mais je suppose que mon père préférait que j’aille dans un pays plus proche du nôtre, et peut-être, m’éviter le dépaysement et les tentations précoces… De toutes les manières, j’étais servi. Là bas, il n’y a pas réellement de différence par rapport au Maroc. De plus, j’étais à 60 km de Tunis, loin de tout,” développe-t-il, entre deux réflexions sur l’époque. Le travail est alors la seule préoccupation, en classes préparatoires. Cela aura duré deux années, au bout desquelles il revient au pays, le concours d’admission à une école d’ingénieurs, l’ENSEM réussi. Mais le parcours du combattant ne s’arrête pas là: “la particularité de l’Ecole Nationale Supérieure d’Electrique Mécanique de Casablanca (ENSEM), est que le rythme très soutenu de l’enseignement est de rigueur, toute la durée du cycle. Nous avions constamment des travaux dirigés, des travaux pratiques et des contrôles continus. Ce n’est pas parce qu’on est admis que l’on est assuré d’obtenir automatiquement le diplôme d’ingénieur,” précise-t-il. En outre et à l’instar des autres écoles d’ingénieurs, le régime d’ internat était de rigueur, et Casablanca n’est pas un lieu de villégiature, même comparée à Rabat.
C’est en 1996, que le cycle se termine et que Mohamed obtient son diplôme d’ingénieur. Le temps de rejoindre la vie active et rechercher une carrière professionnelle adaptée. Dans un premier temps, il tâte le privé et fait un rapide détour par l’industrie. Mais rapidement, c’est la fonction publique qu’il intègre. Ce sera au ministère de l’Industrie qu’il trouve sa place et où il se sent tout à fait à l’aise. A cet égard, Mohamed rappelle son enthousiasme de se retrouver, dit-il, dans une pépinière qu’était le Ministère, avec de nombreux jeunes cadres, que leurs aînés avaient à coeur de former au travail administratif: “les fondations étaient déjà là et le cadre de travail approprié. On nous mettait face à nos responsabilités, et le travail se faisait en bonne intelligence”, développe-t-il, avec émotion et reconnaissance affichée. Mais à cela, des contraintes qui font qu’il doit alors abandonner la passion de ses années d’études, le handball. Sans regret, cependant et l’intérêt du travail prime. Premier baptême du feu: lorsque le Maroc prépare ses projets d’accords de libre-échange avec l’Union Européenne, Mohamed est chargé des centres techniques de l’industrie pour la mise en place du plan MEDA. Ce dernier plan occupe le ministère à la mise en oeuvre des outils pour la transition des entreprises marocaines, pour faire face au changement. Il faut alors mettre en place les infrastructures, les normes nationales, et préparer les ajustements socioprofessionnels. La mission l’occupe jusqu’en 2001, lorsqu’il passe Chef de division des Budgets d’équipement au ministère de l’Industrie.
De ministère en ministère jusqu’au secrétariat général
Sur le plan personnel, et dans l’intervalle, il se marie. L’année 1999 verra la naissance de son premier enfant et la famille s’agrandira d’un deuxième, trois années plus tard. En 2010, c’est un troisième enfant qui rejoindra les deux autres. Mais Mohamed n’est pas le type d’homme à se laisser bercer par la routine. Il se prépare à élargir ses horizons et à compléter sa formation. Il intègre donc le cycle de management des services publics de l’ISCAE, en partenariat avec l’Ecole de Commerce parisienne ESSEC en 2004. Dès l’année suivante, il rejoint la Trésorerie Générale du Royaume, comme Chef de division de la Gestion Intégrée des Dépenses Publiques (GID). Il marque son passage dans cette grande maison, en contribuant à mettre en place le processus de traçabilité des dépenses de l’Etat. Puis en 2006, il passe à l’Administration des Douanes, à titre de Chef de division du Budget. “Il fallait gérer les budgets d’une administration, mais avec une rigueur militaire, étant donné qu’il s’agit d’une entité paramilitaire”, explique-t-il d’un ton taquin. Reste qu’il prend une envergure internationale, lorsqu’il est nommé expert de l’Organisation Mondiale de la Douane (OMD). Certes, il a déjà passé plusieurs certificats de l’ONUDI, mais à ce moment sa carrière prend un tournant: “on m’a sélectionné pour superviser la mise en place de réformes des douanes d’autres pays. C’était assez technique, puisqu’il fallait conseiller des Directeurs Généraux qui présenteraient leurs projets au ministre de Tutelle. Mais cela m’a permis de remplir des missions dans des pays africains, tels le Tchad, le Sénégal, et la Côte d’Ivoire. Mais c’est surtout mon expérience au Niger, en Mauritanie et au Cameroun qui donnera un coup de fouet à ma carrière”, dévoile-t-il, modestement.
Mohamed Ghazali “se plait à collectionner” les diplômes supérieurs et autres formations. Il ajoutera donc à son palmarès, un MBA de la Business School de Toulouse. “J’ai organisé ma vie de manière à préparer chaque période. Quand je quitte un poste, j’en ai déjà fait le tour. Ce qui fait que j’ai toujours l’opportunité d’entamer un nouveau chantier, une fois achevé le précédent”, développe-t-il. Lorsqu’en 2014, le ministère de la Communication recherche un Secrétaire Général, Mohamed Ghazali est le candidat choisi. Depuis, c’est le ministère de Tutelle des journalistes qu’il gère administrativement. Mais dans le fond, c’est aussi une organisation paramilitaire, juste avec quelques “mercenaires” et de nombreux vétérans.