Mohamed Targuesti, fondateur de Brazilian Spécial : le Shaolin de Casablanca
Seize «titres» dont quatre de Champion du Monde, Mohamed Targuesti, surnommé Sifu (Maître) par ses élèves est un «maître des arts martiaux», un disciple de la «mythique» école de Kung Fu chinoise «Shaolin». Discret et pourtant connu dans le milieu des sports de combat, ce champion lance la chaîne d’alimentation pour sportifs et de spécialités brésiliennes.
La vie est une guerre, et parfois il vaut mieux être un guerrier dans un jardin, qu’un jardinier sur un champ de bataille. Mohamed Targuesti a été « forgé » dans l’esprit des arts martiaux dès l’enfance. Aussi bien son background familial, que son « chemin de vie » (Kung Fu), ont fait de lui l’un des « experts » dans le domaine. Il est né en 1970, à Casablanca. Troisième enfant d’un restaurateur du Derb Omar, c’est dans ce quartier « légendaire » de Casablanca qu’il grandit. « Lorsqu’on nait dans une famille où il n’y a eu que des filles, on est « précieux » aux yeux de ses parents. Même s’ils n’étaient pas très démonstratifs, ils faisaient très attention à moi », explique-t-il.
Mohamed est un enfant « sage », trop peut-être, dans le Maroc des seventies. Ses parents le scolarisent alors à l’Ecole Jeanne d’Arc, et rien ne le prédestine à devenir un sportif de haut niveau. « J’étais réellement un gentil garçon et je devais poursuivre mes études à la mission française. Cependant, mon père a décidé de me préparer à l’arabisation annoncée de l’école marocaine et donc de m’inscrire à l’école publique, puisque les écoles francophones étaient supposées disparaître », explique-t-il, toujours avec cette voix rauque et « profonde », de tigre calme.
Le passage au système public est alors un choc. Les écoles sont gratuites, et des élèves de différentes origines sociales cohabitent. Le résultat est pourtant très « populaire » et Mohamed doit rapidement apprendre à s’endurcir. « J’avais 7 ans lorsque mon père m’a inscrit au Karaté. Il voulait me préparer à la vie, et les arts martiaux sont une bonne école de discipline. A l’époque, les rackets et les agressions étaient courants dans les établissements, donc il fallait être préparé », confie-t-il, la voix « vive », comme pour donner plus de « véracité » à ses paroles.
Grand, musclé, le crâne rasé et le « regard perçant », il dégage une impression d’homme constamment « prêt à toute éventualité ». Toujours disponible, son petit bureau « modeste » dans sa salle de sport au Rond Point des Sports, est constamment envahi par ses « disciples ». Les uns pour le remercier pour ses leçons avant de s’envoler pour une carrière internationale de « combattant », d’autres simplement pour le saluer « respectueusement ». C’est un Maître, et cela se sent!
Apprendre à la source
Nous sommes en 1987 lorsque Mohamed s’envole pour le Danemark. Brillant élève, il a décroché un Bac Sc Maths et prend des vacances en Europe du Nord. « Il n’était pas prévu que je reste, mais les hasards de la vie en ont décidé autrement », explique-t-il. Il s’oriente alors vers des études d’hôtellerie, et commence sa carrière dans la restauration, un moyen pour lui pour financer ses études.
« J’ai découvert le Wing Chun là bas, à travers un disciple de Emin Boztepe, l’un des maîtres de Wing Tsun de référence de l’époque. Mais de retour au Maroc en 1991, je n’ai pas trouvé de formation complémentaire », développe-t-il.
En outre, Mohamed ne s’habitue pas au Maroc. « J’ai tenté d’entrer dans une école d’arts martiaux en France, mais les formalités administratives étaient compliquées. J’ai donc décidé de partir apprendre le Kung Fu, les arts martiaux chinois, en Chine, à la « source », avec à la clef le tour de l’Asie », se remémore-t-il. Commence alors un roadtrip, une aventure à travers l’Asie du Sud Est jusqu’en Chine, et les pas de Bruce Lee. Mohamed passe par la Thaïlande, le Vietnam et apprend différents styles de combats, depuis le Muay Thaï au Kali Escrima Philippin qu’il apprend auprès du « maître d’armes » du « Petit Dragon » Lee: Dan Innocento.
Son périple se termine en Chine, où il fréquente différentes écoles. Il s’initie au Tai Chi Chen, dans le village même qui a vu sa naissance, Chen Jiagou, mais doit faire face à une réalité: le Wing Chun n’est pas enseigné sur le continent. Seuls existent des styles « classiques », auxquels il se frotte. Première médaille, cette fois dans le « Sanda », les combats chinois. Il décroche la troisième place et commence déjà à « se faire un nom » dans l’Empire du Milieu. Mohamed n’a que 22 ans lorsqu’une nouvelle fois, « les cieux conspirent en sa faveur ».
« Grace à une recommandation d’un ami, fonctionnaire chinois, j’ai pu entrer dans le temple Shaolin. Ce qui, même pour un chinois, est un « exploit » et évidemment pour un étranger une mission impossible », analyse-t-il. Le « miracle » a cependant des contraintes. Les moines ne font pas d’exception pour Mohamed, fut-il le premier Africain à entrer dans cette enceinte « sacrée », et à ce jour, ils ne sont que 4 étrangers à avoir suivi la formation des Bonzes.
Apprendre aux pieds des maîtres
Deux années et neuf mois plus tard, Mohamed est de retour au Maroc et reprend son travail auprès de son père: « Mon père m’avait toujours « poussé vers l’excellence ». Il me voyait médecin ou ingénieur, alors que pour moi, c’est lui que j’avais pris pour « modèle ». L’image du père est importante, c’est le « héros » de tout enfant », murmure-t-il, sous le ton de la confidence. Dans son discours, on devine la tendresse pour ce vieux « Patriarche » rifain, peut-être un peu trop « teuton », et dans le même temps, une sincérité dans sa « quête de perfection », celle d’explorer la discipline du combat dans sa globalité, pour mieux la partager. Amour qui le guide durant toute sa vie.
Mohamed économise de l’argent pour financer ses voyages et travaille d’arrache pied dans le restaurant familial. Une rencontre déterminante, celle avec Didier Bédard, a cependant eu lieu au Maroc justement. Ce dernier est déjà une « référence » des arts martiaux, et du Wing Chun en France. Le Sifu (maître) apprécie la « combativité de champion » de Mohamed et l’invite à rejoindre son académie. Mohamed s’envole alors pour Paris. « Les élèves professeurs avaient leurs horaires, mais moi je ne sortais pour ainsi dire jamais de la salle. J’étais logé chez Didier, et j’assistais à tous les cours de la journée », explique-t-il.
Le diplôme en poche, Mohamed a un sérieux CV de « professionnel des arts martiaux ». La même année, en 1999, il peut enfin ouvrir sa propre salle. Il forme les forces de l’ordre, et cela bénévolement. Il introduit au Maroc, la technique du baton tonfa, l’arme des forces de l’ordre française. Tout le prédestine à une carrière dans la formation, puisque l’année suivante, il suit les cours de « l’Infanterie » à Montpellier, en France. Il décroche son brevet d’instructeur délivré par cette école de Police de la République voisine.
De retour au Maroc, ses « découvertes » se poursuivent. « Je me suis intéressé au Jiu-Jitsu brésilien, que j’ai découvert chez Didier Bédard, à travers le « champion » de la famille Gracie, Carlson. C’est un art martial « ultime » au sol, et comme 90% des combats terminent à terre, 20 années d’arts martiaux ne vous servent à rien contre un combattant expérimenté dans ce style…», révèle-t-il. Le « champion mythique » le forme alors par intermittences, tantôt au Maroc, tantôt chez lui, au Brésil. Mohamed développe donc une nouvelle corde à son arc.
Champion du Monde avant même la ceinture noire en Jiu jitsu
2007 sera l’année de la « révélation ». Mohamed participe à sa première compétition alors qu’il n’est que ceinture marron, au milieu de combattants plus expérimentés. Il décroche alors sa première médaille d’Or aux championnats nationaux brésiliens. Commence alors une série de victoires qui ne semble jamais s’arrêter. Mohamed collectionne les titres, 16 à ce jour, d’Opens en Championnats, sans jamais faiblir.
Dans sa démarche, on ressent une « sincérité », une « quête » où le Graal serait le geste parfait. « C’est ce qui m’a toujours caractérisé, j’ai étudié dans « l’école Reine », jamais dans une seconde division », affirme-t-il avec une pointe de « sévérité ». C’est sans doute cela qui l’a mené sur les pas de Bruce Lee, entre les mains des Gracies jusqu’à devenir le représentant de Roberto « Cyborg » Abreu en Jiu-Jitsu.
Lorsqu’on demande à Mohamed Targuesti ce qui le « fait avancer » dans la vie, et dans les arts martiaux, il répond simplement: « Je suis un champion, je forme des champions et mon ambition est d’avoir une écurie de champions. Et que mon fils en soit un après moi, parce qu’il est né sur un tatami », martèle-t-il, d’un air « passionné ». C’est là où l’on découvre qu’il est le père des 4 enfants de la salle et du petit garçon qui joue à la balançoire dans une salle de sport et sur un tatami de Jiu-Jitsu. La vie se résume à sa postérité, et dans un sens, les enfants le sont. « Mes élèves sont mes enfants, et ma salle une famille. J’offre une seconde chance à certains, et une formation à ceux qui le veulent », conclut-il. Et comme chacun le sait, la vie est une guerre, et il vaut mieux être un guerrier dans un jardin, qu’un jardinier sur un champ de bataille.