Naufrage à Lampedusa ( Par Jamal Berraoui )
Ils venaient de Somalie et d’Erythrée, ils sont morts à quelques miles de la petite île de Lampedusa qui représentait pour eux la porte du paradis c’est-à-dire l’Europe. Deux cent corps engloutis par les flots, c’est ce qu’il en reste. Mais penchons-nous sur les deux cent vies, qu’est-ce qui amène des gens de la corne de l’Afrique à risquer leur vie pour aller en Europe, ou comme on l’a vu récemment, des gens du Moyen-Orient mourir sur les côtes australiennes.
On ne peut pas demander à des pays d’accueillir tout le monde parce qu’ils sont riches. Quand Ban Ki-Moon met les morts sur le compte de la politique répressive vis-à-vis des migrants illégaux, il raconte n’importe quoi. La solution n’est pas dans les politiques migratoires. Il est acquis que celles-ci sont en fonction des besoins économiques. Dans 30 ans l’Europe aura besoin d’un nouveau flux, mais pas aujourd’hui. En même temps, la pauvreté, les guerres pousseront toujours des gens à croire au mirage, à tenter l’aventure au péril de leur vie.
Ce que Ban Ki-Moon devrait défendre, c’est le développement. L’aide au développement n’atteint même pas 0,2 % du PIB des pays riches. Les matières premières sont largement sous-payées. Politiquement, des potentats corrompus sont soutenus par des pays développés en contrepartie de l’accès à ces mêmes matières premières.
Les frustrations sont accentuées par les nouvelles technologies. L’opulence de l’Occident exerce une vraie force d’attraction parce qu’elle est sur tous les écrans, en continu. Face à cette réalité, les barrières répressives, les risques ne pèsent pas. Cela crée un marché pérenne pour des mafias de passeurs qui écument les mers. Le drame de Lampedusa sera vite oublié, comme ceux qui l’ont précédé. Le drame de millions d’hommes vivant dans la précarité absolue n’est évoqué que par quelques ONG, dont il faut saluer le travail. L’ordre économique mondial ne fait plus l’objet d’aucun débat depuis la chute du mur de Berlin. Pourtant, c’est parce qu’il est injuste que tous les désordres sont nés. Ce débat était porté par des gens de gauche, souvent anti-capitalistes. Ce mode de pensée est en retrait depuis 20 ans. Pourtant seule une révision profonde de l’échange inégal permettra, à terme, de mettre fin aux drames des migrants clandestins qui durent depuis trop longtemps.