«Non à la politique de l’autruche»
Entretien. Nous n’avons pas choisi l’attitude de l’autruche qui s’enfouit la tête dans le sable pour éviter de voir les menaces. C’est avec cette image qu’a commencé notre entretien avec Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Nous sommes venus au gouvernement pour réformer. Nous savons pertinemment que le coût politique pourrait s’avérer important, mais nous avons décidé d’avancer dans cette voie difficile. La non réforme coûte cher au pays et nous ne pouvons freiner le développement de notre économie et enfoncer davantage nos déficits sociaux dans le rouge, a déclaré le ministre. par Driss Al Andaloussi
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ous avons fait un tour d’horizon avec le ministre pour parler des différents dossiers sans ambition d’exhaustivité. La rentrée sociale est chaude et les prochaines échéances électorales ajoutent de la pression.
Le dossier brûlant de la compensation
Challenge a réservé à la question de la compensation une série de dossiers et d’articles et a relevé que le traitement de ce problème se fait progressivement à travers l’indexation des prix des produits pétroliers. Le ministre trouve sur ce terrain les arguments qu’il faut pour défendre le bilan gouvernemental. La multiplication par 14 de l’enveloppe de la compensation entre 2004 et 2012 ne peut qu’agrandir les déficits publics. Payer 56 milliards pour supporter la consommation de certains produits n’a plus été possible au regard des moyens du pays. Aujourd’hui, affirme le ministre, les économies réalisées sont réelles et ont progressé de 17,9% selon les chiffres de BAM. Ces économies sont orientées vers l’investissement en tant que créateur des richesses et des emplois.
Le gaz continue de consommer 15 milliards de DH en compensation. Les catégories qui profitent de presque 70% de cette enveloppe se trouvent à des années lumière des seuils de vulnérabilité. Le ministre est catégorique, le gouvernement s’attaquera, selon les propos du ministre, à l’indexation totale du gasoil. Le gaz attend toujours des initiatives gouvernementales.
La douloureuse facture du contrat-programme relatif à l’ONEE
Le ministre a tenu à inscrire le contrat-programme dans deux paliers d’intérêts. Le premier concerne le financement du grand déficit de cet office qui représente un « grand trou » et qui a été évalué à 70 milliards de DH, y compris les cotisations sociales. L’engagement du gouvernement et le montage financier qui a été approuvé va éviter au Maroc la coupure du courant électrique et renforcer la confiance des investisseurs en sa capacité à honorer ses engagements. L’ONEE avait accumulé beaucoup d’ingrédients qui ont terni son image auprès de ses partenaires. Le deuxième palier concerne le ciblage des grands consommateurs en matière de répercussion des coûts et le maintien de l’exception tarifaire au profit des pauvres. Challenge a évoqué avec le ministre la problématique de la gouvernance de ce secteur et de la nécessaire révision des méthodes de gestion. La réédition des comptes n’a aucun sens quand le recours aux fonds publics devient le seul moyen pour nettoyer les taches laissées par plusieurs années de gestion.
La réforme de la retraite et les conflits sociaux
L’urgence de la réforme n’est pas un choix facile. Il aurait pu être bénéfique «politiquement» de laisser le dossier aux prochains gouvernements, mais il serait irresponsable moralement de voir les déficits ronger les comptes des pensions civiles et continuer à attendre. Le ministre est conscient des pressions sociales et de la position des syndicats. Le projet de réforme ne touchera pas aux droits acquis et la réforme s’étalera sur 7 ans. Les débats actuels au CESE ne facilitent pas le travail gouvernemental dans ce domaine. Les syndicats exigent un paquet social et une liberté de choix des travailleurs. Le ministre a tenu à souligner que le gouvernement a versé régulièrement sa part dans les cotisations et le cumul de ces versements a atteint 35 milliards de DH depuis 2012.
Les indicateurs de performance financière intéressent le discours politique
Le ministre a réservé un intérêt particulier à différentes appréciations positives exprimées à l’égard du Maroc sous forme de notes, d’indices et de classements. Toute appréciation positive est la bienvenue pour conforter les choix gouvernementaux. Un passé très récent où les chiffres produits par BAM et par le HCP a, semble-t-il, été oublié. La compétitivité, l’innovation, le e- gouvernement, la participation citoyenne, les notes des agences de notation et leur phrase mythique qualifiant la perspective comme étant « stable » sont présentées avec fierté
Les dépenses de transfert et le ciblage social
Placé à la tête du discours politique du PJD et mis en avant dans le programme gouvernemental, la question de l’aide aux catégories sociales vulnérables a trouvé des supports budgétaires, mais tarde à produire les effets attendus. Le ministre accorde un intérêt particulier à cette question et mentionne la création des fonds de solidarité et d’entraide sociale. Le RAMED est en train de prendre sa place dans le paysage social et tous les efforts doivent converger pour faire fonctionner d’une manière efficace les fonds suscités. L’aide directe a souvent été au centre des débats sur le ciblage social en matière de réforme de la compensation, mais il semble que les membres de l’équipe gouvernementale n’ont pas encore trouvé les mécanismes qui peuvent lui ôter toute utilisation électoraliste dans l’avenir. Le ministre étant conscient de l’impact tardif des politiques sociales, n’a pas caché les soucis du gouvernement concernant la traduction sur les terrains des mesures sociales prises.
Le climat des affaires: une préoccupation gouvernementale
La question fiscale a été au centre de l’amélioration de ce climat, ainsi que le dispositif des paiements des droits des entreprises. Les remboursements de la TVA, le traitement des réclamations fiscales, le paiement des arriérés, l’instauration des avances dans le cadre des marchés publics et le renforcement du degré de transparence de la demande publique sont cités comme des avancées dans ce domaine.
Le secteur géré par le ministre, a lui aussi renforcé la transparence dans le domaine de la production audiovisuelle. Les 500 millions de DH affectés à cette activité sont dorénavant distribués aux projets qui emportent l’accord d’une commission indépendante et sur la base de critères objectifs.
La nouvelle génération des réformes
Le Maroc connaitra une nouvelle génération de réformes qui auront un impact sur son développement. L’accélération industrielle, le doublement du réseau autoroutier, la nouvelle stratégie portuaire et aéroportuaire et le secteur de la logistique feraient de notre pays un pôle pour l’investissement et accroitraient ses capacités productives.
Les dysfonctionnements de notre gestion publique et du fonctionnement de notre économie méritent plus de débats et surtout, plus d’objectivité et d’abnégation….politique surtout. Challenge ouvre ses pages à toutes les opinions.