Interview

“Notre secteur doit être constamment soutenu et sauvegardé”


Les dispositions introduites dans le document de la loi de Finances 2013 vont pousser les promoteurs immobiliers à ne se focaliser que sur leurs projets en cours.

Challenge. A l’heure où nous mettions sous presse, la Chambre des Conseillers devait valider le projet de la loi de Finances 2013. Y a-t-il eu des changements concernant les dispositions relatives à votre secteur ?    
Youssef Ibenmansour. Pour le moment, nous n’avons pas de nouvelles par rapport aux changements qui auraient pu avoir lieu depuis la semaine dernière. Cependant, nous avons eu vent d’un réaménagement de la taxe sur le sable qui serait de 30 DH pour le sable des dunes de dragage et des oueds, celle pour le concassage serait ramenée à 15 DH/ Tonne. Il s’agirait d’un amendement peu significatif, ce qui signifie que nous maintenons notre position en tant que Fédération aussi bien au niveau des augmentations introduites sur certaines taxes liées au profit foncier, qu’au niveau du produit de logement dédié à la classe moyenne. Nous espérons par ailleurs, voir de nouveaux amendements introduits et qui vont dans le sens des propositions de la FNPI.    

Concernant le logement dédié à la classe moyenne, il a été maintenu un prix de 6000 DH TTC au m2, qui ne vous convient pas. Les promoteurs ne vont-ils donc pas produire ce type de logements en 2013 ?  
Concernant la réalisation de ce nouveau produit uniquement sur du foncier public, ceci pose problème à plus d’un titre. D’abord, son identification et sa viabilisation prendront beaucoup de temps, ensuite nous serons face à un problème de proximité, sachant qu’en général le foncier public se trouve dans les zones périphériques des grandes villes. En plus, dans la perspective de production de ces logements en périphérie des villes, le risque éventuel serait de se retrouver avec des stocks, dans la mesure où les classes moyennes, souvent, préfèrent résider dans les centres-villes plutôt qu’en périphérie.  

La solution ?  
C’est pour cela que les opérateurs du secteur privé ont basé leurs différentes études sur du foncier privé afin de se mettre en phase avec les besoins de la demande de ces classes sociales. La proposition de la FNPI a été mûrement réfléchie suite à une étude minutieuse examinant plusieurs scénarios, dont il résulte que le prix proposé de 6000 DH hors TVA, est un seuil permettant de garantir un écoulement rapide de leur production et une rentabilité minimum escomptée.

Si toutes vos doléances ne sont pas prises en compte, que prévoyez-vous de faire concrètement en 2013 ?  
Nous avons clairement exprimé notre avis. Si les nouvelles mesures fiscales (augmentation TPI, augmentation de la taxe sur le sable et le fer à béton, définition du prix d’un bien en cas de cession suite à un héritage…) ne sont pas amendées, cela aura une incidence directe sur la disponibilité du foncier, ce qui entraînerait un ralentissement sinon un arrêt des transactions, aggravant ainsi la pénurie du foncier et le renchérissant davantage. L’augmentation des prix des intrants aura également une incidence sur le coût de production des logements à 140 000 DH et ceux à 250 000 DH, dont le prix de vente est fixé jusqu’à 2020. Les autres segments subiraient des régulations induites par les fluctuations des intrants, soit une augmentation des prix de vente, ce qui serait automatiquement répercuté sur le consommateur final.

Et le noir pourrait s’accroître ?  
La pratique du noir est un phénomène qui est régulièrement combattu par la FNPI à travers nos différentes actions et campagnes de communication et de sensibilisation entreprises depuis la création de notre Fédération. Nous continuerons de dénoncer vigoureusement cette pratique et nous espérons que les pouvoirs publics puissent user de leurs moyens pour appuyer l’action de la FNPI.  Nous craignons cependant, que les mesures apportées dans le cadre de la Loi de Finances 2013 puissent aller à l’encontre des actions menées en encourageant un possible retour vers des pratiques informelles. Je parle précisément du relèvement du taux d’impôt sur les profits immobiliers et fonciers (après 5 années de possession) et qui passe de 20% à 30% (soit une augmentation de 50%), puis de l’harmonisation du mode de détermination du prix d’acquisition à considérer en cas de cession d’immeubles acquis par héritage par rapport à celui acquis par donation.

Quels seront les segments qui vont être les plus touchés?  
Si nos doléances ne sont pas prises en compte, les opérateurs concentreront leurs efforts sur les chantiers en cours, notamment le logement social.

Malgré l’étude que vous avez menée pour démontrer que les incitations fiscales octroyées au secteur ne bénéficient pas qu’aux promoteurs, on continue de vous taxer de privilégiés, surtout via les aides pour accéder au foncier public… Qu’en pensez-vous ?  
Tout d’abord, il faut préciser notamment pour le segment du logement social, que les opérateurs ne bénéficient en aucun cas du foncier public, sauf lorsqu’il s’agit d’opérations réalisées en partenariat avec le public dans le cadre d’une péréquation permettant la production de logements à faible VIT (140 000 DH). Toutes les autres opérations de production de logements sociaux (250 000 DH), sont réalisées entièrement sur du foncier privé. Quant à l’étude que nous avons réalisée par l’entremise de cabinets d’experts notoirement connus sur la place, elle a clairement démontré que sur les 40 mesures dérogatoires allouées à l’activité immobilière, 16 mesures profitent directement aux acquéreurs, soit 76,8% des mesures dérogatoires, et que de ce fait, les acquéreurs de logements sociaux sont les principaux bénéficiaires des dépenses fiscales liées à l’activité immobilière et non les promoteurs immobiliers comme cela a été rapporté (…) En outre, et comme conséquence directe des incitations fiscales de l’Etat au secteur de l’immobilier, il a été démontré que chaque unité de logement social produite dégage une recette nette en faveur de l’Etat d’un montant de 31.550 DH, induite par les différents intervenants dans l’acte de bâtir. Quant au chiffre de 32 MM DH annoncé par le Conseil de la concurrence, il représente la totalité de la dépense fiscale allouée à l’échelle nationale en 2011, répartis sur 19 secteurs d’activité dont l’immobilier pour uniquement 5,5 M DH. Nous ne pouvons que regretter que certains puissent véhiculer des informations erronées et dépourvues de toute logique. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un secteur qui joue un rôle socio-économique prépondérant et de locomotive de l’ensemble de l’économie nationale. Il doit être de ce fait constamment soutenu et sauvegardé.

La nouvelle loi sur le notariat a introduit des nouvelles contraintes. Est-ce une raison principale de voir les transactions baisser ?  
Les dispositions contenues dans cette nouvelle loi semblent être à l’origine de complications administratives supplémentaires, pénalisent les acteurs économiques et les futurs acquéreurs en engendrant un surcoût dû aux annexes obligatoires et de manière générale, ralentit la fluidité des opérations immobilières. Nous constatons en effet que ces mesures ont provoqué un arrêt des transactions immobilières, dans un contexte sectoriel difficile.

Comment s’achève pour vous l’année 2012 ?  
2012 s’achèvera sur un total de production avoisinant celui de l’année dernière avec 120.000 unités produites par le secteur privé, dont 40.000 unités de logements sociaux. 2013 sera une continuité de l’année en cours. Nous avons toutefois observé une baisse d’activité dans plusieurs villes du Maroc, caractérisée par une baisse de transactions, de mises en chantiers et de production, et plus particulièrement dans le segment du haut standing. Sur l’axe El Jadida-Kénitra, nous constatons un maintien du niveau d’activité. Par ailleurs, sur les autres villes, un recul s’est fait ressentir. Au niveau du logement social, plus de 500 conventions ont été signées par plus de 400 promoteurs immobiliers engagés dans la réalisation de plus de 950 000 unités de logements sociaux. Le nombre d’opérateurs engagés dans ce programme, répartis entre petits, moyens et grands, garantit une activité soutenue pour les années à venir et nous rassure quant à l’atteinte des objectifs du gouvernement fixés à 300.000 unités à produire à l’horizon 2016.

Quelles sont vos perspectives pour 2013 ?  
Nous espérons que cette année sera marquée par l’achèvement des documents d’urbanisme, comme annoncé précédemment, la mobilisation du foncier urbanisable, l’amélioration du climat des affaires et la poursuite de la réforme du cadre juridique lié au secteur, autant de doléances que nous ne cessons d’exprimer depuis longtemps. La nouvelle année sera également marquée par la mise en place du projet de Labellisation des logements porté par la FNPI et dont on espère sans aucun doute une amélioration sensible de la qualité et de la sécurité des produits réalisés.

 

SON PARCOURS
Youssef Ibenmansour est président de la FNPI depuis l’année 2008. Il occupe aussi le poste de directeur général des sociétés immobilières du groupe Richbond. Par le passé, celui qui a passé son service civil au sein de la Société Maroc Touriste, filiale de la CDG, a mené une carrière de près de 8 ans à la BMCE dans la direction exploitation.  

SON ACTU
Depuis quelques semaines, la FNPI monte au créneau pour dénoncer les mesures du gouvernement introduites dans le projet de la loi de Finances 2013.

 
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