Nouvelle carte maritime africaine
Le développement des infrastructures portuaires en Afrique est une concurrence bénéfique pour mieux positionner le continent dans le concert international du transport maritime. Snapshot des ports qui redessinent le nouveau paysage maritime africain. par badya khalid
La mer étant au cœur de la mondialisation des échanges, 90% de ces échanges sont transportés par voie maritime et sont manutentionnés dans les ports. Et malgré son potentiel économique, l’Afrique ne pèse que 5-6% du commerce maritime mondial, et 2-3% du trafic conteneurisé international. Selon la Banque africaine de développement (BAD), «92% des importations et exportations en provenance ou à destination de l’Afrique se font par voie maritime, dont 66% pour l’Europe». L’organisation panafricaine pronostique que «le volume de marchandises transitant par les ports africains doit passer de 265 millions de tonnes en 2009 à plus de 2 milliards de tonnes à l’horizon 2040. Or, la mauvaise qualité des infrastructures coûte chaque année deux points de croissance au continent, soit environ 40 milliards de dollars et entraîne une perte de productivité des entreprises africaines de l’ordre de 40%». Ces tendances ont forgé une réelle volonté africaine de mettre son domaine maritime aux standards des temps modernes. Une volonté qui se chiffre et se quantifie. Car l’adaptation aux normes mondialisées de la logistique moderne, aura coûté pour la décennie 2007-2017, quelque 50 milliards de dollars. Depuis, une nouvelle carte maritime africaine se redessine au gré de cette volonté. De nouveaux complexes industrialo-portuaires viennent jouer un rôle majeur dans l’émergence de la nouvelle Afrique. A côté de ces ports à vocation planétaire, d’autres de moindre envergure émergent également un peu partout sur le continent. L’objectif étant de devenir des ports de transbordement pour ravitailler les pays sans façade maritime. Un enjeu fondamental puisque sur les 54 pays que compte le continent, seuls 35 ont une façade maritime. Voici un listing de quelques ports qui changeront la donne maritime africaine.
Tanger Med – MAROC
Tanger-Med est un port dont la notoriété ne cesse de grandir. Depuis son entrée en activité en 2007, le port reçoit en moyenne 43 navires à conteneurs sur ses 1.600 mètres de quais. Un trafic qui permet à ce hub maritime, devenu le quatrième en Méditerranée, d’être connecté à plus de 140 ports dans le monde (dont 37 en Afrique). Son temps de transit, qui peut rallier Rotterdam en trois jours, Seattle en dix jours ou encore Shanghai en vingt jours lui a valu de se hisser au 55ème rang des ports mondiaux Alors qu’il vient de ravir, en 2015, la première place africaine à Durban, en Afrique du Sud, avec 3,5 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds) par année, l’entrée en fonction récente de Tanger-Med 2 augmentera sa capacité à 5 millions de conteneurs, puis à 9 millions une fois la seconde phase de ce dernier complétée.
Lekki et Badagry – NIGERIA
Pays le plus peuplé d’Afrique, le Nigéria en est le 1er producteur de pétrole. En 2014, il serait devenu la première économie d’Afrique. Le Nigeria est appelé à devoir traiter 10 millions de conteneurs EVP à l’horizon 2025, contre 2 millions aujourd’hui, principalement autour de Lagos. Deux chantiers monstres ont donc été lancés. Il s’agit des ports de Lekki et de Badagry, qui seront des ports de transbordement régionaux et s’érigeront à environ 100 kilomètres de la mégapole. Leur livraison n’est pas attendue avant 2018, alors que les plans initiaux prévoyaient 2016.
Lamu – KENYA
Kenya a programmé son propre projet pharaonique prévu à Lamu et dont le coût pourrait atteindre 30 milliards de dollars en intégrant l’ensemble des composantes prévues. Fer de lance du projet LAPSSET (Lamu Port Southern Sudan-Ethiopia Transport), un corridor qui doit révolutionner le transport de marchandises et de pétrole dans la région, le futur mégaport doit compter 32 terminaux. Le vaste projet englobe de nombreuses autres infrastructures, incluant des routes, des lignes ferroviaires, des aéroports et des raffineries de pétrole, un oléoduc et des câbles de fibre optique. Après de multiples retards, les autorités kenyanes prévoient l’entrée en service du port pour 2019.
Bagamoyo – TANZANIE
La Tanzanie a lancé l’an dernier la construction de ce qu’elle entrevoit comme le plus grand port d’Afrique de l’Est dans la station touristique côtière de Bagamoyo. Au coût de 11 milliards de dollars et financé en grande partie par un cabinet d’investissement chinois appartenant au gouvernement central, le port doit pouvoir traiter 20 millions de conteneurs annuellement à l’horizon 2020. Situé à 75 kilomètres de la métropole Dar es-Salaam, il doit positionner le pays de manière enviable et incontournable dans les affaires et le commerce régional. Sa livraison est prévue pour 2017.
Kribi – CAMEROUN
Le port en eau profonde de Kribi et son complexe industriel doivent booster l’économie camerounaise et desservir les pays enclavés de la sous-région comme la Centrafrique et le Tchad. Dans son ensemble, il comprend une première composante portuaire qui comprendra une vingtaine de terminaux à l’horizon 2040, une seconde composante industrielle qui s’étendra sur 20.000 hectares et une troisième composante urbaine. Le méga projet est évalué à environ 15 milliards de dollars. Les deux premiers terminaux sont entrés en fonction l’an dernier et permettent d’accueillir des mastodontes marins de 70.000 tonnes.
Le Port autonome de Lomé – TOGO
Le port autonome de Lomé (PAL) a bénéficié d’un plan de développement inédit. Avec pour objectif de quadrupler la capacité du PAL qui passe de 400.000 équivalent vingt pieds (EVP) à plus de 2 millions d’EVP. PAL poursuit sa modernisation et prévoit d’investir 32,7 millions d’euros en 2016 pour réhabiliter la voirie, ce qui devrait générer 500 emplois.
Depuis 2010, les investissements se montent à 55,3 millions d’euros pour le dragage du chenal d’accès et bassin d’évitage, l’aide à la navigation, l’épi d’arrêt de sable, le suivi de la modélisation de la sédimentation du nouveau chenal d’accès. Le PAL dessert le Togo mais aussi les pays enclavés au Nord du pays, que ce soit le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Le port d’Abidjan – CôTE D’IVOIRE
Dans la compétition ouest-africaine portuaire, le port d’Abidjan qui jusque là captait 70% des échanges extérieurs des pays de l’hinterland, revient en force après dix ans de crise qu’a connue la Côte d’Ivoire. L’Etat ivoirien qui fait évoluer ses infrastructures portuaires a lancé d’énormes travaux en octobre 2015 sur le port autonome d’Abidjan qui incluent un approfondissement de la passe du canal de Vridi, la modernisation des quais actuels et la construction d’un second terminal à conteneurs. Ils devraient être terminés en 2019.
Ces travaux, dont le coût est évalué à 560 milliards de francs CFA (plus de 850 millions d’euros), seront financés à 85% par la banque chinoise d’import-export Eximbank of China.