Nouvelle loi bancaire : grands chamboulements en perspective
Dans le précèdent numéro, nous avons présenté la première partie des changements introduits par la nouvelle loi bancaire. Le présent article vient compléter le précédent pour permettre à nos lecteurs d’avoir une vue exhaustive sur tous les apports de ladite loi. par C.A.H.
Bank Al Maghrib : acteur dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Aux termes des articles 96 et 97 de la loi bancaire, la Banque Centrale est chargée de veiller au respect par les établissements placés sous son contrôle de la législation en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Dans ce cadre, les établissements de crédit sont tenus en vertu de la loi, de mettre en place un dispositif de vigilance et de veille interne.
Instauration d’un dispositif de surveillance des risques systémiques.
Pour assurer la protection du secteur financier contre la survenance des risques systémiques de nature à mettre en péril l’économie nationale, la loi prévoit la mise en place d’un organe dénommé « Comité de coordination et de surveillance des risques systémiques » dont la mission est d’assurer la surveillance macro prudentielle du secteur financier. Le risque systémique est défini comme étant « le risque de perturbation des services financiers causée par une déficience de l’ensemble ou d’une partie du système financier qui peut avoir des conséquences graves sur l’économie ». Ce Comité, qui est présidé par le Wali de Bank Al Maghrib est composé de représentants de cette dernière, de l’Autorité chargée du contrôle des assurances et de la prévoyance sociale et de l’Autorité chargée du contrôle du marché des capitaux.
Un cadre juridique pour «Bad Bank» (structure de défaisance).
En s’inspirant d’une pratique qui s’est développée à travers le monde, le législateur marocain introduit la notion de « Bad Bank » (appelée en français « structure de défaisance » ou « structure de cantonnement »), ce qui va permettre aux banques qui connaissent des difficultés de cantonner les actifs compromis (qualifiés aussi d’ « actifs toxiques » ou d’ « actifs pourris ») dans une structure séparée.
Deux fonds pour garantir les dépôts de la clientèle bancaire gérés par une société privée.
Pour assurer la couverture des fonds déposés auprès des banques, la loi prévoit la mise en place de deux fonds de garantie ; le premier appelé « Fonds de garantie des dépôts des banques participatives » destiné à indemniser les clients des banques participatives ; le second appelé « Fonds collectif de garantie des dépôts » réservé à la protection des déposants des banques conventionnelles. La gestion de ces fonds de garantie sera confiée à une société gestionnaire créée sous la forme d’une société anonyme, dont le tour de table est constitué par la Banque Centrale et les établissements de crédit.
Amélioration de la relation entre les établissements de crédit et leurs clients
A ce niveau, la nouvelle loi introduit de nombreux changements. Tout d’abord, les établissements de crédit sont tenus dorénavant, d’établir à l’occasion de chaque ouverture de compte (dépôt ou titres), une convention reprenant des clauses minimales de la convention-type arrêtée par la Banque Centrale. D’un autre côté, ils doivent mettre en place un système de traitement des réclamations de la clientèle et adhérer à un dispositif de médiation bancaire ayant pour objet le règlement à l’amiable des litiges.
Mise en place de services d’intérêt commun en vue de mieux prendre en charge les incidents de paiement et les impayés.
La loi énumère six services que la Banque Centrale est habilitée à mettre en place. Il s’agit :
– du Service de Centralisation des Incidents de Paiement de Chèques qui a pour objet de lutter contre les chèques sans provision,
– du Service de Centralisation des chèques irréguliers qui a pour but de protéger les entreprises contre les fraudes en matière de paiement par chèque,
– du Service de Centralisation des effets de Commerce impayés qui a pour finalité de lutter contre les défauts de paiement par lettres de change et billets à ordre,
– du Service de Centralisation des avis de prélèvement impayés qui a pour objet de lutter contre les défauts de paiement par ces avis,
– du Service de Centralisation des comptes bancaires qui a pour objet de recenser l’ensemble des comptes de dépôt ouverts auprès des établissements bancaires,
– du Service de Centralisation des risques de crédit qui a pour finalité de mettre à la disposition des établissements bancaires des informations nécessaires en matière de gestion des risques crédit sur les particuliers et les entreprises.
Assouplissement du secret bancaire pour permettre la réalisation de certaines opérations dans un cadre légal.
Par dérogation à l’obligation du secret professionnel, les établissements bancaires sont autorisés à communiquer des informations couvertes par le secret bancaire aux agences de notation, et aussi aux personnes avec lesquelles ils traitent certaines opérations limitativement énumérées (prise de participation, prise de contrôle, cession de créances, cession de fonds de commerce etc.). Les mêmes informations peuvent être communiquées aux autorités d’Etats étrangers ayant conclu des conventions prévoyant l’échange de renseignements en matière fiscale.
La nouvelle loi bancaire constitue une étape importante sur la voie de la construction d’un système bancaire moderne répondant aux meilleurs standards internationaux en matière de gestion des risques bancaires. Le souci de la bonne maîtrise du risque ressort clairement à travers les dispositions de la loi ; la Banque Centrale est dotée à cet effet de pouvoirs importants, qui lui permettront d’assurer sa mission de régulation et de supervision dans les meilleures conditions. Il reste clair, que la mise en œuvre de la nouvelle loi exige l’ouverture de grands chantiers nécessitant la mobilisation, dans un cadre concerté, de ressources humaines et financières, aussi bien par la Banque Centrale que par l’ensemble de la profession bancaire.