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Nouvelle vague d’habitat clandestin

Contrairement au Marché immobilier légal qui s’enfonce dans la crise, l’habitat clandestin est en pleine expansion. A l’approche de chaque campagne électorale, les acteurs de la promotion immobilière clandestine s’activent, profitent des promesses électorales des uns et des autres et monnaient leur vote en contrepartie de la possibilité de laisser construire, sans autorisation, soit un niveau supplémentaire soit une nouvelle maison. par S.A.

Scènes de « Siba » et d’émeutes violentes à Chtouka Ait Baha dans la région d’Agadir, une commune où l’habitat clandestin prolifère à grande échelle surtout depuis le fameux printemps arabe. Située à proximité du périmètre irrigué, Chtouka Ait Baha attire beaucoup d’ouvriers agricoles à la recherche de logements au moindre coût. Ils sont alors accueillis par une véritable mafia de l’habitat clandestin qui leur vend un lot de terrain et leur promet protection et équipement. Le 13 octobre, cette commune a connu une journée sanglante. Les autorités locales qui ont commencé à détruire quelques maisons édifiées sans autorisation durant la campagne électorale, notamment dans les douars Darida et Borj Hamadan, ont été surpris par l’arrivée de plusieurs centaines de manifestants qui les ont empêchés de continuer les opérations de démolition. Devant l’afflux massif de manifestants les autorités ont suspendu les opérations, mais elles ont arrêté quatre personnes considérées comme des meneurs. En réaction, les manifestants se sont dirigés vers le siège de la Gendarmerie Royale à Sidi Bibi pour libérer de force les personnes incarcérées. Après leur échec, ils se sont dirigés vers le siège de Caïdat qui est moins protégé. Ils ont alors détruit les clôtures, défoncé les portes et les fenêtres, détruit tous les documents administratifs et brûler les motocyclettes qui s’y trouvaient. Les manifestants ont également séquestré le Caïd et ses adjoints pendant plusieurs heures, jusqu’à l’arrivée des renforts. Les mêmes actes de violences et de destruction ont été perpétrés au siège de la commune de Sidi Bibi où tout a été détruit : documents administratifs, tables, sièges de bureaux… Les scènes de violences se sont étendues à la rue où les manifestants ont brulé les poubelles publiques et des pneus pour barrer la route principale qui relie Agadir à Tiznit. L’arrivée massive des renforts a permis aux autorités locales de ramener l’ordre tard dans la nuit, mais on compte beaucoup de blessés des deux côtés. Le lendemain, la commune s’est réveillée avec des images d’état de siège : toutes les boutiques sont fermées, les rues désertes, les fumées des pneus et des poubelles empestent l’atmosphère. Seules les sirènes des ambulances déchirent le lourd silence qui règne sur cette bourgade.
Même scène à Azemmour dans la province d’El Jadida, où le désordre et la Siba l’ont emporté sur l’ordre légal. Les autorités locales ont été obligées de céder pour éviter le pire. Ici comme dans d’autres régions, les autorités locales ont commencé, le 13 octobre à détruire dans la commune de Sidi Hammou, qui a connu une prolifération de l’habitat clandestin durant la campagne électorale. Malgré les précautions prises et la présence d’importantes forces de sécurité, les autorités locales ont été surprises par la violence des manifestations des populations qui ont commencé à jeter des pierres sur les forces de l’ordre, ce qui a donné lieu à la destruction de la voiture du Caïd et à la blessure du conducteur du Tractopelle qui conduit les opérations de démolition. Dans la journée, d’autres douars clandestins avoisinant, se sont joints aux manifestants qui ont commencé à scander des slogans hostiles aux autorités locales. Devant l’ampleur des événements, les autorités locales ont suspendu les opérations de démolition jusqu’à nouvel ordre et certains manifestants ont crié victoire de la « Siba » sur l’ordre légal.

Les régions Nord et Centre touchées
Selon des sources proches du ministère de l’Urbanisme, la même vague d’habitat clandestin a balayé la région Nord du pays, notamment Tétouan et Al-Hoceima, la région du Centre, notamment à Khouribga, Oued Zem, Berrechid et Béni Mellal. A Tétouan, l’habitat clandestin s’étend sur la rive droite de l’Oued Martil et surtout à Dersa Samsa en détruisant la forêt. La réaction des autorités fut timide, mais ferme. Une dizaine de maisons ont été détruites et la forte présence des forces de l’ordre a empêché tout débordement. Dans la province de Beni-Mellal, l’habitat s’étend à Fquih Ben Saleh et à Souk Sebt Ouled Nemma. Son extension constitue une menace pour le périmètre irrigué. A chaque élection, des centaines d’hectares disparaissent engloutis par le béton armé. Ici, les autorités locales ont réussi à détruire une soixantaine de maisons, sans débordement. Dans la province de Berrechid, à Sidi Rahal plage et à Sidi Abed, l’habitat clandestin bat son plein durant la campagne électorale. Les douars existants s’étendent et de nouveaux noyaux apparaissent. Comme dans d’autres régions, les autorités locales sont intervenues pour détruire quelques maisons.

La responsabilité des élus locaux
Cette nouvelle vague d’habitat clandestin, a suscité une polémique entre le ministère de l’Intérieur et les communes concernées. Dans un étrange communiqué, le Conseil Communal de Chtouka Ait Baha, se déclare solidaire des habitants, décline toute responsabilité dans les opérations de démolition, et impute toute la responsabilité des violences au Caïd et à ses agents. Pour le Conseil, si l’habitat clandestin se développe c’est qu’il répond à un besoin de logement auquel l’Etat n’a pas pu apporter de réponses adéquates. En clair, les élus se font les porte paroles de ces catégories sociales considérées comme «opprimées». Dans la province de Berrechid, les promoteurs clandestins sont en même temps des élus locaux. Bien plus, selon des données de l’Inspection générale du ministère de l’Intérieur, de nombreux présidents de Conseils Communaux ont délivré durant la campagne électorale des permis de construire en dehors des procédures légales et sans avis conforme des Agences urbaines.

Laisser-faire et passivité des autorités locales
Cette vague de l’habitat clandestin était prévisible et rien n’a été fait pour la prévenir. Bien au contraire, les gens, ont durant la campagne électorale, construit en plein jour au vu et au su de tout le monde et personne n’est venu les arrêter ou les inquiéter. Or, l’expérience des quarante dernières années a montré que l’intervention sur le clandestin n’est efficace qu’au cours de la construction. Mais une fois que les maisons sont édifiées et habitées, il devient presque impossible de déloger les gens. Toutes les destructions opérées depuis le 13 octobre n’ont qu’une valeur symbolique et ne représentent qu’un faible pourcentage de ce qui a été construit et qui ne sera probablement jamais détruit. Bientôt, les élus vont doter ces maisons de l’électricité, de l’eau, de l’assainissement et de la voirie et leur valeur marchande va être multipliée par dix. Aux élections, les habitants en retour vont voter pour ceux qui les ont incités à construire, qui les ont protégés et qui ont apporté l’eau et l’électricité à leur maison. n

 
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