Politique

Omar Benjelloun : à quand la vérité ?

Leader socialiste, opposant impétueux, Omar Benjelloun assassiné, continue à impacter la vie interne de l’USFP. L’énigme de son assassinat reste entière. 

Le 18 décembre 1975, Omar Benjelloun est poignardé devant chez lui. Le Maroc, après la marche verte et la récupération du Sahara entrait dans une nouvelle ère, baptisée processus démocratique. Le dirigeant socialiste avait joué un rôle déterminant lors du congrès de l’USFP qui a choisi l’option démocratique et rompu avec les illusions blanquistes. La stupeur était générale parce que cet assassinat politique intervenait à ce moment de l’histoire et risquait de compromettre le dégel entre l’opposition et la monarchie.

Quelques jours après, on apprenait que les meurtriers appartenaient à une cellule de la jeunesse islamiste dirigée par Motii et à laquelle étaient affiliés la majorité des cadres de la mouvance islamiste d’aujourd’hui. Seuls les trois assaillants, commandés par un cordonnier ont été arrêtés.

Naïm, qui aurait préparé l’assassinat et Motii ont été exfiltrés et ont rejoint l’étranger. L’USFP a sa propre version. Il avance que Naïm a été caché dans une ferme appartenant au docteur El Khatib avant de quitter le pays avec un faux passeport, et que Motii a bénéficié de complicité pour partir en Libye. Jusqu’à aujourd’hui, 38 ans après, les Tihadis réclament justice et vérité.

 Un mystère entretenu

Après 27 ans en prison, les meurtriers ont été relâchés avec l’assentiment de la famille et du parti. Ceux-ci ont toujours considéré que les exécutants n’étaient que du menu fretin. Les trois soutiennent qu’ils ont agi de leur propre chef et qu’ils n’avaient pas prémédité l’assassinat, mais voulaient juste faire leur devoir de « conseil ». Ils agissent en bons petits soldats et affirment que les aveux impliquant leurs chefs leur étaient soutirés par la torture.

Cette thèse est peu crédible, elle est démentie par l’histoire de la Chabiba Islamya. Quelques mois après le lâche assassinat, un groupe dit des cinq se rebelle contre Motii, parmi eux il y avait Benkirane le Chef du gouvernement actuel. Et l’un des arguments de leur révolte c’est justement l’assassinat de Benjelloun et les relations ambigües avec les services. Ces documents ont été publiés par Attajdid il y a quelques années.

Il faut savoir qu’à l’époque, la Chabiba Islamya dans tous ses tracts accusait Benjelloun et feu Yata d’athéisme et en faisait des cibles. Omar est mort suite à un complot qui visait à rallumer la guerre entre la monarchie et la mouvance Tihadie. A l’époque, la jeunesse islamiste était encadrée par les services, y compris sur le terrain dans les lycées. Il est inimaginable que le crime soit préparé sans que les agents traitants le sachent. C’est cela la thèse de l’USFP. L’IER et le CCDH n’ont pu apporter des éléments nouveaux sur ce dossier. On peut rêver à un geste des anciens de la Chabiba de Motii, ils connaissent la vérité. Seulement, les suspects sont encore vivants.

Omar était à la fois un théoricien et un organisateur hors pair. Il est mort alors qu’il préparait le congrès constitutif de la jeunesse ittihadia, qui sera l’aile marchante du parti pendant des décennies, et lui fournira ses dirigeants et même son actuel premier secrétaire, Driss Lachgar.

Son assassinat, comme celui de Benbarka restent des énigmes. Il est fort probable qu’on ne connaîtra jamais la vérité de manière officielle, malgré l’insistance des Tihadis. Le meilleur moyen de rester fidèles à ces hommes d’exception, c’est de renforcer la démocratie pour que plus jamais un citoyen ne meure pour ses idées. 

 
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