«On a un dynamisme marocain qui est réel et pérenne»
Air France a récemment opéré une réorganisation au sein de son bureau au Maroc, qui devient désormais le point central de la stratégie du groupe français pour la région Afrique du Nord et le Sahel. Patrick Alexandre, Dg de la Direction générale commerciale Ventes et Alliances du groupe Air France-KLM détaille les raisons qui ont poussé la compagnie à installer une direction régionale à Casablanca. propos recueillis Par Roland Amoussou
Challenge : la conjoncture économique a été difficile en 2015. A cela, s’ajoutent aussi les deux attentats perpétrés en France. Comment est-ce que le groupe Air France-KLM a-t-il réussi à tirer son épingle du jeu ?
Patrick Alexandre : 2015 pour nous, a été une année faite de différentes choses contrastées. Tout d’abord, il y a eu une pression, très forte, sur la recette unitaire pour des raisons conjoncturelles. Il y a le terrorisme, et des situations géopolitiques, voire économiques, parfois compliquées comme au Japon en particulier qui était en difficultés, le Brésil aussi. Il faut savoir qu’une compagnie comme Air France-KLM fait en gros 1/3 de son chiffre d’affaires sur le marché français. Le Japon nous a impactés, et on a su tirer partie des marchés qui étaient demandeurs. Donc, 2015 a été une année tendue, mais pas uniquement à cause des raisons conjoncturelles, il y a aussi des raisons beaucoup plus structurelles. Car, il y a maintenant très clairement des axes de compétitions forts qui s’installent, notamment dans la région du Golfe. Mais 2015 aussi a été l’année de renforcement de nos partenariats et de nos alliances. Et pour moi, cela est fondamental. Je pense même que notre avenir passera par ce renforcement d’alliances. On a avec KLM un lien puissant avec la compagnie Delta Air Lines, à travers une joint-venture transatlantique. Et nous sommes en train de développer ce type de lien avec des partenaires chinois comme China Eastern Air Lines à Shanghai et China Southern Air Lines aussi. Cela est extrêmement important pour nous. 2015 a également été marquée par les attentats terroristes en France et en Afrique qui ont été épouvantables. Les attentats de janvier et de novembre derniers en France ont impacté très sérieusement nos résultats en termes de trafic et en termes de chiffres d’affaires. Néanmoins, la tendance étant très soutenue en matière de résultats, ce que je peux vous dire c’est qu’ils seront publiés le 18 février, et je pense qu’ils seront un peu conformes aux engagements qu’on avait pris. Mais je ne peux pas en dire plus vu qu’on est coté en bourse.
Quel bilan établissez-vous de l’activité d’Air France au Maroc sur l’année 2015 ?
C’est un marché important pour nous. Le Maroc a une proximité historique, politique, des liens communautaires qui sont importants. Il y a donc un lien puissant à travers cette offre rajoutée à celle de Transavia. Le groupe est très présent, et c’est important. On est assez satisfait de la façon dont le marché marocain s’est tenu. On aura un chiffre de passagers, pour toutes les compagnies présentes, qui sera à peu près identique au chiffre de l’année dernière. Les échanges dans la diaspora, le tourisme et le trafic d’affaires se sont très bien tenus. On a un dynamisme marocain qui est réel et pérenne. Nous avons un lien fort et important avec la diaspora.
Air France a récemment opéré une réorganisation au sein du bureau au Maroc. Quelles sont les raisons de cette réorganisation ?
Cela est lié à une réorganisation beaucoup plus globale, disons plutôt une réorganisation mondiale que j’ai voulu faire avec l’aide des grands patrons de zones de la compagnie. L’idée est de voir ce qu’on peut simplifier pour être plus efficace. Il s’agit aussi de voir comment est-ce qu’on peut travailler mieux avec des coûts mieux maîtrisés. C’est-à-dire comment est-ce qu’on peut mieux supporter les équipes de ventes, car l’objectif est bel et bien de vendre. Nous avons donc modifié l’organisation centrale qui est le Commercial Planning et ensuite, on en a profité également pour voir si on pouvait faire un certain nombre de regroupements. Vu la dynamique marocaine, on a voulu beaucoup plus coller à la réalité africaine. De même, les facilités en matière d’infrastructures et d’accueil que présente le Maroc nous ont fait choisir le Maroc comme point central pour piloter, en plus de l’Afrique du Nord, le Sahel. Et en conséquence de quoi, notre bureau au Maroc est désormais rattaché en termes de pilotage à l’autorité de la direction générale Afrique. Il faut savoir qu’historiquement, le Bureau Maroc dépendait de la direction Europe du groupe. Nous avons une dimension africaine qui nous amène à installer une grande direction régionale à Casablanca pour couvrir l’Afrique du Nord et quatre pays du Sahel qui sont la Mauritanie, le Niger, le Mali et le Burkina. Nous avons mis en place cette nouvelle organisation dans l’objectif d’une approche clientèle. C’est aussi pour nous un signal que nous envoyons à notre équipe marocaine.
La Royal Air Maroc est très présente sur le continent avec plus d’une trentaine de pays desservis. Comment mesurer la concurrence avec la RAM ?
La RAM est une compagnie concurrente. Elle joue ses cartes et fait de son aéroport, un aéroport de correspondance. Je trouve que le travail qui est fait est intéressant. Et je pense aussi que le lien au monde à Charles de Gaulle nous permet d’être en compétition de façon plus efficace. Quand on a des gros-porteurs, on peut avoir des politiques de bagages qui seront peut-être plus attractives que lorsqu’on a qu’un seul 737. A mon sens, on a largement de quoi se battre. Je respecte beaucoup ce que fait la RAM, mais chacun joue ses cartes. Aussi, faut-il savoir qu’on n’est pas toujours sur les mêmes segments de clientèle. La RAM est un concurrent légitime et respectable sur le continent africain. En plus, on a des relations amicales et de partenariat avec la Royal Air Maroc.
Quel est l’impact de la libéralisation des prix des carburéacteurs sur votre activité au Maroc ?
Quand on se retrouve avec un niveau de pétrole relativement bas dans le monde entier, et qu’on arrive à un endroit où le prix du kérosène explose, là il y a lieu de se poser des questions. La libéralisation, on n’est pas contre. Mais, je pense qu’il a été oublié dans ce processus de libéralisation un petit segment qui concerne les aéroports où vous ne pouvez décréter une libéralisation que lorsque vous avez plusieurs opérateurs. Or, il s’agit de concessions exclusives, et les concessionnaires en ont profité pour augmenter férocement leurs prix. Pour nous, cela joue énormément, car ce sont des centaines de milliers d’euros de surcoût, et encore plus pour les gros opérateurs. Donc, j’en appelle à la raison. Libéralisation oui, mais tant qu’elle n’est pas effective, il faut alors un certain nombre de guides pour que les opérateurs exclusifs ne puissent pas faire n’importe quoi. Il faut savoir que c’est le client qui finit toujours par payer le coût.
On voit aussi, qu’Air France a opéré une montée en gamme ces derniers mois, en déployant de nouveaux produits. Quelles sont les raisons de ce choix ?
Un produit, c’est un cycle de vie. Il y a aussi quelque part une volonté d’amélioration pour répondre aux attentes des clients. Il y a aussi des améliorations technologiques qui nous permettent d’offrir de nouvelles choses. C’est quelque chose de constant dans l’histoire du transport aérien. Air France s’est donc donné les moyens puisqu’on a fait un investissement de l’ordre de 800 millions d’euros pour remettre à plat sa gamme de produits long courrier. Sur le Boeing 777, on est en train de terminer sa modernisation et les nouveaux produits qui vont l’accompagner, notamment avec la nouvelle Première qui, du retour même de nos clients, est reconnue comme une des meilleures du monde. Elle vient d’ailleurs d’être primée meilleure compagnie Première au monde par les Chinois. La classe business aussi est en pleine amélioration. Nous sommes en train d’installer des wifi à bord. Ensuite, ce sera le tour de la flotte 330, et ce sera la même qualité et le même niveau de confort que sur les Boeing 777. Et les 380 vont suivre après. La deuxième étape concerne aussi le Maroc, puisqu’il s’agit de la flotte des 320. On a commencé par le 319, qui dessert le Maroc. Donc, il s’agit aussi d’une remise à plat sur le moyen courrier. J’insiste sur le fait que tout cela est lié à une offre tarifaire attractive.
Son actu
Air France a récemment opéré une réorganisation au sein de son bureau au Maroc, qui devient désormais le point central de la stratégie du groupe français pour la région Afrique du Nord et le Sahel.
Son parcours
Né le 12 février 1955, à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie). Patrick Alexandre, a commencé sa carrière comme Attaché de Direction à la banque Sudameris en 1981. Entré à Air France, comme jeune cadre, au service Synthèse economique de la Direction des Programmes, il est affecté à Rome en 1984 en qualité de Directeur commercial pour l’Italie. De 2008 à 2013, il a été PDG Servair (filiale de cartering d’Air France). Depuis septembre 2014, il est nommé directeur général commercial, Ventes et Alliances Air France-KLM, et il reste membre du Comité exécutif du groupe.