Opération Marhaba. Les navires, les compagnies, le pavillon marocain, les réservations, la hausse des prix,… tout sur la traversée maritime
Cette année, tout porte à croire que les arrivées des MRE vont battre des records. Ce sont près de trois millions de Marocains résidant à l’étranger (MRE) qui sont attendus au Maroc, avec notamment une grande affluence prévue pour l’Aïd Al Adha. Ainsi, après deux ans d’interruption sur fond d’une crise sanitaire inédite, l’opération Marhaba devrait démarrer en mi-juin, avec à la clé une batterie de mesures pour assurer un transit fluide des Marocains du monde. En situation de quasi-monopole de la traversée sur le détroit de Gibraltar, les compagnies maritimes étrangères se frottent aussi les mains. Voilà tout ce qu’il faut savoir sur l’opération Marhaba 2022.
En perspective du lancement de l’opération, d’importants dispositifs opérationnels ont été prévus pour garantir les conditions d’une traversée sûre et fluide aux Marocains du monde. Ces dispositifs ont été définis dans le cadre de la commission mixte maroco-espagnole de transit.
Dans ce sillage, le ministère du Transport et de la Logistique a mis en place un important plan de flotte adapté aux infrastructures portuaires, aux capacités de gestion des flux, et au trafic prévisionnel attendu.
32 navires mobilisés pour quelles liaisons ?
Globalement, un total de 32 navires a été mobilisé sur l’ensemble des lignes maritimes reliant les ports marocains aux ports espagnols, français et italiens. Ces navires auront une capacité totale d’environ 478.000 passagers et 123.000 voitures, à travers 571voyages hebdomadaires.
Les lignes maritimes avec l’Espagne, qui représentent 95% du trafic de passagers, connaîtront l’affectation de 23 navires, dont 14 destinés aux passagers sur la ligne principale Tanger Med – Algésiras, en plus de deux navires dédiés au transport de marchandises (camions), selon le ministère. Ces navires permettent d’assurer 47 voyages quotidiens, avec une capacité d’environ 40.000 passagers et 11.000 voitures, soit une augmentation de 4% par rapport à 2019.
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En détail, les 32 navires mobilisés sur l’ensemble des lignes maritimes seront déployés ainsi :
-Tanger-Algesiras : 14 navires pour 329 liaisons par semaine avec les compagnies AML (Maroc), Balearia, FRS Iberia, RFS (Maroc), Trasmediterranea, Intershipping (Maroc)
-Tanger-ville-Tarifa : 4 navires pour 168 liaisons par semaine avec les compagnies FRS Iberia, Intershipping (Maroc)
-Nador-Almeria : 4 navires pour 48 liaisons par semaine avec les compagnies Balearia, Trasmediterranea
-Tanger Med-Marseille : 3 navires pour 3 liaisons par semaine avec la compagnie Méridionale
-Tanger Med-Barcelone-Gènes-Sète : 3 navires pour 5 liaisons par semaine avec les compagnies GNV, Balearia
-Nador-Sète : 3 navires pour 5 liaisons par semaine avec les compagnies Balearia, GNV
–Nador-Barcelone : 2 navires pour 3 liaisons par semaine avec la compagnie GNV
–Al Hoceima-Motril : 1 navire pour 4 liaisons par semaine avec la compagnie Trasmediterranea
– Tanger Med-Citavecchia : 1 navire pour 2 liaisons par semaine avec la compagnie GNV
– Nador-Motril : 1 navire pour 7 liaisons par semaine avec la compagnie Trasmediterranea
Des prix des billets qui repartent à la hausse et vendus uniquement sur réservation
Pour ces compagnies de transport maritime, soulagées par l’allègement des restrictions sanitaires, l’afflux massif des MRE durant la période estivale représente une vraie bouffée d’oxygène et une opportunité pour redynamiser l’activité et leurs trésoreries, après une longue période de vaches maigres.
Ce n’est pas un hasard si la réservation des billets sera également adoptée sur toutes les lignes maritimes concernées par l’opération Marhaba 2022, y compris les deux lignes « Tanger Med/Algésiras » et « Tanger ville/Tarifa », afin d’arrêter le nombre de passagers et de prendre les mesures nécessaires pour assurer une circulation fluide entre les deux rives. Une situation qui n’est pas pour plaire aux agences de voyages installées à la gare maritime du port d’Algésiras qui continuent d’exiger à travers des manifestations que les compagnies maritimes leur permettent de continuer à vendre des billets pendant au moins un an.
Quoi qu’il en soit, les prix affichés actuellement sont stables comparés à la même période d’avant pandémie, en mai 2019. Pendant cette basse saison, par exemple, pour une liaison Tanger-Algésiras ce 22 mai 2022 en aller-simple, il faut compter 1730 DH par voiture et 400 DH par personne. Pour une traversée le 13 mai dernier de Nador à Sète en chambre double pour deux personnes, le prix proposé était de 2400 DH.
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Mais pour la haute saison, les tarifs sont en train de repartir à la hausse. Par exemple, au départ de Nador et à destination de Gènes pour le 10 juin prochain, deux passagers ont déboursé lors de leur réservation 2500 DH en chambre double, 2610 DH pour leur voiture, et 1566 DH pour la remorque. « Il est vrai que les prix pratiqués jusque-là sont stables comparés à la même période d’avant Covid. Je tiens à préciser que les émissions effectuées aujourd’hui sont soumises à conditions, par exemple billet non modifiables. Actuellement, il est possible d’acheter son billet à un tarif pas très cher pour un voyage programmé en haute saison. Mais, après le lancement de l’opération Marhaba, il est certain que les prix vont considérablement augmenter », analyse Najib Cherfaoui, Expert portuaire et maritime.
En effet, impactées négativement par la longue crise sanitaire, les compagnies maritimes ont enregistré une perte sèche durant de longues périodes. Pour se rattraper et amortir les effets de la hausse du carburant due à la crise russo-ukrainienne, les tarifs de ferry augmentent. A cela, s’ajoutent les taxes portuaires qui ont augmenté du côté du voisin ibérique juste après la réouverture des frontières maritimes entre le Maroc et l’Espagne. C’est ainsi qu’il faut prévoir lors de la traversée, selon un opérateur, 39 euros de taxes (aller-retour), soit 30 euros (côté espagnol) et 9 euros (côté marocain) pour un passager au lieu de 10 euros et 55 euros (aller-retour) par voiture au lieu de 30 euros. A noter que cette année, quelques deux millions de passagers, majoritairement MRE, sont attendus entre le Maroc et l’Espagne.
En situation de quasi-monopole de la traversée sur le détroit de Gibraltar, les compagnies maritimes étrangères se frottent les mains, prenant en otage le porte-monnaie des Marocains résidents à l’étranger (MRE). « Les compagnies européennes préfèrent s’entendre sur les prix, ce qui est interdit par l’Union européenne. Mais, elles préfèrent inclure dans les billets par anticipation les amendes de cette dernière et afficher les prix qu’elles veulent », explique Najib Cherfaoui. Quid du pavillon marocain ?
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Sur les 32 navires mobilisés pour l’opération Marhaba 2022, seuls cinq bateaux à passagers portent le pavillon marocain. Il s’agit du Tanger Express de la compagnie FRS, des trois navires Bissat, Boraq & Med Star d’Intershipping, Morocco Star d’Africa Morocco Link (AML) et Morocco Sun de Detroit World Logistic. Ainsi, le pavillon marocain n’offre qu’une capacité de 5397 passagers et 1448 voitures, ce qui est léger face à leurs concurrents espagnols. « De toute manière l’augmentation des tarifs arrangent les opérateurs marocains », estime l’expert maritime et portuaire, qui précise que le secteur du transport maritime marocain et le pavillon national vont très mal. « Les professionnels qui ont perdu toute visibilité attendent, depuis des années, les bouées de sauvetage de l’État. Comarit et IMTC qui ont fait faillite suite à la crise de 2010 n’avaient besoin que de 200 millions de DH pour se relancer. Il fallait les soutenir, c’est l’erreur commise par le gouvernement de l’époque », martèle-t-il.
En tout cas, aujourd’hui, les espagnols font la pluie et le beau temps sur ce marché de la traversée du détroit de Gibraltar, qui pèse plus d’un milliard de DH. Les compagnies Baléaria et Trasmediterranea alignent à elles seules, une dizaine de navires. « Les pouvoirs publics espagnols ont compris les enjeux stratégiques de ce marché. Ce n’est pas par hasard qu’ils subventionnent le carburant pour leur pavillon. La flotte marchande de notre pays a diminué des deux tiers en 20 ans, en conséquence, le coût des transports maritimes s’est aggravé », souligne Najib Cherfaoui.
Après la libéralisation du secteur, le pavillon marocain qui comptait 76 navires en 1989 n’en compte actuellement que 17. « Le Roi Feu Hassan II avait doté notre pays d’une véritable industrie maritime pendant les années 1970 à travers le code des investissements de 1973. Depuis et jusqu’en 2005, cela avait permis au Maroc de disposer d’une flotte marchande de 62 navires pour couvrir une part substantielle de ses échanges en 1987. En 2004, nous disposions encore de 45 navires couvrant 17% de notre transport commercial », regrette un professionnel.