Pénurie d’électricité en Chine : les importateurs marocains s’inquiètent
En Chine, des coupures d’électricité forcent depuis plusieurs semaines les usines à l’arrêt et perturbent la chaine d’approvisionnement mondiale. Le ralentissement va se prolonger, prévoient les économistes. Au Maroc, l’impact commence à se faire sentir sur le marché, selon les importateurs.
Les coupures de courant électrique qui frappent la Chine depuis plusieurs mois, se sont intensifiées ces dernières semaines et freinent les manufactures de l’Atelier du monde. Alors que les carnets de commandes débordent, les usines tournent au ralenti, les machines sont à l’arrêt, les chaînes d’approvisionnement sont clairement menacées. La raison principale de ces interruptions reste à la fois surtout l’application stricte par l’Empire du Milieu, des normes environnementales en matière de réduction des émissions carbone (le pays s’étant engagé à la neutralité carbone d’ici 2060), mais aussi en raison de l’envol du prix du charbon, sachant que 60 % de l’électricité consommée en Chine provient de centrales alimentées avec ce combustible.
Cette pénurie d’électricité risque d’aggraver les problématiques d’approvisionnement pour de nombreux secteurs tels que les semi-conducteurs, le textile, ou les jouets… Les carnets de commandes sont pleins et les gigantesques industries manufacturières de la deuxième économie mondiale peinent à assouvir les besoins mondiaux. «Evidemment, c’est une mauvaise nouvelle pour les acteurs du marché du jouet. A notre niveau, nous n’avons pas encore le choix, si ce n’est de subir la situation en faisant du wait and see », dit-on auprès de La Grande Récré, où l’on regrette que la mauvaise qualité de certains jouets importés par certains opérateurs continue de pénaliser ceux qui ont misé sur la qualité, la sécurité… «Même la possibilité de se dépanner auprès des grossistes européens qui avaient anticipé un tout petit peu leurs achats en Chine pour Noël à cause de la crise des conteneurs, s’est éloignée. Ceux-là sont certes disposés à nous livrer, mais ils ne peuvent pas mobiliser quatre à cinq personnes pour les étiquetages, sans compter les problèmes de conformité qui nécessitent beaucoup d’énergie. Ces grossistes préfèrent du coup écouler leurs jouets sur le marché européen où la demande est forte actuellement », ajoute-t-on.
Du côté de l’Association marocaine des importateurs de jouets et produits assimilés (AMIJ), l’on dit également s’inquiéter de ces coupures d’électricité qui viennent s’ajouter à la pénurie de conteneurs et à l’explosion du coût du fret maritime. «Cela fait quelques mois que nous avons changé de fournisseur en Chine à cause du transport maritime. Nous importons depuis, de fabricants européens locaux pour pratiquement les mêmes niveaux de prix qu’en Chine», souligne Zakaria Mouss, gérant de Toysing, spécialisé dans les grands jeux pour les crèches, les écoles et les mini-parcs. Comme les importateurs de jouets, de nombreux autres secteurs de l’économie peinent à s’approvisionner et à acheminer leurs livraisons. « En plus de la pénurie de conteneurs et l’explosion du coût du fret maritime, les usines chinoises doivent limiter ou arrêter leurs activités pour réduire leur consommation en électricité. Ce qui n’est pas sans allonger les délais de livraison. C’est le cas avec les scooters et motos électriques «Takado» pour lesquels les délais de production ont été décalés », explique Mehdi Laraki, PDG de Takado, pionnier au Maroc dans la distribution de scooters, motos et triporteurs 100% électriques.
Selon ce dernier, par ailleurs Président du Conseil d’affaires Maroc-Chine au sein de la CGEM), les industriels chinois, qui avaient profité jusqu’ici d’une reprise rapide et forte grâce à la vaccination à travers le monde, sont impactés aussi par cette situation. Les prix à la production sont à leur plus haut niveau, sur fond de flambée des prix des matières premières. «Pénurie d’électricité, pénurie de conteneurs et flambée des prix des matières premières, cela commence à faire beaucoup et n’est pas de bon augure pour 2022», s’inquiète Mehdi Laraki.
Quoi qu’il en soit, sur le terrain, les délais de réponse des fournisseurs chinois s’allongent. Habituellement réactifs dans les 24 heures, les industriels chinois peuvent prendre plusieurs jours pour donner une réponse, indique un gérant d’une société d’import-export de produits alimentaires basée à Casablanca. « Pour les vermicelles de Chine, les lentilles et le maïs que nous faisons venir de Chine, entre autres, nous dépannons actuellement avec nos stocks tout en espérant que d’ici deux à trois semaines, nous aurons de la visibilité. Ce que nous n’avons pas encore à l’heure où je vous parle », dit-il. Jouets, voitures utilitaires, automobiles, machines-outils, générateurs, TV, électroménagers, ordinateurs, motocycles, composants électriques et électroniques, textile, thé, …les produits chinois sont présents partout dans le Royaume et reflètent la montée en puissance de l’Empire du milieu dans l’économie mondiale depuis plusieurs années.
Au Maroc, en effet, la Chine s’est classée quatrième fournisseur avec plus de 51 milliards de DH en 2020, d’après les statistiques de l’Office des changes. Très diversifiées, ces importations couvrent près de 120 produits avec cependant un regroupement qualitatif, puisque ce sont des produits à forte valeur ajoutée, entre autres biens d’équipement. Ces flux d’importations creusent davantage le déficit commercial vis-à-vis de la Chine, qui continue de se développer depuis 2011, et s’élève à 49,43 milliards de DH en 2020 contre 47,34 milliards de DH en 2019. Autrement dit, les importations marocaines depuis la Chine représentent 25 fois les exportations. En fait, le Royaume peine à se positionner sur ce marché chinois de près de 1,4 milliard de consommateurs et aux énormes opportunités d’absorption avec une part qui demeure en deçà des potentialités offertes par l’économie marocaine.
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La Chine achète pour 2,47 milliards de DH (moins de 1% des exportations marocaines), essentiellement des produits bruts d’origine minérale (principalement zinc, cuivre, plomb, phosphates, manganèse, ferraille, marbre, granit et gypse). A cette catégorie de produits qui représentent la moitié des expéditions, s’ajoutent une autre, constituée de produits alimentaires agricoles et de la mer. Viennent ensuite les demi-produits, notamment l’acide phosphorique, le verre, les plastiques, les fils de coton… Le Royaume arrive quand même à placer un certain nombre de biens finis d’équipement et de produits finis de consommation. Parmi ceux-ci, on peut citer : les transformateurs et convertisseurs électriques, moteurs à piston, instruments de mesure et de contrôle, fils et câbles conducteurs, pièces aéronautiques et automobiles, machines et appareils divers, chaussures, objets en céramique, chaussures, horlogerie, vaisselles, vêtements confectionnés,…
Pour Mehdi Laraki, il faut désormais construire l’avenir différemment avec la Chine. « Avec le projet de la Route de la Soie, la Chine veut vraiment investir en joint-venture dans les pays concernés, afin de produire localement dans ces régions. Cela veut dire que toutes ces grosses exportations chinoises de ces dernières années vont baisser au profit de la production locale ou régionale dans les pays de la Route de la Soie. C’est d’ailleurs pour cela, que des accords ont été signés dans ce sens. L’idée, est de faire du Maroc un véritable hub pour l’Afrique », souligne le Président du Conseil d’affaires Maroc-Chine.
AliExpress : les délais de livraison s’allongent pour les acheteurs marocains
Depuis qu’acheter en ligne à l’international est devenu moins contraignant pour les Marocains, ces derniers sont devenus friands pour l’achat sur des sites étrangers. Parmi la poignée de pays qui monopolisent ce marché international du e-commerce via des plateformes en ligne, on retrouve en tête la Chine. En lançant des sites marchands aux stratégies bien rodées qui ont révolutionné le monde du e-commerce, l’Empire du Milieu est indéniablement leader dans ce domaine : pour ne citer que ces deux monstres, AliBaba et AliExpress, devenu ces dernières années le site étranger d’e-commerce le plus populaire dans le Royaume. En effet, l’importance de l’offre commerciale chinoise, couplée à une offre de livraison imbattable, a fait de ce pays un moteur mondial du e-commerce. Le son de cloche n’est pas le même au Maroc qui est loin d’être compétitif en la matière. Il faut dire, que sur plusieurs centaines de milliers de sites marchands à travers le monde, seul un nombre infime est accessible à partir du Maroc (pas plus d’une centaine). Par accessible, on entend ceux qui assurent un service de livraison dans la région. Et c’est surtout sur AliExpress, qui rétrécit d’année en année ses délais de livraison, où la plupart des acheteurs marocains se ruent pour trouver leur bonheur. A noter, que cette plateforme s’est consacrée à la vente au détail ou en gros de quasiment tout ce qui peut s’acheter sur internet.