Pjd «transparence» contre pjd «raison d’Etat»
C’est un moment difficile que vit le PJD dans la petite histoire qu’il vit depuis son accession à la primature et la cabine de pilotage des affaires publiques. Les observateurs politiques, comme un grand nombre de citoyens n’arrivent pas à situer ce parti. Il est au cœur de la majorité, il défend cœur et âme l’action menée par son chef, il programme les textes juridiques qui encadrent l’action de l’Etat, il vote les mesures politiques qui sont censées être au service de son programme et ne cesse de donner des signes qui signifient qu’il est toujours dans l’opposition. par Driss Al Andaloussi
Les observateurs ont remarqué à maintes reprises que l’homme d’Etat n’a pas encore habité l’homme politique. Les sorties médiatiques de Benkirane et de ses lieutenants rompent avec leur statut de gouvernants. L’Etat «profond » est un point de mire qu’il faut viser continuellement. L’ennemi n’est pas décrit, ni nommé et encore moins désigné. Le vocabulaire politique a intégré les emprunts sémantiques au monde animal et au monde des mythes «tamassih et aafarites », ils sont là, à coté de nous, devant nous et habitent les listes des différents privilèges allant du taxi au sable, en passant par le domaine public maritime et le ghassoul. Les listes ont rempli l’espace discursif et ont créé le vide en politique. Publier une liste de bénéficiaires d’une situation de rente est un geste, une constatation, un «courage» et ne peut prendre une signification morale ou politique sans des actions qui rendent l’équité maitresse en matière de gestion publique.
Les citoyens attendent le début du match contre les ennemis de l’action de réforme du gouvernement. La première partie du spectacle a trop duré et il est devenu nécessaire de passer à l’essentiel. Heureusement, que parmi les citoyens qui attendent, figurent les députés du PJD à la Commission des finances et du développement économique. Soucieux de l’image qu’ils veulent préserver pour continuer à bénéficier de la crédibilité devant leurs électeurs, ces députés ont massivement été présents à la réunion de la commission. L’objet de celle-ci n’était que l’examen des dispositions du projet de la Loi organique des finances ou ce que tous les théoriciens des finances publiques appellent la petite constitution. La réforme de cette petite constitution attend depuis des années et cette attente est devenue politiquement stratégique depuis le vote massif de la constitution de 2011. La gestion publique est mise au centre de cette constitution. La transparence et la culture de la reddition des comptes sont élevées en critères principaux d’évaluation des politiques publiques. L’argent public ne peut plus se suffire de règles qui privilégient la forme au détriment du fond. Les citoyens attendent des résultats et non pas des rapports pleins de chiffres et vides en réalisations. La réunion débute en présence du ministre Boussaid et du chef de la Commission Said Khayroune du PJD. Les ténors de ce parti sont présents et à leur tête le chef de leur groupe parlementaire. Les membres de cette commission relevant de l’opposition n’étaient pas nombreux. Au moment de la discussion de l’amendement de l’article 8 du projet, le président de la Commission se tourne vers le chef de son groupe Abdellah Boinou pour prendre son avis sur le maintien ou non de l’amendement présenté au nom de la majorité et qui porte l’intégration des comptes de trésorerie et des opérations y afférentes dans le circuit du contrôle parlementaire. Le président du groupe a, sans hésitations, confirmé l’attachement à l’amendement qui porte la signature des cinq partis membres de la majorité. Le ministre n’a pas pu affronter une telle situation. L’amendement passe à l’unanimité des membres présents et votants.
L’article 8 peut se lire ainsi après ce vote « Toutes les recettes et dépenses du budget général, des SEGMA et des comptes spéciaux du Trésor doivent être intégrées dans le budget général de l’Etat. Doivent être intégrées dans ce budget toutes les recettes et les dépenses des comptes de trésorerie et des opérations de trésorerie liées à la gestion des deniers publics. Ces comptes et opérations doivent être soumis aux mêmes règles de la comptabilité publique, à l’exception des opérations provisoires en attendant de devenir définitives et les opérations liées à la sécurité intérieure et extérieure. Ces exceptions feront l’objet d’un texte d’application ».
C’est la première fois que le gouvernement se trouve dans cette situation. Les députés ont exprimé à travers leur vote, une volonté politique et un engagement pour la transparence. L’opposition ne pouvait trouver meilleure occasion pour pousser la contradiction à l’extrême. Tout le monde savait que cet épisode ne serait pas le dernier dans ce domaine. Le ministre de l’Economie et des finances ne pouvait s’attendre à une telle union «sacrée» autour d’un texte qui gêne. Les téléphones ont fait passer les messages urgents et les coulisses ont complété le cycle des arrangements. La séance plénière était prévue il y a neuf jours. Le report est devenu effectif en attendant une porte de sortie. Les députés du PJD sont actuellement soumis à une pression très grande. Vont-ils céder et revenir ainsi que les autres députés de la majorité, sur un amendement qu’ils ont, eux mêmes, présenté ?
Les prochains jours seront très critiques pour ceux qui vont chercher les compromis. En jeu, une course à la dénonciation du revirement que l’opposition cherchera à exploiter au maximum. Revenir sur l’amendement ne sera qu’un début du processus du discrédit des discours sur la moralisation de la gestion publique. Le prix à payer est inestimable pour le parti « de la lutte contre la fraude » « Mouharabatou al fassade ».