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Plans d’actions anti-Covid au Maroc : ce que proposent les Régions

En contribuant à 1,5 milliard de dirhams au Fonds Spécial Covid-19 et en mobilisant près de 400 millions de dirhams dans des actions en direct pour lutter contre la crise du Covid-19, les 12 régions marocaines ont fait montre d’une réactivité et d’un effort  de solidarité des plus louables. Mais quid du ciblage et du bon équilibre entre soutien de l’offre (tissu productif), aides des plus démunis et dépenses à caractère sanitaire dans la mobilisation par les régions de fonds soustraits pour la plupart au budget d’infrastructures relevant de leurs territoires respectifs ? 

Si depuis l’instauration de l’état d’urgence sanitaire le 20 mars 2020, l’administration centrale et ses différents relais territoriaux dans les quatre coins du pays ont été mobilisés sans relâche dans la lutte contre la pandémie du Covid-19, les régions marocaines et leurs bras armés opérationnels ( les fameuses Agences Régionales d’Exécution des Projets –AREP ) n’ont, pour leur part, point peigné la girafe. En effet, outre une contribution appréciable à hauteur de 1,5 milliard de dirhams au Fonds Spécial Covid-19 (dont 1 milliard provenant du Fonds de solidarité interrégionale et 500 millions de dirhams prélevés directement sur leurs budgets respectifs), les Conseils des différentes régions du Royaume ont consacré près de 400 millions de dirhams dans des actions diverses destinées à atténuer les méfaits de la crise inédite actuelle au niveau de leurs territoires respectifs.

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Aussi, un premier aperçu de l’affectation d’une telle enveloppe démontre que l’essentiel de ces ressources débloquées dans la célérité et à titre dérogatoire la plupart du temps, ont financé des actions à caractère essentiellement social. A commencer par les aides alimentaires et les paniers de produits de première nécessité qui ont été distribués par plusieurs villes et territoires pour les populations les plus touchées par les retombées économiques de la crise sanitaire. A cet effet, l’effort le plus important (en absolu) a été celui de la Région de l’Oriental qui a mobilisé une enveloppe de 50 millions de dirhams pour soutenir les familles démunies qui vivent une situation de précarité. Un effort suivi de près par celui de la Région de Fès-Meknès qui a consenti à cet égard, quelques 30 millions de dirhams, une somme soustraite de son budget de projets structurants (essentiellement des projets d’infrastructure). Les deux régions de Tanger-Tétouan-Al Hoceima et de Marrakech-Safi font également partie de celles ayant consenti des budgets significatifs à une telle cause, avec 16 millions de dirhams chacune pour l’achat de denrées alimentaires aux familles et personnes défavorisées sur leurs territoires respectifs. Quant à l’action la plus originale, elle a été à l’actif de la ville d’Ifrane dont la commune a monté un centre d’appels pour recevoir et traiter les demandes de livraison des aides alimentaires pour encourager sa population la plus défavorisée à rester chez elle pendant la période du confinement. L’achat des équipements de santé et d’hygiène a constitué, pour sa part, la destination principale de la somme globale débloquée par les régions avec des budgets allant de quelques millions de dirhams à 30 millions de dirhams par exemple pour la Région de Drâa-Tafilalet (essentiellement pour l’achat d’ambulances, du matériel médical nécessaire, mais également des véhicules, pulvérisateurs et produits de désinfection), voire plus de 50 millions de dirhams au crédit de la Région de Casa-Settat (la plus riche indéniablement du Maroc), qui a décidé de doter les hôpitaux relevant de son territoire en 90 lits additionnels de réanimation entièrement équipés et de contribuer à la réalisation de l’hôpital de campagne sur le site de la foire des expositions de la capitale économique, avec une capacité de 700 lits réservés entièrement aux malades atteints par le virus. L’enseignement, autre volet social par excellence, ne fut pas du reste avec quelques actions louables, notamment de la part de la Région de Drâa-Tafilalet qui y a alloué 10 millions de dirhams plus particulièrement à l’acquisition du mobiliser et matériel scolaire au profit des établissements d’enseignement et, surtout, à l’appui des élèves démunis en milieu rural en les dotant de tablettes électroniques. La Région de Dakhla-Oued Eddahab s’est également distinguée par un effort de 6,5 millions de dirhams destinés exclusivement à acquérir des tablettes et autres équipements électroniques au profit des enfants de familles dans le besoin. Deux initiatives sans lesquelles l’enseignement à distance (imposé depuis mars dernier), n’aurait été qu’un vœu pieux. Enfin, la population carcérale et les sans-abris ont eu droit également au détour de deux ou trois régions qui y ont sacrifié quelques millions de dirhams, d’une part, pour la réinsertion des détenus et le soutien aux établissements pénitentiaires et, d’autre part, pour l’aménagement de centres d’accueil.

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Certes, un tel effort de la part des douze régions que compte le Royaume, est des plus louables car il représente tout de même 2% de leurs budgets 2020 cumulés, voire cinq fois plus si on tient compte également de leur contribution globale au Fonds Spécial Covid19 (et encore davantage si on ramène le tout aux budgets bientôt révisés au vu des répercussions de la crise) ; mais on est en droit de se demander si les édiles régionaux et leurs collaborateurs qui ont la charge de la gestion de la chose locale auraient pu faire plus ou mieux ? Difficile à dire dans l’absolu, car la marge de manœuvre des Régions n’est pas infinie, alors que plus de 60% de leurs ressources proviennent des transferts de recettes fiscales telles l’impôt sur les sociétés, la TVA et l’impôt sur les revenus quand le reste est constitué par les ressources des collectivités gérées par elles-mêmes ou par l’Etat). Des recettes qui vont subir inéluctablement un sérieux coup de rabot à cause de la crise du Covid19 et la disette qu’elle laisse poindre à court terme à l’horizon des caisses de l’Etat, avec un déficit budgétaire qui plongera vraisemblablement à 6% du PIB (soit sa pire performance depuis le printemps arabe). Quant à faire mieux, une nouvelle vague de mesures est en passe d’être concoctée sous l’égide de l’Association des Régions du Maroc (voir Interview), ce qui intimerait à surseoir au jugement. Mais qu’à cela ne tienne, la réponse par l’affirmative (oui, ils auraient pu faire mieux) est, à priori, nettement moins hasardeuse, du moins jusqu’à présent et au vu de ce qui a été matériellement fait au moment où nous rédigeons ces colonnes. D’une part, car en se concentrant sur la seule dimension sociale voire humanitaire, l’intervention des Régions est venue, parfois, faire double emploi avec les mesures adoptées par le pouvoir central (aides financières aux ramedistes et non-ramedistes qui ne sont affiliés à un aucun autre régime de prévoyance, indemnisation des salariés des entreprises en difficultés mis en chômage technique….), même s’il est vrai que sur certains volets, elle a eu le mérite de la subsidiarité avec un meilleur ciblage en fonction des priorités de chaque territoire et de la cartographie de la pauvreté qui y sévit. Ensuite, la priorité quasi-absolue accordée soit à la santé, soit aux aides sociales (ou les deux de façon plus ou moins équilibrée selon les régions), a totalement occulté le soutien de l’offre et du tissu des entreprises qui ont été le parent pauvre des plans d’action concoctés sans doute dans l’urgence et sans le recul socio-économique nécessaire pour faire un usage plus équilibré des deniers publics mobilisés. Or, la pérennité des entreprises et de la santé de l’entreprenariat social est le meilleur gage de revitalisation des bassins d’emploi au sortir de la crise du Covid-19 et de maintien de la compétitivité territoriale. Et sur ce point, il semblerait que les régions se soient résolues à se défausser totalement sur l’action du gouvernement et de la Banque Centrale pour voler au chevet des acteurs économiques et leur éviter la crise cardiaque, à l’exception peut-être de la région de Drâa-Tafilalet qui a dédié 40 millions de dirhams – soit bien davantage que l’enveloppe qu’elle a consacrée aux aides alimentaires – au soutien des entreprises (pour 30 millions de dirhams) et à l’appui des coopératives (pour 10 millions de dirhams).

Quelque 60.000 familles démunies au niveau de la région de Marrakech-Safi ont bénéficié d’une vaste opération de distribution de denrées alimentaires de première nécessité, à l’initiative du Conseil de la Région dans le cadre de ses efforts visant à atténuer les effets sociaux-économiques de la pandémie du nouveau coronavirus sur les populations locales.

Or, au plus fort de cette crise sanitaire, les chefs d’entreprises étaient soit désemparés pour la plupart d’entre eux face à des enjeux de taille auxquels ils n’étaient point préparés ou, pour les plus « chanceux », incapables de profiter pleinement des opportunités de business charriées par la crise du Covid-19 (notamment sur le registre sanitaire où plusieurs acteurs industriels se sont rendu compte qu’ils pouvaient répondre à certains besoins moyennant quelques investissements additionnels et adaptations appropriées). Entre approvisionnement en équipements de protection individuelle afin de protéger les salariés qui sont restés sur le pont du navire (au moment où d’autres se tâtaient aux « charmes » du télétravail), soucis immédiats de trésorerie (certaines entreprises n’avaient, hélas, pas le luxe d’attendre le délai de traitement des dossiers Damane Oxygène !), défis d’organiser en marge des déconfinements progressifs, le retour des salariés aux centres de production alors que les transports publics tournaient au ralenti, accélération du paiement des fournisseurs et prestataires des communes et villes relevant de chaque région ou encore activation des fonds d’investissement régionaux de consolidation du haut de bilan (longtemps négligés au profit de structures nationales qui – facilité oblige – investissent quasi-exclusivement sur l’Axe Casablanca-Tanger), l’univers des mesures et aides complémentaires que les régions auraient pu mettre en place pour apporter leur écot de soulagement à des entreprises dans la panade, est des plus larges. Sous d’autres cieux, les Régions et autres structures locales ont non seulement cassé leur tirelire pour échafauder des plans d’urgence d’envergure, mais elles ont également mobilisé des ressources et beaucoup d’imagination pour répondre à des problématiques toutes particulières et non moins utiles pour les agents économiques privés. En France, par exemple et au-delà des multiples aides monétaires et différents prêts financiers qu’elles ont elles-mêmes apporté en faveur des TPME et des acteurs de l’économie solidaire, les 22 régions métropolitaines ont rivalisé d’ingéniosité en mettant en place, à titre d’illustration, des plateformes pour rapprocher producteurs et consommateurs, des taskforces pour mettre en relation les entreprises et en maintenant les subventions de soutien aux manifestations, projets et autres activités culturelles (même en cas d’annulation passée ou à venir en raison de la crise et de l’Etat d’urgence sanitaire qui s’ensuivit). Au Canada, certaines régions sont allées jusqu’à rembourser 100% du coût des achats de matériel et autres frais annexes (formation, gestion des ressources humaines…) supportées par les PME pour implanter le télétravail ou développer les compétences des employés qui doivent rester chez eux. En Suisse, le canton de Genève a décidé de prendre en charge une partie des tarifs d’électricité au profit des entreprises pendant plusieurs mois quant aux autorités vaudoises, elles ont proposé une aide à fonds perdus pour subventionner jusqu’à 25% les loyers supportés par les exploitants de commerces de proximité et petite enseigne dans le cadre d’un accord tripartite entre locataires/bailleurs et canton de Vaud.

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Au demeurant, l’ «omission» de l’entreprise et de la dimension économique de l’éventail des dispositifs anti-covid19 déployés par les régions vient démontrer encore une fois, s’il en est besoin, le déficit flagrant dont pâtissent la majorité les collectivités territoriales (surtout à l’échelle des 1.600 communes qui en font l’ossature) en matière de gouvernance et de qualification des ressources humaines (et en premier lieu sur le registre du management et de la maitrise de la chose économique). Une lacune structurelle que l’instauration des AREP à partir de 2016 (pour accompagner les Régions dans l’exercice de façon efficiente des larges prérogatives dont elles ont été dotées par la Constitution de 2011), n’a malheureusement pas réussi à juguler à cause de multiples dysfonctionnements (notamment réglementaires) ayant entravé l’accomplissement de leurs missions et, par ricochet, affaibli leur attractivité vis-à-vis des cadres et managers qualifiés dont avaient besoin ces structures (mais ceci est une autre histoire !). Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de constater l’ampleur des excédents cumulés par les douze régions marocaines et qui totalisent près de 45 milliards de dirhams à fin 2019. Une «cagnotte» qui reflète la persistance de l’incurie et l’inefficience dans l’exécution des budgets (en 2018 par exemple, l’exécution des dépenses d’investissement a été d’à peine 44% en moyenne chez toutes les régions).

 
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