PLF 2023 : balisage en cours
Le projet de loi de finances (PLF) est le meilleur document officiel permettant d’apprécier réellement la déclinaison effective des politiques gouvernementales. Aziz Akhannouch a vraiment de la chance. A la tête du ministère de l’économie et des finances (MEF), il dispose de deux responsables politiques ayant une riche expérience dans le domaine financier.
Le parcours de Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’économie et des finances, est bien connu, dans le secteur financier. Il en est de même de Faouzi Lakjaâ qui a passé l’essentiel de sa carrière professionnelle à la tête de la direction du budget, au sein du MEF, en pleine phase de la réforme de la loi organique des finances, tout en ayant la chance et l’avantage de côtoyer le monde du sport et surtout du ballon rond.
Pour une fois, le PLF offre une meilleure visibilité/lisibilité. La note de cadrage de ce projet comporte quatre priorités explicitement définies : le renforcement des fondements de l’Etat social ; la relance de l’économie à travers l’investissement public et privé ; la consécration de l’équité territoriale, et, bien sûr, le maintien des équilibres financiers. Les orientations Royales sont bien mises en avant, en tant qu’axes prioritaires : doter le pays d’une nouvelle charte des investissements, favorable à la compétition, à la création de l’emploi et de la valeur ajoutée, à la réduction des disparités spatiales, et au respect de l’environnement. Le Fonds Mohamed VI devra être opérationnalisé pour contribuer à l’émergence d’un environnement plus attractif aux investissements nationaux et internationaux. Dans l’immédiat, la priorité sera accordée aux investissements afférents aux projets en cours de réalisation, et en particulier ceux ayant fait l’objet d’accords nationaux et internationaux, signés par le Souverain. Il en est de même des projets conclus avec les institutions internationales et/ou avec des pays donateurs. Il en va de l’image du Royaume. Crédibilité, confiance et transparence constituent la condition sine qua non, en matière d’attraction et de développement qualitatif des investissements. L’appel à la réduction des dépenses publiques afférentes à l’acquisition des véhicules de mission, à la construction et à l’équipement des bâtiments administratifs, a été réitéré. Néanmoins, cet appel ne devrait pas être contourné par le recours abusif au système de location.
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Le « produit national », à travers une production locale de qualité (Label Made Morocco) doit être encouragé. Par ailleurs, les équilibres financiers demeurent un objectif permanent, sans pour autant faire obstacle à la mise en œuvre des chantiers stratégiques en cours. Pour l’instant, l’endettement public demeure maitrisé, en dépit des dépenses exceptionnelles inhérentes à la caisse de compensation qui a nécessité une injection supplémentaire de 16 MMDH, suite à la hausse importante de certaines matières premières telles que le gaz et le blé. A cela s’ajoute 10 MMDH pour faire face aux effets de la sécheresse, sans oublier la subvention de 2 MMDH au transport, et 2 MMDH pour la relance du tourisme. La progression des recettes fiscales de + 23,5 MMDH, a permis d’atténuer le choc des facteurs exogènes. Cette progression provient en particulier de l’augmentation des recettes IS, à rapporter à la bonne conjoncture économique ayant prévalu en 2021, et aux recettes TVA à l’import, tirés vers le haut en particulier par la hausse des prix des produits pétroliers.
L’un des objectifs phares du PLF 2023 est la refonte du système de santé. Sans cette refonte, la généralisation du système de protection sociale ne serait qu’une coquille vide. La « réhabilitation » du système de santé passe nécessairement par la réforme des structures sanitaires primaires, la mise à niveau des hôpitaux et l’instauration de mécanismes de respect du parcours des soins. Mais, au cœur de cette refonte, c’est la qualité de la gouvernance du système de santé et sa digitalisation complète, et donc sa transparence, qui sont visées en priorité. Bien sûr, la situation financière des cadres de santé est aussi une priorité qu’impose la réalité, compte tenu du risque d’exode massive des nouvelles recrues de médecins vers d’autres pays qui offrent des conditions bien meilleures, en termes de rémunération et surtout d’épanouissement.
Les chantiers Intelaka, Forsa et Awrach devront être maintenus, avec une priorité majeure à l’amélioration des conditions de participation et d’inclusion des femmes, dans tous les domaines. Le Code de la Famille est appelé à être revu et les institutions constitutionnelles prévues, dans ce cadre, devront être opérationnalisées.
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Après la généralisation effective de l’AMO, en 2022, à toute la population, devra être entamé, en 2023, celle des allocations familiales, au profit de 7 millions d’enfants de familles pauvres et de 3 millions de familles pauvres mais sans enfants d’âge scolaire, ce qui fait une moyenne globale de plus de 10 millions d’enfants. Pour cela, les deux instruments-clés à mettre en œuvre, et de toute urgence, sont le registre national de la population et le registre social unique. La lutte contre les inégalités socio-territoriales sera aussi poursuivie, avec des objectifs chiffrés à réaliser. C’est notamment le cas de la scolarisation des filles rurales pour atteindre 60% dans les zones ciblées. Ou encore l’accès à l’eau potable, avec un taux de 81% à 82% à atteindre, dans les zones rurales. Enfin, une enveloppe de 500 MDH devra être mobilisée au profit des associations des personnes à besoins spécifiques. L’amazighisation des services publics est aussi un chantier transversal et sociétal, stratégique et prioritaire.
Le PLF 2023 est le « noyau dur » du programme gouvernemental. C’est à ce niveau que les « bonnes intentions » politiques sont appelées à être concrètement déclinées. C’est aussi là que les citoyens peuvent apprécier et comparer le discours politique aux actions publiques effectives.