Polyathlète, manager, ingénieur agronome
Il a gardé un physique de jeune premier. Ce manager qui a fait toute sa carrière dans la même entreprise, a su faire de son métier une «success story» qui allie sport et travail. Par Noréddine El Abbassi
C’est un homme d’une autre époque, celui de la fidélité à une seule et même entreprise, dans un monde où le mercenaire est «l’idéal du cadre». Et pourtant, c’est en quelque sorte une «success story» d’un manager qui a réussi l’implantation d’une chaîne de magasins européens dans un marché pour le moins limité, celui du sport au Maroc. Et pourtant la greffe a pris, et Décathlon Maroc est une entreprise bien marocaine, mais née en France. C’est un peu grâce à lui. Lui, c’est Borja Sanchez, DG Maroc de la chaîne de grandes surfaces, dédiées au sport. Il est né en 1968, à San Sebastian. Comme le laisse deviner son nom, il est espagnol, basque pour être précis. Il est donc né près de la frontière avec la France, dans une région considérée comme plus aisée que le reste de l’Espagne, l’Andalousie par exemple. Troisième des trois enfants d’un fonctionnaire du ministère de l’Education, il explique qu’il est né dans une famille de la classe moyenne: «j’étais la surprise de mes parents. Mon frère aîné a 17 ans de plus que moi, et ma soeur 15 ans. Du coup, j’ai grandi comme un fils unique, puisque mon frère et ma soeur étaient partis, lorsque j’avais seulement 3 ans. Mais ma famille n’était pas du tout «notable», comme vous semblez le penser, c’était la famille moyenne classique espagnole. Le père fonctionnaire et la mère femme au foyer, c’était très normal pour l’époque», développe-t-il. A ce moment, ce sont encore les années où le dirigeant de l’Espagne de l’époque, Franco, est encore au pouvoir. Mais Borja n’en garde pas de souvenir: «J’étais jeune».
Des études «martiales»
Borja est alors scolarisé dans une école tenue par des prêtres catholiques jésuites, baptisée Ignacio de Layola, d’après le célèbre fondateur de la compagnie de jésus. Là, il est soumis à un régime d’enseignement strict, militaire. A tel point, qu’il estime que «nous travaillions plus à l’école que plus tard à l’Université. Il n’y avait pas de cours de religion dans le sens théologique, mais des cours de l’histoire de la religion. Nous allions à la messe le vendredi, écouter le prêche de nos enseignants». C’était à cela que se limitait l’enseignement d’une école religieuse, loin de TV muftis khalejis, stars de l’audimat et du lavage de cerveau par satellite. Une autre époque, mais qui n’est pas sans rappeler le Maroc par certains aspects: «il y avait moins de voitures qu’aujourd’hui. Donc nous jouions au foot dans la rue, entre copains, et suivions les matchs de l’équipe locale, la Real Sociedad. Autrement, j’étais fan du Barça. La ville était proche de la mer. Un bon «spot de surf», et c’étaient les débuts des sports de glisse, donc je faisais du body board», confie-t-il. Lorsqu’il atteint le Bac, il part pour Pampelune puis, trois années plus tard à Madrid, étudier à l’Université. Là il étudie l’ingénierie agronomique, passant son service militaire durant l’été. «Les études d’ingénieurs prenaient jusqu’à 8 années à cette époque. Moi j’ai fait ma scolarité en 6 années. Pendant le service militaire, mes officiers instructeurs étaient contents de moi. J’étais dans l’artillerie et j’ai programmé un logiciel de calcul de trajectoires de tirs. Après trois tirs, on touchait la cible. Il faut dire qu’à l’époque nous avions du retard», analyse-t-il sans se départir d’une pointe d’humour.
Une vie à Décathlon
Nous sommes en 1995, Borja a terminé ses études et doit intégrer la vie active. Déjà, sa famille s’était opposée à ce qu’il se rende en Algérie, pour un premier emploi, lié à son mémoire de fin d’études. En feuilletant les petites annonces d’un journal local, il tombe sur une offre d’emploi qui annonce: «si toi aussi tu aimes le sport et tu veux travailler dans une entreprise dynamique, rejoins-nous», relate-t-il. C’était Décathlon, la seule entreprise dans laquelle il travaillera. Borja commence comme chef de rayon, puis progresse rapidement: «ce qui m’a marqué, c’était la mobilité que j’ai connue au sein de l’entreprise. A chaque poste occupé, je ne voulais plus bouger. On me donnait alors plus de responsabilités. Je répondais que je n’étais pas prêt, et on me rétorquait immédiatement: justement, c’est pour cela que tu vas bouger». Progressivement, il évolue jusqu’à devenir Manager d’exploitation. Pendant un temps, on lui demandera de présenter l’entreprise aux étudiants, pour le compte des ressources humaines.
Quelques années plus tard, retour aux sources, et Borja est nommé directeur du magasin de Pampelune. En deux années, il en fait un des magasins les plus rentables de la chaîne en Espagne. Sa carrière est lancée, et il sera nommé Directeur commercial pays et Directeur du magasin de Madrid. Arrive l’année 2000, qui verra son mariage. Nous sommes en 2003 lorsque Borja est nommé Directeur régional pour l’Espagne et la Méditerranée. Il y reste 3 années durant. A cette période, au Maroc, c’est Koodza qui commercialise les produits de la marque. Le Royaume est déjà une plateforme de production textile et un gros donneur d’ordres pour les industriels. Borja, lui, continue sa progression. En 2006, il fait un «deuxième tour dans les RH, pour faire du management», puis nommé patron Zone pour l’Espagne, au bout d’une année et demie seulement. Il propose de démarrer les petites entités, pour superviser ensuite les enseignes du groupe en Espagne, au Portugal et au Maroc. Lorsqu’il perçoit que le marché marocain est mûr, il propose et ouvre le premier magasin Décathlon au Maroc. C’est l’année 2014. Depuis, il se concentre sur le Maroc. Belle trajectoire pour l’homme d’une seule entreprise.
BIO EXPRESS
1968: naissance à San Sebastian
1986: Bac au Lycée San Ignacio de Layola entrée à l’Université de Pampelune
1989: entrée à l’Université de Madrid
1995: entrée à Décathlon
2007: Patron Zone Espagne
2011: supervise l’ouverture de magasins Koodza en Espagne, au Maroc et au Portugal
2014: DG Décathlon Maroc et Afrique du Nord