Port obligatoire du masque au Maroc : l’étude qui a été à l’origine de la réunion des ministres.
Abdelghani EL HARFI, Professeur Universitaire à la Faculté des Sciences d’Agadir a adressé le 4 avril à plusieurs Ministres, les conclusions d’une étude quantitative et comparative des données sur la pandémie du coronavirus dans les pays de l’Asie orientale, de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord et du Maroc, qui a abouti à l’importance du port obligatoire du masque facial dans les lieux publics. Son rapport serait à l’origine de la réunion le lundi 6 avril des ministres et de la décision de rendre obligatoire le port du masque facial dans les lieux publics à partir du 7 avril 2020.
Lundi 6 avril, un communiqué conjoint des ministères de la Santé, de l’Intérieur, des Finances et du Commerce et de l’industrie annonce que le port des masques de protection sera obligatoire dès ce mardi 7 avril 2020, pour toute personne se trouvant à l’extérieur de son lieu de résidence. Une décision qui a pris de court plus d’un, d’autant plus que le port généralisé du masque ne fait pas l’unanimité sur la planète. En effet, si dans les pays asiatiques, les masques sont légion, les pays occidentaux tardent à adopter le port du masque généralisé. Est-ce une grave erreur ? Si certains pays ont fait volte-face et recommandent à leurs populations de se couvrir le visage quand ils sortent de chez eux, d’autres, en disant s’appuyer sur des données scientifiques, soutiennent que les masques doivent être uniquement utilisés par les soignants, les malades et leur entourage proche.
L’étude adressée aux Ministres du gouvernement
Il faut dire que si pour les travailleurs de la santé, le bénéfice de porter un masque a été clairement démontré par des études scientifiques, très peu d’études ont été faites pour la population en générale. Mais ces dernières semaines, de plus en plus d’études « de laboratoire » et d’études basées sur des observations sont réalisées comme celle réalisée par Abdelghani EL HARFI, Professeur Universitaire à la Faculté des Sciences d’Agadir de l’Université Ibnou Zohr (Membre du Comité Scientifique). « Il s’agit d’une étude scientifique quantitative et comparative des données sur la pandémie du coronavirus Covid-19 dans les pays de l’Asie orientale, de l’Europe occidentale, de l’Amérique du Nord et du Maroc. Le 4 avril, j’ai adressé les conclusions de ce rapport à plusieurs Ministres qui étaient très réactifs. Car, le Président de l’Université Ibnou Zohr m’a informé que cette étude est à l’origine de la réunion des ministres et de la décision de rendre obligatoire au Maroc le port du masque facial dans les lieux publics à partir du 7 avril 2020 », explique le Prof. EL HARFI. Que dit alors ce rapport qui a tout changé concernant le port du masque au Maroc ?
Les conclusions du rapport
Selon le Professeur universitaire, dans chaque épidémie, il y a toujours une face cachée de l’iceberg. Cette partie cachée, personne ne peut la connaître, même ceux qui ont mis en place le dépistage massif, comme en Corée du sud ou en Allemagne. Comme le Maroc ne peut pas se permettre le dépistage massif, alors l’affirmation selon laquelle tous les cas réels n’ont pas été détectés, est une évidence. Par conséquent, cela signifie qu’il y a sûrement dans la population, des personnes infectées, malades ou « asymptomatiques » susceptibles d’infecter, de manière non détectable, d’autres personnes saines. C’est là que réside la gravité de ce virus. Malgré que le Maroc ait pris très tôt des mesures drastiques de précaution contre la propagation de la pandémie coronavirus, depuis le 2 mars 2020, ces précautions se sont malheureusement avérées insuffisantes. « Il apparaît donc que la stratégie la plus efficace qui a permis aux pays asiatiques de freiner les contagions (à savoir le port obligatoire du masque facial), devrait être mise en place en urgence au Maroc. Porter un masque pour se couvrir le visage quand on sort de chez soi devrait ainsi être une recommandation obligatoire pour toute la population marocaine et dans tous les espaces publics. Elle permettrait sûrement d’aider à freiner les contagions et la propagation de la pandémie de Covid-19 », dit-il. Et d’ajouter à travers l’étude envoyée aux Ministres, qu’en l’absence ou d’insuffisance de stocks de masques de protection professionnels, il faudrait insister auprès de la population à se couvrir le visage avec des masques artisanaux, des foulards ou des bandanas, afin de réserver les masques médicaux aux soignants. Pour éviter la ruée sur les masques médicaux, il faudrait également mettre en avant les masques faits maison ou fabriqués par l’industrie textile nationale. Dans sa conclusion, le Prof. EL HARFI a indiqué aux Ministres que le seul remède aujourd’hui, d’après l’état actuel des données et des recherches, pour diminuer ce risque au Maroc est le port d’un masque facial par toute la population, en associant évidemment les précautions hygiéniques (lavage des mains, utilisation d’antiseptiques et de désinfectants), les gestes barrières, la distanciation sociale et le dépistage à volonté lorsque cela est possible. Comment le Professeur Universitaire à la Faculté des Sciences d’Agadir est-il arrivé à cette conclusion ?
La comparaison qui dit tout
En fait, le Professeur universitaire est parti d’une observation avant d’analyser comparativement des données actuelles sur la pandémie du coronavirus : pourquoi des pays comme ceux de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique du Nord, situés sur des continents différents, ayant contracté tous le virus en même temps (premiers cas confirmés), se retrouvent deux mois plus tard dans deux situations pandémiques extrêmement différentes (voir Tableau 1) ? En effet, après cette courte période, le nombre de cas et de décès a explosé en Europe occidentale et aux USA alors que les pays de l’Asie orientale arrivent à freiner la propagation de la pandémie et l’ont grandement limitée. Un constat qui a poussé le Prof. EL HARFI à arriver à interpréter et à tirer des conclusions. Selon lui, depuis l’apparition de cette maladie infectieuse, la gestion de l’épidémie était très différente entre les 2 groupes de l’Asie d’une part (groupe A) ; les pays européens et les USA d’autres part (groupe B).
Dans le groupe A, qu’ils soient 1,4 milliard d’habitants pour la Chine, 51 millions pour la Corée du Sud ou 24 millions pour le Taïwan, tous les pays de l’Asie orientale se sont mobilisés efficacement contre la pandémie : confinement ciblé et non généralisé, une bonne hygiène, dépistage à volonté, suivi et géolocalisation des contaminés, mais surtout le port obligatoire du masque facial de protection dans les lieux publics sous peine d’amende (exemple de la Chine).
Dans le groupe B (Europe, États-Unis), malheureusement, la plupart des décisions de confinement annoncées par les gouvernements de ces pays, afin d’endiguer la propagation du coronavirus ont été prises en retard (plus de 8000 cas). L’objectif du confinement était de limiter le plus possible le nombre de cas de contaminations dans le temps, de manière à ce que les établissements hospitaliers ne soient pas submergés par un afflux de patients. « La solution passe alors par : un confinement plus ou moins strict de la population, de bonnes mesures d’hygiène (lavage des mains, utilisation d’antiseptiques et de désinfectants) et la mise en place de la distanciation sociale. Par contre, le port du masque était obligatoire uniquement pour les professionnels de la santé et volontaire pour la population. L’objectif est de casser la dynamique de propagation exponentielle du virus, qui double le nombre de cas en quelques jours », souligne le Prof. EL HARFI qui oppose celle de la Chine qui a pris une décision exceptionnelle pour Wuhan en rendant obligatoire dans cette région le port d’un masque facial dans les lieux publics sous peine d’amende. « Donc le confinement de la population, associé aux mesures de protection et de préventions, dont le port obligatoire d’un masque facial, sont parmi les stratégies essentielles ayant permis à la Chine de maîtriser l’épidémie. D’ailleurs, les autres pays asiatiques qui sont arrivés à stopper cette pandémie ou à la ralentir comme, le Japon, Hong-Kong, le Taïwan, le Vietnam et la Corée du Sud ont tous pris des décisions sévères sur l’obligation du port du masque par le grand public. Par contre, le confinement de la population était limité et n’était pas aussi sévère que la Chine et les pays européens », relève le Professeur qui a bien indiqué dans son rapport adressé aux Ministres que « Le Maroc devrait donc éviter par tous les moyens cette grave erreur qu’a commis l’Occident et les USA ». A noter, que le Prof. EL HARFI a aussi étayé son étude par beaucoup de preuves pour appuyer la pertinence de cette conclusion selon laquelle le Royaume doit rendre obligatoire le port du masque. Parmi celles-ci, on peut citer l’interview accordée à la revue Science du 27 mars 2020, par le Directeur Général du Centre Chinois de Contrôle et de Préventions des Maladies, George Gao, qui estime que la « grande erreur » des pays occidentaux était de ne pas avoir porté de masques. « Ce virus se transmet par les gouttelettes respiratoires, de personne à personne. Les gouttelettes jouent un rôle très important, d’où la nécessité du masque. Le simple fait de parler peut transmettre le virus. De nombreux individus atteints sont asymptomatiques, ou ne présentent pas encore de symptômes : avec un masque, on peut empêcher les gouttelettes porteuses du virus de s’échapper et d’infecter les autres. », avait déclaré l’expert chinois.
Autres preuves scientifiques en cours d’étude en ce moment et mises en avant par le Prof. EL HARFI dans son étude : les Académies américaines des sciences ont cité, dans une lettre à destination de la Maison-Blanche mercredi 1er avril 2020, quatre études faisant pencher la balance en faveur d’une transmission du virus via l’air expiré par les gens. Du côté de l’Allemagne et suite à l’annonce de l’Académie de médecine française sur le port des masques grand public, relève l’étude du Professeur marocain, l’Institut Robert-Koch, l’établissement de référence en santé publique, a encouragé vendredi (3 avril 2020) les citoyens à porter en public des masques faits maison. Il n’y a «pas encore de preuves scientifiques» qui limitent la propagation du virus, mais cela «semble plausible», avait estimé son président Lothar Wieler.
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