Prémices de l’ouverture du «ciel» de l’assurance et de la réassurance
La «Commission Administration et Organisation» du Comité Consultatif des Assurances vient de donner, lors de sa réunion du 26 Juin, le feu vert pour la création d’une Mutuelle d’Assurances «Taamine Chaâbi» et d’une entreprise de réassurance «MAMDA-Ré». Est-ce les prémices de l’ouverture du marché Marocain de l’assurance et de la réassurance après plus d’une trentaine d’années de blocage, par l’Administration de tutelle, pour l’octroi de ces agréments ?
L’agrément est accordé, selon le code des assurances, aux entreprises d’assurances et de réassurance par arrêtés du Ministre chargé des Finances après avis du Comité Consultatif des Assurances.
Le projet «Taamine Chaâb», une bataille ancienne du Groupe BCP
A l’image de plusieurs banques qui ont cherché une croissance externe à travers la prise de participation et le contrôle de compagnies d’assurances, La Banque Centrale Populaire (BCP), fort en plus d’être en possession d’un portefeuille de contrats d’assurances en provenance de sa clientèle, a pendant des décennies nourri l’envie d’avoir une filiale propre à elle pour gérer et profiter de la manne financière que rapportait le placement de ce portefeuille.
L’enjeu était de taille et ne pouvait échapper à la vigilance d’un «gros calibre» financier, Noureddine Omary, nommé fraichement, à cette période PDG de la BCP. En effet, celle-ci disposait d’un des portefeuilles de contrats vie et capitalisation les plus importants du marché, constitué initialement de contrats décès et individuels accidents et renforcé, à partir de 1985, par un produit phare, à l’époque, «Addamane Achaâbi», un produit d’épargne-décès souscrit par la communauté marocaine à l’étranger, dont la BCP était et est toujours leader, en matières de services financiers, à destination de cette clientèle. Ce portefeuille, qui se chiffrait à une centaine de millions de DH par an de primes, était placé auprès de la société d’assurances CNIA, avant sa privatisation, en Juillet 1997.
La bataille s’annonçait rude pour le nouveau patron de la BCP. Deux options se présentaient pour lui : la première consistait à s’adosser à une compagnie d’assurances, et la seconde était de demander carrément l’agrément pour la création d’une nouvelle entreprise d’assurances.
C’est dans ce sens que s’explique la première tentative de la BCP pour le rachat de la part majoritaire du Groupe ARIG (groupe à capitaux Kowetien, Bahrayni et Libyen) dans la société CNIA, qu’il avait acquise lors de l’opération de sa privatisation. Echec de cette option puisque c’est le Groupe Moulay Hafid Elalamy qui «a raflé la mise» en rachetant la CNIA, en Juillet 1997.
Conséquence prévisible de cette opération et comme mesure de rétorsion de la part du PDG de la BCP à l’égard du nouvel acquéreur de cette compagnie, le rapatriement, la même année, du portefeuille assurances de la CNIA vers la Mutuelle Centrale Marocaine d’Assurances- MCMA-.
La seconde et seule alternative qui s’offrait à la BCP était la demande d’un agrément pour une compagnie d’assurances, qui datait en fait du début des années 2000. Là, aussi c’était un échec cuisant puisque le Comité Consultatif des Assurances, dans une réunion du 13 Octobre 2005, avait émis un avis défavorable à cette demande d’agrément. Le Ministre des Finances qui n’était pas en fait lié par l’avis du CCA, qui n’est qu’un avis consultatif, a validé la position des professionnels qui avaient estimé qu’il n’y avait pas de place pour un nouvel intervenant.
Mais le Groupe des Banques Populaires n’a pas désarmé et obtenu, enfin gain de cause, l’accord pour la création d’une entité sous forme de mutuelle «Ataamine Achaâbi» pour pratiquer les opérations d’assurances vie et capitalisation. Concrètement, et compte tenu des relations commerciales et de capital entre cette Banque et la MCMA, il s’agit d’une sorte de gestion déléguée, à celle-ci, du portefeuille Addamane Achaâbi précité permettant, en toute vraisemblance à la banque d’avoir plus de poids et de visibilité sur la gestion de ce portefeuille.
Avec cette nouvelle donne, au niveau du marché Marocain de l’assurance, plusieurs questions restent sans réponse: pourquoi la création d’une mutuelle spécialisée au lieu de la création d’une compagnie d’assurances ? S’agit-il d’une solution de «consensus» pour éviter le risque d’un nouveau refus des professionnels ? La solution est-elle viable pour créer une mutuelle d’assurances pour gérer finalement un seul produit «Addamane Achaâbi» ? Ou, enfin, la solution retenue n’est-elle qu’une étape intermédiaire pour s’acheminer, à terme, vers une union des mutuelles avec le Groupe MCMA-MAMDA ?
Naissance de la MAMDA-Ré
A l’occasion de cette même réunion de la CAO, l’accord a été donné, pour la première fois dans l histoire du marché Marocain, à une entreprise d’assurance de créer sa filiale dans le domaine de la réassurance, en l’occurrence la Mutuelle Agricole Marocaine d’Assurance- MAMDA- avec la naissance la MAMDA-Ré en partenariat avec le réassureur de référence de cette Mutuelle, Partener-Ré .
A noter que la MAMDA est le principal assureur du secteur agricole dans notre marché. Contrairement à ce qu’on peut penser, l’objectif affiché, à travers cette création, n’est pas de cibler la réassurance de l’aliment local- peut être pour ne pas «froisser » et rentrer en concurrence frontale avec le réassureur national, la Société Centrale de Réassurance- mais d’opérer principalement en Afrique où, d’une part la demande existe puisque plus de 70% de la population africaine vit de l’agriculture et d’autre part, en raison du réseau dont dispose Partener-Ré sur le continent.
Les promoteurs de ce projet de la MAMDA-Ré affichent des ambitions plus importantes en demandant le statut de Casablanca Finance City- CFC-.
Abdelfettah ALAMI