Production d’électricité :Le casse-tête de l’offre et de la demande
La consommation d’électricité ne cesse d’augmenter d’année en année. L’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), qui vend l’électricité à un prix inférieur par rapport à celui de sa production, doit y faire face.
L’économie tourne au ralenti et pourtant, la consommation d’électricité ne cesse d’augmenter. A fin 2012, la croissance a dépassé les 7 % selon l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE). Cette hausse de la consommation d’électricité s’explique par la demande conjuguée des industriels (haute et moyenne tension) et des ménages (basse tension) qui ont la même cadence de progression. Cette hausse de la demande due à l’activité économique et aux avancées réalisées dans le programme d’électrification rurale, a fini par remettre sur la table la question de la capacité du système électrique marocain à y faire face. A l’ONEE, on se veut rassurant : « jusque là, même les forts appels de la consommation enregistrés, n’ont été à l’origine d’aucun délestage, ni incident ».
L’ONEE sous pression
Il faut dire, qu’après avoir classé la période des années 1990, caractérisées par les délestages au rang des mauvais souvenirs, la crainte de revoir ce même film, commençait à gagner une partie de l’opinion en 2008, une année au courant de laquelle la problématique du décalage entre l’offre et la demande ressurgissait à nouveau. Résultat : cette année-là, un plan national d’actions prioritaires, axé autour d’actions visant à la fois à renforcer le parc existant en donnant un coup d’accélérateur à son programme d’investissement, que ce soit dans la production ou encore dans le transport de l’électricité et inciter également les usagers à maîtriser leur consommation, a été initié par l’ex-ONE. Depuis, ce dernier a réhabilité 2.350 MW pour un budget de 2,5 milliards de dirhams et installé près de 1.100 MW pour un investissement de 12 milliards de dirhams. Il s’agit en particulier de 300 MW dans la turbine à gaz de Mohammedia, 116 MW dans la centrale diesel de Tan Tan et 16,5 MW au niveau de Dakhla. S’y ajoutent le parc éolien de Tanger (140 MW), la centrale thermo-solaire de Ain Beni Mathar (472 MW), ainsi que la centrale hydraulique de Khénifra (40 MW). Au début de l’année 2012, la centrale de Kénitra, d’une capacité de 300 MW et fonctionnant au fioul, a été mise en service.
Aujourd’hui, la capacité totale du Royaume installée est de 6 677 MW. D’autres programmes sont en cours, comme c’est le cas pour la centrale à charbon de Safi (2×660 MW) dont la production, en régime de croisière, représentera 27% de la demande globale du pays à l’horizon 2015. L’Office a également renforcé le réseau électrique. Sur la période 2008-2010, les investissements cumulés dans le transport et la distribution se sont élevés à 1,8 milliard de dirhams. En revanche, sur 2011-2015, l’Office prévoit une enveloppe de 12,3 milliards de dirhams dans le transport et 9 milliards de dirhams dans la distribution. En attendant, l’ONEE peut continuer à compter sur l’interconnexion avec l’Espagne établie en 1997. Elle a permis au Maroc d’acheter auprès du voisin espagnol des kilowattheures, lorsque ceux-ci sont à moindre coût. Au-delà, l’Office y recourt s’il n’arrive pas à répondre à la totalité de la demande du marché local. D’ailleurs, ces dernières années, les volumes importés d’électricité via l’interconnexion ne cessent d’augmenter. Ceux-ci ont enregistré une hausse de plus de 55 % en 2011, comparée à une année auparavant.
C’est dire que la bataille n’est pas gagnée d’avance, même si au Maroc, le secteur de la production d’électricité est également alimenté par la production privée. Et, déjà, l’Etat penserait à des augmentations des tarifs de l’électricité pour équilibrer les finances de l’ONEE. Aux yeux du gouvernement, « pour chaque kilowatt consommé, l’État et l’ONEE supportent 38,40% du prix réel et cette situation dure depuis plus de dix ans, plombant la Caisse de compensation et le déficit de l’Office ». Même si tour à tour, Fouad Douiri, ministre de l’Energie, des mines, de l’eau et de l’environnement, et Mohamed Najib Boulif, ministre des Affaires générales et de la gouvernance, ont tenté de calmer le jeu en estimant qu’une réforme est en cours dans ce sens et ne concernerait nullement la première tranche, dite sociale, qui consomme moins de 120 kW/h, sachant que c’est le cas des deux tiers des foyers marocains. En outre, pour le tiers restant, il ne s’agirait pas de la consommation domestique.
L’électricité au Maroc, pas du tout chère
Pourtant, les industriels, tout comme les ménages, se plaignent régulièrement de la «cherté» des tarifs d’électricité au Maroc. Qu’en est-il au juste ? Sur la question, le ministre de l’Energie, des mines, de l’eau et de l’environnement, n’y va pas par quatre chemins pour répondre : « en excluant les pays pétroliers et la Bulgarie, l’électricité au Maroc est la moins chère dans la région MENA, mais également dans le nord de la Méditerranée, aussi bien pour l’usage individuel qu’industriel ». En effet, au Maroc, les tarifs de l’électricité n’ont pas connu d’augmentation depuis 2006, en dépit de la flambée des prix des combustibles. Selon les chiffres d’Eurostat (Office européen des statistiques), il apparait que le prix moyen du KWh, aussi bien résidentiel qu’industriel au Maroc, est moins cher que le prix moyen pour les 34 pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). Ainsi, pour le segment de l’électricité industrielle, la France, l’Espagne, la Grande- Bretagne, la Turquie, la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie, la Pologne, Malte, la Hongrie, l’Allemagne ou encore la Belgique…affichent des niveaux de prix plus élevés qu’au Maroc. Comme quoi, le manque de compétitivité de nos entreprises industrielles ne se trouvent pas dans la cherté de l’électricité, et que certainement la vérité se trouve ailleurs. ■