Protéger les entreprises contre les chèques sans provision
Un sérieux tour de vis pour renforcer la confiance dans le chèque comme instrument de paiement. La Banque centrale met en place un service pour lutter contre les chèques irréguliers. par C.A.H.
Le chèque reste au Maroc, l’instrument de paiement scriptural le plus utilisé ; il dépasse de loin les autres instruments à savoir; le virement, l’avis de prélèvement, la lettre de change et la carte de crédit. Mais malgré sa prédominance dans les échanges entre les agents économiques, il ne bénéficie pas encore de la confiance du grand public et ce, en raison du niveau élevé des chèques sans provision. Dans le but de le rendre plus crédible, les autorités publiques en collaboration avec les banques, ont mené des actions pour lutter contre ce phénomène. Dans le même sens, le Code de Commerce de 1996 qui est venu remplacer celui de 1913, a introduit un dispositif musclé de lutte contre l’utilisation frauduleuse des chèques. Mais malgré la sévérité des sanctions prévues par le Code de Commerce, le fléau des chèques sans provision et d’autres incidents liés à ce moyen de paiement n’a pas disparu; les chiffres ne cessent d’augmenter ; selon le dernier rapport de la Banque centrale sur les «systèmes et les moyens de paiement», le cumul des incidents de paiement non régularisés à fin décembre 2014, s’est établi à 2.559. 554 cas, pour un encours global de 66 milliards de DH. Pour sa part, le nombre d’interdits d’émission de chèques est passé à fin 2014 à 579 037personnes, affichant une augmentation de 3,53% par rapport à l’exercice précédent.
Dans le cadre de sa mission de veiller sur la crédibilité et la sécurité des instruments de paiement scripturaux dont le poids économique est de plus en plus important, la Banque centrale entame une nouvelle phase dans la lutte contre l’utilisation frauduleuse des chèques. Reste à signaler, que cette fois l’approche est différente, car elle ne passe pas par le renforcement du dispositif répressif existant; l’action sera plutôt préventive à travers un mécanisme d’information qui permettra aux opérateurs économiques de réagir en amont, en détectant les «chèques à risque». Comment se présente donc le nouveau mode opératoire en cours d’installation par l’autorité monétaire ? La mise en place de cette Centrale d’informations , va ainsi permettre aux entreprises de détecter en amont les «mauvais chèques» et de n’accepter en paiement que ceux qui ne sont pas «fichés au niveau de Bank Al-Maghrib.
Une nouvelle plateforme appelée «SCCI»
En plus de la Centrale des incidents de paiement (CIP), qui procède à la centralisation et la diffusion des incidents de paiement de chèques et les interdictions prononcées par les tribunaux, la nouvelle loi bancaire autorise Bank Al-Maghrib à créer une plateforme appelée «service de centralisation des chèques irréguliers» (SCCI) qui a pour «finalité la protection des entreprises contre les fraudes dans les paiements par chèque». Ce service est une «base de collecte» domiciliée à la Banque centrale qui a pour fonction de centraliser des données susceptibles de renseigner les entreprises sur les chèques qui leur sont présentés. Ainsi, toute entreprise qui reçoit un chèque en paiement d’un bien ou d’un produit ou d’une prestation de service, aura la possibilité grâce à la consultation de ce service, de vérifier si le chèque en question n’est pas émis sur un compte clôturé, s’il n’est pas tiré sur un compte frappé d’indisponibilité suite par exemple à une saisie arrêt, un avis à tiers détenteur ou une décision de gel judiciaire. L’interrogation de ce service permet aussi de savoir si le tireur n’est pas interdit de chéquier (interdiction bancaire ou interdiction judiciaire) et si le chèque ne fait pas l’objet d’une opposition pour perte, vol, utilisation frauduleuse ou falsification.
La mise en place de cette Centrale d’informations, va ainsi permettre aux entreprises de détecter les «mauvais chèques» et de n’accepter en paiement que ceux qui ne sont pas «fichés au niveau de la Banque centrale». Bien sûr, ce système ne protège pas d’une manière définitive les entreprises contre le rejet des chèques pour absence ou insuffisance de provision. Toutefois, il faut admettre qu’il va contribuer à réduire sensiblement les incidents liés à ce moyen de paiement.
Quant à l’alimentation du SCCI en informations, elle sera assurée par toutes les banques de la place qui seront tenues de communiquer, dans un délai maximum de J+1, les données concernant les comptes bancaires clôturés, les comptes frappés d’indisponibilité, les comptes dont les titulaires sont interdits de chéquiers et les chèques et les formules de chèques ayant fait l’objet d’opposition.
Dans un souci d’efficacité, les informations collectées par le SCCI sont conservées pour la durée nécessaire à la lutte contre les chèques irréguliers. Ainsi, les informations concernant les interdits de chéquier, sont conservées pendant toute la durée de l’interdiction. Quant à celles portant sur les chèques frappés d’opposition ou ceux qui sont tirés sur des comptes clôturés, elles sont conservées pour une durée illimitée. La circulaire du Wali de Bank Al Maghrib instituant ce service, homologuée par le ministre de l’Economie et des Finances, précise qu’une notice définira les conditions de communication des informations. Il faut donc attendre la sortie de cette notice qui fixera la date de l’entrée en fonctionnement dudit service et aussi les modalités d’accès des entreprises aux informations.