Quand Benkirane torpille «ses frères»
Le fond politique, lors de cette allocution, est clair. Benkirane estime, à raison, que les électeurs l’ont choisi pour un deuxième mandat et que le blocage était le fait des « ennemis du changement ». Ce qu’il ne cache plus c’est qu’il estime qu’en lui refusant un troisième mandat à la tête du parti et en acceptant la nomination de Saâdeddine El Otmani, ses amis l’ont trahi « pour sauvegarder leurs intérêts personnels ».
La charge n’est pas anodine, surtout qu’il savait que l’entretien était diffusé sur Internet directement. En plus, il a critiqué la réaction du parti vis-à-vis du RNI et des déclarations de Talbi Alami. « Il fallait être plus ferme quitte à faire tomber le gouvernement ». L’homme est sec, droit dans ses bottes, mais que veut-il ?
Ceux qui ont cru que Benkirane était fini et qu’il allait rentrer chez lui pour se consacrer à la prière, se trompent. Benkirane est addicte à la politique. Il continuera à en faire jusqu’au bout.
Il a fait le choix de sauvegarder l’unité organisationnelle du PJD tout en alimentant une opposition interne, de plus en plus audible et surtout dont on voit clairement les axes.
L’autonomie du parti, la relation avec la majorité, le comportement des ministres, voilà les trois axes censés mener Benkirane jusqu’au prochain congrès.
Car selon les statuts du PJD, Abdelilah Benkirane pourra se représenter pour un nouveau mandat. Ahmed Rissouni considère déjà que l’ex-chef du gouvernement sera le favori face à l’actuel.
Benkirane fait le pari d’un recul des islamistes aux prochaines élections. Dans ce cas, il aura deux arguments de poids : son bilan et ses critiques-conseils durant la législature actuelle.
Il ne faut pas se leurrer, Abdelilah Benkirane est déjà en campagne pour le prochain congrès, il veut reprendre le parti au clan des ministres qui «l’a trahi», tout en durcissant la ligne politique.
C’est un choix habile qui peut porter ses fruits. Mais l’inconnue restera le choix des électeurs. En effet si ceux-ci se détournent des Islamistes, Benkirane aura du mal à les récupérer. Sa hantise c’est de voir son parti subir le sort de l’USFP et sa descente aux enfers. N’y participe-t-il pas en multipliant les sorties médiatiques contre les siens ?