Quel avenir pour les Adlistes ?
Cheikh Yassine est décédé. Il a eu un enterrement à la mesure de l’influence de l’organisation qu’il dirigeait, des centaines de milliers de personnes l’ont accompagné vers sa dernière demeure. Les supputations ont démarré sur le nom de son successeur et l’éventuel changement de cap d’Al Adl Wal Ihsane.
A mon sens, il faut se calmer sur ce sujet. Le cheikh avait une aura certaine, qu’aucun de ses successeurs putatifs ne possède. Elle relève d’abord du mystique.
Il ne faut pas oublier que la particularité de cette organisation, c’est qu’elle mélange la politique, le mysticisme et l’action sociale grâce à ses donateurs. Mais elle a pris la peine de scinder sa direction en fonction des trois vocations-fonctions. La direction politique, affichée et reconnue, est très unie autour du socle idéologique imprimé par le cheikh défunt.
Il est probable que la production théologique des Adlistes baisse, que son successeur sur ce plan ne jouisse pas de la sanctification, pour ne pas dire l’idôlatrie qui entourait la personne du cheikh de son vivant, auprès de ses «Mourides». C’est plus probable, parce que les numéros deux, comme dans toute organisation fermée, ont sauté les uns après les autres.
Mais politiquement, la tendance pour l’intégration au jeu institutionnel est trop embryonnaire au sein des Adlistes pour influencer le cours des choses. Il ne faut donc pas s’enflammer et croire que la disparition du chef incontesté va renverser la vapeur.
«Al Adl» est dans un projet en totale contradiction avec la transition marocaine, telle qu’elle a été conçue et encore plus avec la manière dont elle se déroule. Ils pensent pouvoir compter sur les mécontentements sociaux et les déceptions qui ne manqueront pas de surgir face aux difficultés du PJD à tenir ses promesses.
Même de manière politicienne, les «Adlistes» n’ont aucun intérêt à intégrer le jeu institutionnel, au moment où celui-ci se grippe et peut sembler donner raison à leurs thèses auprès de leur population cible.
Parce que les mots ont un sens, il faut bien lire les déclarations des ténors du mouvement. Ils ont dit en chœur «Cheikh Yassine était l’un des fondateurs de la Jamaâ et l’un de ses dirigeants». Ils ont déjà mis en place le paratonnerre contre les analyses qui voudraient que la disparition du chef soit un cataclysme.
Il ne faut pas se bercer d’illusions. Les «Adlistes» ne changeront pas de fusil d’épaule avant longtemps, en tout cas pas avant un changement des conditions politiques.
Pire, on peut même assister à une radicalisation, au nom de la fidélité au Morchid décédé.