Quelle place occupe la femme dans le monde de l’entreprise ?
Au cours de ces dernières années, le cadre législatif marocain en matière de parité a réalisé un bond incroyable. Constitution, Loi organique, conventions internationales… de nombreuses avancées théoriques ont été accomplies. Mais la réalité est autre que celle attendue, surtout dans le monde de l’entreprise.
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l est de coutume à Challenge de s’arrêter sur la situation de la femme marocaine, tous les 8 mars pour jauger l’évolution de sa condition en tant que citoyenne. Cette fois-ci, nous avons zoomé sur un groupe marocain, en l’occurrence Ynna Holding qui féminise de plus en plus son top management (voir interview et témoignages). Mais d’une manière générale, quelle place occupe la femme, aujourd’hui, dans le monde de l’entreprise ?
Concrètement, à en croire le Centre des jeunes dirigeants d’entreprises (CJD), à peine 12% de l’ensemble des entreprises marocaines sont dirigées par des femmes, dont la plupart dans le secteur des services. Ce constat met en exergue le chemin encore long à parcourir pour atteindre le seuil de parité. Il faut dire que la femme qui représente un peu plus de la moitié de la population, doit encore lutter pour s’affirmer et faire valoir la plénitude de ses droits dans la société. Les débats passionnés sur la question en sont des illustrations parfaites. Il y a certes des progrès dans l’accession aux centres de décision et à certains métiers catalogués jadis exclusivement masculins. Des femmes ministres, commandants de navire, conductrices de tramway ou pilotes d’avion de ligne, sont aujourd’hui une réalité, même s’il reste encore quelques bastions à conquérir.
Malgré cela, sur le terrain, les femmes marocaines se battent encore contre les clivages sociaux et financiers.
Si 48% des étudiants au sein des universités sont des filles ainsi que l’indiquent les statistiques du ministère de l’Enseignement supérieur, seulement 13,5% d’entre elles arrivent à occuper des postes de responsabilité dans la fonction publique, selon ce département. Dans le privé, les chiffres sont plus difficiles à vérifier.
Pourtant, au sujet de l’égalité économique entre hommes et femmes, de nombreuses avancées ont été enregistrées, en théorie, dans le cadre législatif. Et la nouvelle Constitution est l’une de ces évolutions majeures. Elle approuve l’égalité et spécifie la parité entre les citoyens et citoyennes sur le marché du travail. Pour rappel, la femme a acquis, il y a plus d’une décennie, son droit d’accès aux postes de haut niveau au sein de la fonction publique. Et le code du travail consacre aussi plusieurs articles à la lutte contre les discriminations sexistes dans l’accès à l’emploi et au sein de l’entreprise.
L’Etat marocain a également mis en place un rapport sur le budget du genre, qui précise les conditions d’octroi du budget en faveur des actions initiées pour l’approche genre même si à ce niveau à aucun moment, ce rapport n’est discuté au sein du Parlement. Parallèlement, il n’a cessé de multiplier ses engagements à l’échelle internationale afin de lutter contre la discrimination. Mais le fait est que dans la pratique, la réalité est toute autre. Sur les 80 nominations décidées par le Conseil de gouvernement en 2013, seules 13 ont concerné des femmes directrices. Par ailleurs, il n’existe que 3 femmes secrétaires générales au sein des ministères, notamment de la Pêche, de l’Industrie et du Tourisme.