Quelles assurances pour les évènements sportifs ?
Nul ne conteste aujourd’hui, qu’au-delà de leurs aspects sportifs et sociaux, les grandes compétitions internationales présentent un enjeu financier majeur non seulement pour les organisateurs, mais aussi pour les assureurs qui profitent de l’engouement et surtout des budgets colossaux réservés à la couverture des risques liés à ce genre d’évènements. Comment se positionne notre marché dans cette « cour des grands » qui monopolise et qui s’est forgée une solide expérience en la matière ? Quels sont les risques couverts et quelles prestations offertes par les assureurs ? par Abdelfettah Alami
L’assurance des événements sportifs que l’on regroupe dans le monde de l’assurance sous le vocable générique de « risques spéciaux » semble peu touchée par la crise. Les parts de ce marché prennent des proportions considérables tant du nombre des manifestations sportives que des budgets qui résistent mal à la crise. L’on comprend l’exacerbation de la concurrence de compagnies et de courtiers d’assurances, peu nombreux, qui se spécialisent dans le domaine du sport et repensent en continu leurs produits et leurs prestations. Dans le monde du sport, des assureurs comme les groupes AXA et Allianz, les réassureurs Munich Re et Suisse Re ainsi que de grands courtiers, Marsh, Guy Carpentier, Aon, Gras Savoie occupent largement le terrain et procèdent régulièrement à des études de ces risques à facettes multiples.
Un secteur à hauts risques
Un discours, de temps à autre invoqué : le coût de la sécurité et de l’assurance des événements sportifs, un déploiement de moyens injustifiés ? résiste mal à la réalité du terrain. Plus proche de nous, l’annulation par la CAN de l’organisation, au Maroc, de la 30ème Edition 2015, après la demande présentée par la FMRF de reporter cette manifestation en raison des risques de la propagation du virus Ebola et la condamnation de notre pays à une amende de 1 million de $ et 8,05 millions d’euros au titre de « réparation de l’ensemble des préjudices matériels subis par la CAF et les parties prenantes ». L’assurance annulation qui a dû être souscrite en prévision à ce genre d’événements, ne nous aurait-elle pas pu nous épargner le manque à gagner éventuel de recettes, lié à cette annulation ou au déplacement du lieu de cette compétition.
Plus récemment, le 9 Mars dernier, le crash d’hélicoptères lors d’un tournage en argentine avec la mort de dix personnes, dont trois grandes figures du sport international, la navigatrice Florence Arthaut, la nageuse et championne olympique, Camile Muffat et le boxeur Alexis Vastine, a mis en évidence toute une chaîne de responsabilités et des indemnités d’assurances à verser à plusieurs niveaux.
Par ailleurs, depuis quelques années le monde entier s’est rendu compte que les grandes compétitions sportives mondiales constituaient des cibles terroristes, particulièrement après la tragédie des JO de Munich, en 1972, où le groupe Palestinien Septembre Noir s’est introduit dans le village olympique et prend en otage la délégation Israélienne ; bilan onze morts dont 11 athlètes israéliens. D’autres tentatives d’attaques terroristes liées à un événement sportif sont restées dans les mémoires. L’attentat dans un parc d’Atlanta, pendant les JO de 1996, le tir de roquette dans l’aéroport de Nagano quelques jours avant les jeux d’hiver de 1998. D’autres menaces terroristes avaient conduit les organisateurs à l’annulation pure et simple des épreuves. C’est le cas, en 2008, du rallye Dakar suite aux menaces du chef islamiste Mokhtar Belmokhtar. Le même sort avait touché auparavant, le marathon de Paris de 1991, annulé dans le contexte de l’intervention française en Irak, lors de la guerre du Golfe. Enfin, la double explosion survenue lors du marathon de Boston, le 15 Avril 2013, est la dernière de cette longue liste d’attaques à l’occasion d’épreuves sportives et a fait trois morts.
L’on comprend aisément que la sécurité de ces grands événements sportifs et le management des risques y afférents, deviennent une psychose constante pour les autorités des pays hôtes et des assureurs .
Il n’est point anecdotique de rappeler que des drones ont été utilisés pour la sécurité de l’Euro 2008 en Autriche et en Suisse. En 2012, à l’occasion des jeux olympiques, Londres installait des batteries de missiles sur les toits londoniens. Côté engagement en assurance, le premier réassureur mondial, Munich Re, avait estimé que l’annulation de la Coupe du Monde 2014 de football lui coûterait la somme astronomique de près de 300 M$ !
Quels sont les risques garantis ?
La cartographie des risques des événements sportifs et les programmes d’assurances mis en place permettent de voir, qu’au-delà des traditionnels risques couverts par les assureurs tels la responsabilité civile, la protection des personnes (organisateurs, athlètes, spectateurs), flotte automobile et biens meubles et immeubles, etc., d’autres risques sont plus spécifiques et inhérents à ce type de compétitions. Le risque majeur est de loin celui de l’annulation de la manifestation dont l’enjeu financier est capital pour les différents intervenants, dont principalement ceux chargés des sponsors et des droits de télévision liés à l’évènement dont le montant des risques est colossal, surtout lorsqu’on sait que les droits payés par les télévisions pour la retransmission des matchs constituent la principale source des épreuves sportives mondiales. A titre de rappel, à l’occasion des JO d’Athènes de 2004, le CIO avait souscrit une police d’assurance annulation toutes causes pour un montant de 750 M$, soit la moitié des recettes prévisionnelles de l’évènement.
Le boycott se place, en termes d’enjeu financier, au 2ème rang des risques souscrits, particulièrement pendant les JO et craint des assureurs et réassureurs. Lors des JO de Moscou de 1980, le boycott par les Etats-Unis et 50 autres pays a entrainé des pertes énormes pour les sponsors et les chaines de télévision. La chaine américaine NBC, propriétaire des droits de retransmission, pour un montant de 87 M$ avait renoncé à la diffusion des épreuves mais a pu récupérer 90% de sa mise grâce à son contrat d’assurances.
Les risques de terrorisme, évoqués précédemment, et les risques de guerre qui sont généralement exclus des garanties et souvent pris en charge par les pays organisateurs, peuvent parfois être réintégrés dans certaines polices d’assurances. Globalement les assureurs ne s’engagent, à l’image des fédérations internationales de différentes disciplines sportives en donnant leur accord pour le choix du pays hôte, qu’après une évaluation du risque politique représenté par le pays organisateur, le niveau de la sécurité et l’expérience des autorités qui en sont chargées.
Enfin, les risques catastrophes naturelles et météo sont souvent pris en compte dans les couvertures d’assurances sollicitées auprès des assureurs (risques de tremblement de terre, inondations ou tempêtes). L’on se rappelle dans ces cas, les JO de Navaro de 1998 qui se sont difficilement achevés à cause des tempêtes de neige ayant occasionné d’importants coûts financiers supplémentaires pour les organisateurs.
Le marché marocain de l’assurance est-il dans la mêlée ?
L’inventaire des rares polices d’assurances souscrites par les assureurs marocains pour la couverture des événements sportifs, permettent de conclure que nous sommes encore au stade de balbutiements du secteur. Il s’agit d’un contrat «responsabilité civile annulation» couvrant les risques en cas de «deuil national décrété dans le pays, indisponibilité des locaux, lieu de la manifestation, effondrement de ces locaux, grèves et émeutes populaires, attentats ou menaces d’attentats». A côté des capitaux modiques assurés, en référence à de grandes manifestations sportives, ce genre de contrats comporte une centaine d’exclusions de garanties qui vident de sa substance cette couverture d’assurances.
En fait, il ne faut pas se faire d’illusion ; même dans des marchés développés de l’assurance, c’est grâce aux grands réassureurs mondiaux que les compétitions internationales sont assurées. C’est que la couverture de tels événements met en jeu des sommes considérables. La difficulté est qu’un assureur, à lui seul, est souvent dans l’incapacité de disposer de grosses capacités financières pour verser, en cas de sinistres, des indemnités qui atteignent parfois des centaines de millions de dollars. L’évolution du sport vers plus de business explique, aussi, les montants astronomiques des primes d’assurances payées aux assureurs face à des risques à enjeux financiers majeurs. Rappelons simplement, pour illustrer cette mutation, l’exemple des coupes mondiales de football pour lesquelles les droits de retransmission, tous droits de télévision confondus, se sont élevés, en 2014, à 2 300 millions d’euros contre 95 M, en 1990. C’est la raison pour laquelle les organisateurs veillent minutieusement au bon déroulement de ces manifestations en garantissant les risques qui les guettent par leur transfert aux assureurs.