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Quels instruments pour le contrôle du respect de l’environnement ?

Faire émerger un arsenal juridique fastidieux pour un modèle de société respectueux de notre environnement dans le cadre d’un développement durable est une action de première nécessité. La mettre en application à partir d’abord de l’établissement de normes vérifiables et en parallèle d’un dispositif de contrôle, de surveillance et d’évaluation, est le seul moyen pour jauger l’efficacité d’une stratégie écologique intégrée. Or, c’est là où le bât blesse. Explications. par Abdelfettah Alami

Depuis plus de 30 ans, notre pays s’est lancé dans un plan d’action législatif et normatif pour approcher la problématique de l’environnement. La conjoncture internationale, depuis le Sommet de Rio de 1992, a été aussi un instigateur puissant dans une impulsion régulière des moyens à mettre en œuvre pour une conduite, des acteurs concernés, respectueuse des écosystèmes, des ressources naturelles et d’une qualité de vie du citoyen. Le chemin était certes lent et plein d’embuches. Pour preuve, plusieurs réglementations qui ont vu le jour depuis le début des années 90 et postérieurement à cette date, sont aujourd’hui soit désuètes ou n’ont jamais été suivies de textes d’application. S’il faut louer l’action actuelle du Département chargé de l’environnement pour accélérer la lutte contre le dérèglement environnemental, force est de constater qu’on est loin du compte.
Une stratégie efficiente dans ce domaine exige une grande cohérence des plans sectoriels où aujourd’hui, chaque structure travaille en vase clos et particulièrement pour la mise en œuvre et l’application d’une stratégie de contrôle et de sanctions de la non-conformité et des infractions environnementales.

Corpus réglementaire impressionnant, mais peu opérationnel

L’évaluation de la performance environnementale de notre pays peut, dans un premier temps, être appréciée à travers le cadre juridique mis en place pour lutter contre les origines de la dégradation de la biodiversité et de la biosphère. Sur ce front particulier, des progrès incontestables ont été réalisés. La véritable impulsion fut donnée par S.M. le Roi Mohammed VI  à l’occasion des discours du Trône du 30 Juillet 2009 et 2010, où il avait exhorté les Départements concernés à l’élaboration d’une Charte Nationale de l’environnement, à l’ériger en loi-cadre avec des objectifs et des indicateurs d’évaluation du plan d’action destiné à préserver les espaces, les réserves et les ressources naturelles.
En fait avant l’élaboration de cette Charte, nous avons assisté à une véritable «inflation» législative et réglementaire en matière de protection de l’environnement sans aucune cohérence globale. Après la loi 12/95 sur l’eau qui a donné les premiers prémisses du dispositif institutionnel pour la gestion de cette ressource naturelle, ce mouvement s’est accéléré particulièrement à partir de 2003 où plusieurs textes et programmes spécifiques à l’environnement- jusque là traités dans le cadre des dispositifs de gestion de l’eau ont été élaborés-. Ainsi, trois lois importantes ont été promulguées en 2003 et relatives à la protection et la mise en valeur de l’environnement, la lutte contre la pollution de l’air et l’évaluation de l’impact environnemental. Pour donner corps à cet arsenal juridique, plusieurs décrets et arrêtés d’application ont été publiés dont on peut citer ceux touchant la fixation des normes de qualité de l’air et les modalités de surveillance de l’air, les valeurs limites de dégagement d’émissions ou de rejets de polluants dans l’air émanant de sources de pollution fixes et les modalités de leur contrôle, les seuils de vigilance, d’information, d’alerte et les mesures d’urgence, etc.
En parallèle, pour insuffler une dynamique plus forte à cette politique de prévention de la pollution, des programmes nationaux ont vu le jour. Il s’agit particulièrement du Programme national de gestion des déchets ménagers et assimilés, le Programme national d’assainissement liquide et de traitement des eaux usées, le Programme national de mise à niveau des écoles rurales et le  Programme national de prévention et de lutte contre la pollution industrielle.
En fait, malgré les efforts entrepris en vue de pallier les insuffisances législatives et réglementaires en matière de lutte contre la pollution sous toutes ses formes, le constat sur le terrain atteste, tous les jours, que les pouvoirs publics manquent encore de vision stratégique globale pour combattre ce fléau. Commençons d’abord par la pollution de l’air qui a un impact direct et dangereux sur la santé des populations. Le coût de la dégradation de la qualité de l’air et de ses impacts est évalué à 3,6 milliards de DH, soit environ plus de 1% du PIB. Plusieurs indicateurs démontrent, que malgré quelques améliorations positives, les données recueillies dans le cadre de quelques cadastres disponibles des émissions de l’air ne sont pas capitalisées par les départements concernés dans leur programme de protection de l’environnement. A noter aussi l’absence d’une réglementation contraignante pour alerter les populations en cas de pic de pollution.  En matière de lutte contre la pollution des eaux, le constat n’est pas plus réjouissant. En dehors de l’exploitation irrationnelle des ressources hydriques, le déversement, l’écoulement, le rejet ou le dépôt dans une eau superficielle ou une nappe souterraine d’eaux usées, de déchets solides, parfois toxiques sont des pratiques courantes dont sont victimes l’homme, la faune et la flore. Tous les riverains confrontés à ce désastre des déchets le savent. Lorsqu’on sait que la production de déchets ménagers en milieu urbain est estimée à 5,3 millions de tonnes par an, dont une infime partie est recyclée, que l’industrie génère à elle seule plus de 1,5 million de tonnes chaque année, dont 256.000 sont des déchets dangereux, dont les déchets médicaux représentent 6.000 tonnes annuellement et qu’une partie de ces déchets est toujours déposée dans des décharges sauvages, l’on mesure le niveau de dangerosité de cet état de fait pour la santé des populations.
Si des efforts sont entrepris, depuis 2014, par le Département chargé de l’environnement pour l’élaboration des schémas de développement des filières de valorisation des déchets et l’identification des mécanismes institutionnels, juridiques, techniques et financiers nécessaires à leur mise en œuvre, notre législation dans ce domaine reste inadaptée et pose des problèmes au niveau de son application, limitant par là, l’émergence d’un système performant de gestion de ces déchets.
Cette situation est encore aggravée par l’absence d’une bonne gouvernance environnementale. Presque tous les ministères et établissements publics veillent à la prise en compte des différents aspects liés à la protection de l’environnement, en intégrant les critères environnementaux  dans leur gestion interne ; mais ces actions se font de manière dispersée et sporadique, au lieu d’être pensées et exécutées dans une stratégie intégrée et cohérente.
Le même dysfonctionnement est relevé à l’échelon territorial, échelon par excellence d’une meilleure appropriation des enjeux écologiques et de développement durable. L’animation territoriale à travers par exemple des contrats-programmes Etat-région, demeure encore un discours beaucoup plus qu’un comportement des acteurs publics et privés pour créer les synergies appropriées à une cohérence transversale nécessaire pour un modèle de société qui allie progrès économique et écologique.

Entre sanctions et engagement des pollueurs

Pour assurer l’applicabilité et la durabilité des programmes d’action visant « la transition écologique » intégrant le lien entre la santé et l’environnement, tous les pays étaient confrontés à cette équation à double inconnue en matière de contrôle environnemental : faut-il, pour garantir la mise en conformité aux dispositions légales et réglementaires, opter pour la manière forte, celle des sanctions administratives et pénales, et pour cela le Maroc dispose de tout un arsenal répressif pour appréhender et sanctionner les pollueurs ou s’engager dans une démarche de sensibilisation et d’engagement librement consenti par les différents acteurs en présence.
S’il est vrai qu’au niveau du cadre juridique et institutionnel de surveillance, plusieurs mesures ont été mises en place et ce, depuis la promulgation de la loi sur l’eau, en 1995 qui a consacré tout un chapitre (chap. XIII) réservé aux infractions et sanctions pénales ou pécuniaires pour tout contrevenant aux dispositions de cette loi, jusqu’aux récents dispositifs relatifs à la police de l’environnement exercée par la structure du contrôle de l’environnement relevant du Département chargé de ce secteur, il est aussi vrai que le système mis en place a prouvé ses limites, voire son inefficacité. La modicité des montants des amendes, le manque de ressources consacrées au contrôle de la conformité sont très modestes, l’absence de programmes d’inspection pour les régions fortement industrialisées expliquent les défaillances actuelles d’une politique de contrôle sur le terrain. Ce système du «pollueur-payeur», certes nécessaire mais pas suffisant, est souvent conjugué avec des actions volontaires pour promouvoir l’éducation environnementale, dont une multitude d’activités est déployée et mise en œuvre pour intégrer le développement durable dans la gestion des entreprises et le comportement de l’individu. Le nouveau concept de la responsabilité sociétale  de l’entreprise qui commence à émerger dans la culture et le management de celle-ci, va dans ce sens. Sans oublier que cette stratégie devrait être intégrée chez les partenaires locaux et tout particulièrement, les collectivités territoriales dont les nouvelles prérogatives découlant de la future organisation territoriale renforceront leur rôle en matière de gouvernance environnementale.
En définitive, c’est en agissant sur les différents leviers, aussi bien sur des dispositifs réglementaires, qu’incitatifs et volontaires, que l’on pourrait faire de la protection de notre environnement, une réalité.

 
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