Qui se cache derrière les toilettes publiques de Casablanca ?
Il se nomme Zidane Cherif. Du haut de ses 46 ans, il réalise un rêve qu’il a eu à l’âge de 17 ans. Il était alors étudiant et voyageait énormément. Il avait constaté le manque au niveau de l’hygiène des infrastructures publiques au Maroc.
Il se rappelle nostalgique qu’il trouvait que les campings équipés de toilettes étaient d’un grand luxe. Des années plus tard, diplôme de topographe en poche, il commence d’abord par s’atteler à son cœur de métier. Il fût ainsi parmi les jeunes topographes qui ont effectué les travaux de la bouche d’égout de la Mosquée Hassan II. Il explique que la mosquée se trouve dans un point bas de la ville. Et la bouche d’égout construite au début des années 90 est une manœuvre longue de 3700 mètres. Elle permet d’évacuer les eaux insalubres, à partir de la station de prétraitement d’Al Hank, vers le large. Il travaille ensuite pour divers chantiers, des barrages, et notamment pour Bouygues Offshore avant sa nouvelle appellation de Bymaro.
Ensuite, il prend tour à tour la casquette de chef de chantier, puis de guide touristique, et même de taximan, avant de se décider à se lancer à son propre compte.
Ainsi, en 2010, poussé par un élan citoyen et armé d’un objectif moral, il décide de s’attaquer à un problème de taille. Celui qu’il nomme « les points noirs ». Il explique que ce sont ces lieux publics qui dégagent une odeur désagréable. Il monte donc son projet de toilettes mobiles autonomes. Il participe à Moukawalati et obtient un financement de départ de 120.000 dirhams. Il crée Allo Pro en 2011. Il commence par travailler pour des événements privés, publics, des visites officielles, des tournages internationaux…
C’est lors de l’inauguration de la première ligne du tramway de Casablanca, le 12 décembre 2012, qu’il installe les 4 premières toilettes mobiles Place des nations. Le projet a été bloqué pendant presque 3 ans. Ce n’est que dernièrement qu’il a été relancé après la nomination des nouvelles équipes à la commune urbaine de Casablanca. Le 12 janvier 2016, quatre nouvelles unités sont installées près de la muraille de l’ancienne médina. Zidane Cherif explique qu’il a un partenariat avec le Conseil de la Ville qui va bénéficier pour l’instant à la Commune de Sidi Belyout. Il consiste en la gérance des toilettes publiques, ainsi qu’en l’implantation de toilettes mobiles. Pour rentabiliser son affaire, il compte sur l’affichage publicitaire.
Côté technique, il précise que ces unités mobiles sont parfaitement autonomes. Dotées d’un réservoir d’une capacité de 20L, elles sont équipées d’un système qui fait filtrer l’eau et élimine les déchets organiques, soit 97% d’économie et l’odeur est complétement neutralisée. Ces toilettes sont fabriquées à l’aide de matériaux qui permettent de bénéficier de la luminosité naturelle en plein jour, ou de celle d’une ampoule de l’éclairage public dont la proximité est de moins de 50 mètres. Elles sont équipées d’un porte-manteau, d’un lavabo, de papier toilette. L’accès coute 1 dirham.
Par ailleurs, il précise que par rapport aux souterrains de la commune de Sidi Belyout. Il avait réalisé un dossier avec une étude de l’état des lieux ainsi que des photos l’illustrant. Voilà qu’en ce moment, il est chargé par la commune de réhabiliter ces souterrains. D’ailleurs, nous lui avons rendu visite près de celui de l’avenue des FAR, une peinture neuve habille les murs, des produits d’hygiène ont fait disparaitre les senteurs des années où ces lieux étaient laissés à l’abandon.
D’autres communes ont exprimé leur intérêt pour cette initiative, notamment les communes de Mers Sultan, Hay Hassani… Pour lui, il est temps de bouleverser les mentalités. Il rêve tout haut et pose cette question : « pourquoi par exemple des anciennes détenues ne seraient pas réhabilitées en devenant des employées d’Allo Pro rémunérées au SMIG ? Elles seraient chargées de tenir ces unités mobiles. Des difficultés assombrissent pourtant les affaires de cet optimiste qui veut solutionner les problèmes d’insalubrité de son quartier, de sa commune, de sa ville, en pensant également à d’autres villes touristiques comme Tanger, Tétouan, il cite notamment la cherté de ces unités mobiles (25.000 dirhams chacune).