Ramadan et Business
De tous les mois du calendrier lunaire, le ramadan est le mois qui enregistre le plus grand nombre de transactions commerciales dans le secteur de produits alimentaires dans notre pays. Les communiqués du ministère du commerce rassurent la population sur l’approvisionnement du marché.
Le sucre, les dattes, le miel et autres composantes de la table des « chhiwates » sont disponibles et permettent de répondre à la demande. Les discussions autour des prix sont amplifiées et font l’objet de reportages. Le chiffre de l’inflation connait, durant ce mois, beaucoup de fluctuations. Des produits comme le poisson s’envolent pour atteindre des seuils insupportables. L’impact du jeune est lourd sur la bourse familiale. On constate les augmentations, mais on ne peut pas s’empêcher de débourser pour se faire plaisir. Les contrôleurs de prix n’arrivent pas à contrer les augmentations et ce malgré leurs louables efforts. Pour ceux qui fréquentent les quartiers populaires, il est facile d’observer les comportements des consommateurs. Ceux-ci semblent parfois céder à l’irrationnel. Les quantités achetées dépassent celles enregistrées lors des autres mois. Le ventre vide est un allié stratégique pour les commerçants durant ce mois.
A titre d’exemple, la ville de rabat enregistre une consommation de 600 tonnes de tomates et autres quantités énormes de lentilles, de pois chiches et de sucre. L’offre est importante et pourtant les prix augmentent. Le e- commerce s’est lui aussi invité au rendez vous. Les jeûneurs fatigués peuvent utiliser les curseurs et le numéro de leurs cartes bancaires pour éviter l’effort. Les sites proposant les produits alimentaires ressemblent à des cartes postales pleines de vœux de bonheur et de bonne santé pour les clients.
Le ramadan a, en outre, fait son entrée dans un autre commerce qui était, il y a quelques années, en dehors des transactions ramadanesques . Le ftour était et reste, en grande partie, un repas qui s’organise à l’intérieur des maisons familiales. Les sorties au moment de la rupture du jeune ne se faisaient que pour partager un repas avec les proches ou les amis. L’exception à cette habitude est entrain de prendre place au Maroc. De nombreuses familles moyennes ou aisées répondent aux offres de beaucoup d’hôtels et de restaurants. Le mois sacré a attiré l’attention de beaucoup d’institutions hôtelières. Le produit « ftour » ou week end ramadaneque est intéressant pour le chiffre d’affaires. Les publicités autour de ce nouveau produit sont de plus en plus nombreuses. Leur forme et la qualité de leurs messages sont intéressants. Le mariage entre le sacré et le confort des hôtels cinq étoiles est subtil. La vue panoramique sur l’atlantique ou sur la méditerranée sont autant d’arguments que la qualité des mets proposés. Il y a surement des dattes « majhouls » et de la bonne « chabbakia » mais il y a aussi le saumon fumé et même le caviar pour embellir la table et les buffets.
Quelle mutation ! le chiffre d’affaires peut tout aussi provenir de la vente de boissons alcoolisées en dehors du ramadan que des « ftours » soft durant le mois sacré. Les casinos et les déboires des mauvais joueurs sont remplacés, le temps d’un mois, par la quiétude autour d’une piscine illuminée et pleines de pétales de roses. L’appel à la prière du « Maghrib » est attendu avec sérénité. Les tenues vestimentaires demeurent modernes et chiques. Les djellabas sont presque absentes du décor.
Le ramadan a, depuis trois ans, mis en difficulté les métiers liés au tourisme, mais le produit « ftour » a relativement contribuer à combler le manque d’activités et a engendré, en conséquence, des recettes relativement importantes. « Business is business » les messages publicitaires chantant l’ambiance des ftours cinq étoiles n’oublient pas l’essentiel. La réservation n’est effective qu’après paiement. Les cartes bancaires sont là pour donner à la réservation la forme d’un engagement irréversible. Les changements de programme à la dernière minute se paient.
Les rituels religieux sont observés avec assiduité durant ce mois, mais d’autres comportements culturels et sociaux sont entrain de s’incruster dans notre paysage. Le commerce crée les habitudes en s’adaptant aux mentalités et aux cultures. Le business ramadanesque vient de connaitre ses premières mutations.