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Regarder autrement le 16 mai, sans aucun complexe

Terrorisme. C’est certainement le mot le plus fortement présent dans tous les médias, en ce début du 21ème siècle. 11 septembre 2001, aux Etats Unis d’Amérique, 16 mai 2003, à Casablanca, plus tard ce sera le tour de Madrid, Londres, plus récemment à Paris, plus fréquemment au Nigéria…
Un phénomène devenu mondial et quasi permanent. par Mohamed Amine

Quelques années auparavant, ces mêmes terroristes étaient des «combattants de la liberté», face aux soviétiques dans les hautes montagnes de l’Afghanistan. Après le 11 septembre, l’armée américaine s’embourbe dans de nouveaux Vietnams, tentant de mettre en place des « régimes démocratiques», sans jamais y réussir, semant plutôt la haine un peu partout dans le monde. Au Maroc, le 16 mai 2003 a surtout interrompu un processus prometteur de réconciliation, avec l’espoir de tourner définitivement l’une des pages les plus sombres du Royaume.

A l’origine, c’étaient des «combattants de la liberté», mais…

Un groupe de jeunes, presque adolescents, issus pour la plupart des bidonvilles, endoctrinés, ayant vécu l’exclusion dans toutes ses formes, n’ayant que la haine aveugle au cœur, se font exploser en plein centre de la capitale économique. Les appareils de sécurité ont fait leur travail. A défaut d’une réforme de la gouvernance du système de sécurité, quelques dérapages ont été commis, dus surtout à la persistance des anciennes pratiques. A cette époque, le processus de réconciliation était encore si fragile. Il devait être consolidé par des réformes politiques et administratives profondes, avant même la grande vague provoquée par ce qu’on a vite appelé « printemps arabe», couronnée par la Constitution de 2011. Le terrorisme est aveugle. C’est le fruit de la haine et de l’ignorance. La lutte contre ce phénomène est nécessaire. Mais cette lutte ne peut pas être réduite exclusivement à la dimension sécuritaire. A elle seule, cette dimension est non seulement insuffisante, mais elle peut se révéler, à moyen/long terme, contre-productive.

Le terrorisme a un terreau qu’il faut comprendre pour le démonter

Le terreau du terrorisme est fait de l’exclusion, de la pauvreté et de l’injustice, auxquelles s’ajoute l’ignorance. La haine aveugle se développe facilement dans ce terreau. Très souvent, le terrorisme est le langage du désespoir, le langage de celles et ceux qui vivent dans ce terreau, sans autres alternatives que la haine et la violence aveugle.
S’attaquer au terrorisme, de manière radicale, c’est oser dévoiler la réalité qui le génère ou tout au moins qui le favorise. Le système d’enseignement est dans un état catastrophique. Comment, dans l’état actuel de ce système, aider nos enfants à développer un esprit de tolérance ? Quels programmes scolaires devant susciter l’esprit critique et constructif, l’acceptation de l’autre dans la diversité? Quel programme intégrant la philosophie des religions pour révéler la dimension profondément humaniste, aussi bien de l’Islam que des autres religions ?
L’éducation et l’école constituent la meilleure voie pour éradiquer le fanatisme, quelle que soit sa couleur. Que peut-on attendre d’une école qui fabrique des exclus ?
Les médias sont aussi incontournables. Ils accompagnent la population dans la vie quotidienne, du matin au soir. Leur contenu actuel va-t-il dans le sens du développement de la culture de tolérance ?
La lutte contre la pauvreté est aussi le meilleur moyen pour « couper l’herbe » au phénomène du terrorisme. Donner l’espoir à travers l’égalité des chances. La lutte contre la pauvreté ne se résume pas seulement en des actions ponctuelles fondées sur une logique caritative. Cette lutte est inséparable de celle contre les inégalités sociales, dont l’origine n’est ni l’effort ni le mérite.
La lutte efficace contre le terrorisme, plus précisément contre les causes économiques, sociales et culturelles du terrorisme est inséparable de cette dynamique sociale que peuvent déclencher des acteurs publics conscients de cette réalité et responsables de leurs décisions et actes. Réduire cette lutte à la dimension sécuritaire, c’est simplement répondre à une haine aveugle par un autre type d’aveuglement tout aussi dangereux dans ses conséquences à moyen et long termes. En effet, plusieurs années après le drame ou la tragédie du 16 mai, le recul est nécessaire. C’est le regard du sociologue, l’observation objective du scientifique qui est nécessaire pour tenter d’expliquer les causes profondes de ce phénomène que l’on appelle le terrorisme. Cette démarche est nécessaire non seulement pour expliquer, pour comprendre, mais surtout pour appuyer les décisions et les actions de changement de cette réalité qui fait le terreau fertile de tous les terrorismes. Après le massacre de Charlie Hebdo en France, le 5 janvier 2015, le premier ministre, Manuel Valls, dans un moment de lucidité, et de spontanéité, a établi un lien entre ce massacre, et le « système d’apartheid » qui exclut les jeunes de la banlieue parisienne, issus de l’immigration. Rapidement, des boucliers se sont levés pour censurer cette déclaration, vite oubliée.
Tous les Etats sont confrontés à ce monstre du 21ème siècle.   
Or, partout dans le monde, l’aveuglement officiel des pouvoirs publics ne peut que continuer à susciter l’autre aveuglement, et créer les conditions favorables à de nouvelles violences, approfondissant encore plus le fossé de l’incompréhension.

 
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