Enseignement

Rentrée scolaire au Maroc : les écoles privées au bout du rouleau ?

Presque oubliés des discussions autour de la rentrée scolaire prochaine, les établissements privés en appellent, eux aussi, à la clarté et à des mesures de soutien. Autrement, certains seraient prêts à boycotter la rentrée et refuser de rouvrir. En ligne de mire, une unique source de revenus qui risque de tarir si la rentrée ne se fait pas en présentiel.

« La rumeur a circulé sur l’éventualité d’un boycott de la rentrée par les établissements privés. Mais je pense que le devoir poussera les gens à repousser cette éventualité qu’en dernier ressort ». C’est ainsi qu’Anouar Himdi, Professeur, Directeur Général du Groupe Scolaire Emile Anouar, commente l’idée qui a couru sur les réseaux sociaux. En dernier ressort car les établissements privés attendent de l’État des gestes forts, une clarté dans la décision pour préparer la rentrée, sauver ces institutions et leurs milliers de salariés qui en vivent. Les choses sont d’autant plus compliquées que certains parents affichent une volonté de ne pas mettre la main à la poche, du moins pas dans les formes et conditions habituelles, si la reprise des cours se fait à travers des programmes en ligne. « Des parents préfèrent ne pas payer ou ne payer que 50% de la scolarité dans le cadre d’une reprise des cours 100% en ligne car ils estiment que les enseignements (en ligne) ne sont pas les mêmes qu’en présentiel », rapporte Anouar Himdi. Une éventualité qui constituerait une véritable catastrophe pour le secteur.

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150.000 personnes dans le flou

Et pour cause. Chacun de ces établissements a des engagements vis-à-vis de différents partenaires : enseignants, employés, banques (remboursement de crédit, d’intérêts, d’intérêts de retard de paiement), amortissements, charges fixes, assurances, transport, infrastructures, mobilier, etc. Au moins 90% des établissements privés ont contracté des crédits. Et les amputer d’une partie des frais de scolarité reviendra à les mettre en défaut auprès de leurs créanciers et collaborateurs. Pour rappel, le secteur emploie quelque 150.000 personnes dans le pays, dont 80.000 enseignants et 70.000 dans le personnel administratif, suivant les chiffres du ministère. « Laisser tout sur le dos de l’école, ce n’est pas normal », assure Himdi. Car les professionnels du secteur ont l’impression d’être pris en étau entre des parents qui constituent leur unique source d’entrée de fonds, mais qui boudent, et la tutelle qui ne se montre ni assez compréhensif, ni assez décisif sur leur cas. Et ce, d’autant plus que les établissements privés estiment avoir sacrifié beaucoup pour sauver l’année scolaire qui vient de s’éteindre. « Nous avons assuré 6 mois de paie pour sauver l’école et l’année. De sorte que les apprenants n’ont pas senti de changement à part dans la manière de travailler (cours à distance). Ceci a été fait dans l’intérêt des apprenants », rappelle Anouar Himdi. D’autant plus que personne n’était préparé à l’impact de cette pandémie, ni les enseignants, ni les familles, ni les apprenants, ni le système global. Alors, pour sauver les meubles, « tout le monde s’est acharné sur les cours en ligne », indique Himdi.

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Le présentiel pour sauver l’enseignement privé !

Du coup, le manque de visibilité dans la forme que prendra la rentrée prochaine est une source de préoccupation et de tension supplémentaires pour les dirigeants de ces établissements. Pour eux, les cours en ligne sont bien, mais ne peuvent remplacer le présentiel. Un appel du pied à une décision dans ce sens ? Non. Ils souhaitent (ou veulent) carrément que cette hypothèse soit celle retenue. D’ailleurs, certains de ces établissements fourbissent déjà leurs armes pour être prêts dès que le top départ sera donné. Ils s’échinent à organiser la mise en place des exigences sanitaires, l’adaptation des infrastructures et matériels de manière à éviter que leurs établissements ne deviennent des foyers de contagion dès la reprise des cours. « Nous avons aussi, dans une démarche d’anticipation, préparé des capsules vidéo au cas où la situation devait dicter une reprise des cours en ligne », avance Anouar Himdi. Si cela est, plus ou moins, facilement faisable avec leurs établissements à taille limitée, les écoles publiques jouent dans une autre ligue et apportent d’autres problématiques encore plus complexes.

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Ceci dit, les établissements privés ne baissent pas la garde. Et même si l’intervention de l’État a permis de relâcher un peu la pression sur la fiscalité, chose parfaitement appréciée chez ces établissements, elle n’a pas résolu les autres problèmes. « Le pivot central de la réussite de la rentrée c’est les RH. C’est le maillon déterminant dans toute la chaîne », consent Himdi. Le secteur veut en appeler à l’intervention d’organismes tiers (ministère de l’éducation, de l’emploi, banques) pour clarifier les choses. Quitte à voir les solutions adoptées ailleurs, dans d’autres pays, pour en reprendre la substance et l’adapter au Maroc.
Une clarification que tout le Maroc attend avec impatience.

Aux appels adressés aux établissements privés de mettre « un peu de social dans leur lait », Anouar Himdi répond par le fait que le social fait déjà partie de la démarche de l’enseignement privé. « Des apprenants bénéficient d’exonérations de frais de scolarités pouvant même atteindre 100% dans certains cas, de facilités de paiement. Le social est bien travaillé dans les établissements privés et depuis bien avant cette crise » , affirme-t-il. De plus, les établissements sont soumis aux impôts et taxes, financent eux-mêmes la formation des enseignants, ne bénéficient d’aucune prise en charge ou d’aides de l’ État. Alors que, selon Himdi, le coût de revient moyen d’un élève est plus élevé dans le public que dans le privé.

 
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