Respect pour nos morts
Le Conseil National des Droits de l’Homme vient de publier un rapport accablant par ses résultats, mais assez étonnant par son sujet. Il concerne en effet la pratique de l’autopsie. On peut y voir une extension des prérogatives du Conseil surprenante, mais les conclusions le justifient pleinement.
Les morgues sont dans un état délabré, les locaux n’ont souvent ni eau ni électricité, ce qui accélère la décomposition des corps et rend le travail du médecin légiste très aléatoire.
Les moyens humains sont dans une situation encore pire. Une dentiste a opéré 181 autopsies. Oui, vous avez bien lu, une dentiste, qui n’a donc de par son cursus, aucune expertise en anatomie, s’est retrouvée dans la peau d’un médecin légiste stakhanoviste ! Qui sait, il y a peut-être des vétérinaires qui se chargent de la besogne.
Il y a deux aspects qui ont des liens avec les droits humains. Le premier concerne la dignité des morts. Toutes les religions, toutes les lois, imposent le respect des dépouilles et ce, quel que soit le comportement de la personne de son vivant. Le traitement réservé aux corps qui se retrouvent à la morgue, pour une raison ou une autre, est indigne selon le rapport, fait par des experts faut-il le rappeler, une morgue où la chaine de froid ne fonctionne pas, n’est pas une morgue mais un charnier.
L’autre aspect concerne la justice. L’autopsie est souvent un élément décisif, d’abord dans la résolution des affaires criminelles par la police, ensuite devant les tribunaux. Or, dans les conditions décrites par le rapport, il est difficile d’accorder foi aux résultats, aux expertises médico-légales. Beaucoup d’avocats pourraient s’engouffrer dans cette brèche.
La santé publique est malade. Les besoins budgétaires sont énormes. Cela ne justifie pas les choix qui sont faits et qui délaissent les morts parce que la prise en charge des vivants est déjà défectueuse. Le CNDH a donc eu raison de s’intéresser au sujet, parce qu’il concerne le respect de la dignité humaine qui s’étend au-delà de la vie.
Les autorités devraient s’en saisir pour mettre à niveau ce service. Une enquête doit être ouverte pour établir la responsabilité dans les dysfonctionnements : qui a permis à une dentiste de réaliser des autopsies ? Ces rapports ont-ils servi dans des jugements ? etc…
La société civile doit elle aussi se saisir du dossier et l’intégrer à ses revendications. Revendiquer le respect pour nos morts, c’est réaffirmer notre attachement à l’humain et à sa dignité et ce n’est pas une mince affaire.