Retour de Dakhla ( Par Jamal Berraoui )
Le hasard du calendrier a voulu que je me trouve à Dakhla, alors que Ross était en visite dans les provinces du Sud. L’ancienne villa Cisneros, la jolie ville de Dakhla était d’un calme absolu. Les vols quotidiens sont pleins, une véritable activité touristique y a cours, en plus de la pêche, qu’elle soit côtière ou hauturière.
Beaucoup d’analystes, plus ou moins bien intentionnés avancent que si Dakhla n’a pas bougé, c’est parce qu’elle ne faisait pas partie du programme de Ross. Mon sentiment est que c’est faux. Les Oulad Dlim ont rompu avec le Polisario dès le début des années 80. Il y a bien sûr, quelques séparatistes répertoriés, mais ils ne sont qu’une faible minorité. Cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le système rentier, c’est-à-dire les cartes de la promotion nationale et les « plans », soit des bouts de terrain offerts, sont un cercle vicieux. Il en faut toujours plus et cela crée des tensions. Les jeunes en sortent, parce qu’il y a de l’emploi, mais cela se fait très doucement. La présence des forces de l’ordre n’est en rien intempestive, ils entretiennent des rapports normaux avec les citoyens. Par contre, l’administration a des difficultés à gérer les demandes d’aide sociale. La rente est un cercle vicieux, parce que tout le monde pense que c’est un droit.
Je plaide depuis longtemps pour un changement de stratégie. La sédentarisation, l’urbanisation croissante, a affaibli les liens tribaux. Les chefs de tribu, gavés par Basri ne servent plus strictement à rien. Les jeunes comme à Safi, Tanger ou Khouribga ont des revendications claires, transversales. La seule différence, et elle est d’importance, c’est qu’au Sahara, ils peuvent faire le chantage au séparatisme. Cette négociation permanente est épuisante pour l’administration territoriale.
Dakhla est une ville magnifique. Son potentiel touristique n’est exploité qu’à 10 %. Ses habitants sont très sympathiques, la vie y est réellement cool. Si vous aimez les belles plages, vous serez servis. Les investissements colossaux de l’Etat ont assuré l’essentiel des infrastructures de base. L’eau pose tout de même problème au niveau de la qualité. La majorité ne boit que de l’eau minérale. Il faut encourager les investissements pour créer des emplois et enterrer la rente. Elle n’est pas la solution, mais la cause des tensions. Tel est mon point de vue de citoyen qui a visité à plusieurs reprises le Sahara.