Retraite : le projet de réforme pour novembre
Entretien. Les chantiers de réformes fonctionnent, selon le ministre, à plein régime. La rentrée politique d’octobre n’a pas été normale et sa continuité ne pourrait s’inscrire dans l’efficacité sans l’achèvement des projets législatifs prioritaires. C’est le vœu de tous les acteurs politiques, mais c’est la responsabilité première du gouvernement. par D.A
Les représentants du peuple dans les deux Chambres sont appelés à jouer pleinement leur rôle de proposition, de critique et d’amélioration de la pratique politique dans notre pays. L’expertise de droite comme de gauche, de la majorité comme de l’opposition doit se mettre au service de l’amélioration de la gestion publique. S’opposer au gouvernement ou l’appuyer doit prendre le sens du progrès et de l’efficience et non celui de l’esprit tribal du «oui» aveugle ou du «non» malvoyant.
Nous avons interviewé le ministre sur l’avancement des chantiers et sur les priorités du gouvernement. Les réponses qu’il nous a apportées comprennent des délais qui sont « fermes » et des processus « irréversibles ». Nous vous les présentons tout en les commentant à la lumière des différentes lectures que font les acteurs politiques et sociaux de la situation et des dossiers.
Les grands chantiers prioritaires :
– La retraite : le projet du gouvernement sera prêt au mois de novembre
Ayant emprunté une voie sinueuse depuis plus deux décennies, la retraite va entamer son processus de réforme. Le projet gouvernemental sera prêt, selon le ministre au mois de novembre. Le chiffre de 135 milliards de DH est avancé comme déficit au niveau des pensions civiles de la CMR à l’horizon 2023 avec comme conséquence directe une cessation de paiement, de toutes les retraites en cas de non réforme. Les réserves de la caisse qui sont actuellement de 81 milliards de DH auraient disparu en 2022. Les mesures qui seront prises préserveront les droits acquis des retraités et de leurs ayants droit. La pension sera calculée en fonction des années d’activité avant la réforme sur la base des textes encore en vigueur et sur la base des nouvelles dispositions pour les années d’activités après la réforme. La réforme sera progressive et va toucher l’Age de départ à la retraite, la révision de base de calcul des années pour déterminer la pension et l’augmentation solidaire des cotisations. Le ministre, Mustapha El Khalfi nous a présenté le cas d’un fonctionnaire de 55ans, ayant accompli 35 années de service et touchant un salaire net de 3000,00 DH. A 60 ans son salaire serait de 3565,00 DH et sa pension serait de 3119, 00 DH. Après la réforme, il partirait à la retraite à l’Age de 64 ans avec une pension de 3423,00 DH tout en ayant touché un dernier salaire de 4236,00 DH. D’autres exemples sont présentés pour des salaires différents qui montrent une augmentation de la pension sans qu’elle ne corresponde au dernier salaire au terme de la carrière.
Il ne s’agit que de la première étape dans le processus de la réforme des systèmes de retraite. La refonte globale du système est l’objectif principal de toute cette campagne qui a cumulé pendant des années, attentes et perspectives floues. Les acteurs sociaux ont un autre regard sur la question. Ils veulent un paquet social et des contreparties pour ceux qui vont passer un temps supplémentaire dans le lieu de leur travail. Le Président du CESE a parlé de la réforme sur la base d’une approche gagnant-gagnant. Il traduit dans un langage diplomatique la position des syndicats. Réformer les systèmes de retraite est qualifié de métier pénible et difficile. L’article que nous propose l’ancien directeur de la CMR, Mr Bendriss dans ce numéro est plein de renseignements.
– La régionalisation, la justice, les élections et la Loi organique des finances : l’examen des projets durant l’actuelle session du parlement
Considérés par le ministre comme étant des projets structurants et prioritaires, la régionalisation, la réforme de la justice, la Loi organique des finances et les lois électorales ont été préparées dans une atmosphère caractérisée par l’association de tous les acteurs politiques et notamment, les partis politiques au processus de préparation. Donner un sens réel à la constitution et aux avancées institutionnelles que renferme ce texte, qui a été voté par les marocains dans un élan citoyen remarquable, est un devoir et une responsabilité qui incombent à tout le monde. Les orientations royales, lors de l’ouverture de l’année parlementaire, ont été claires. Le processus de mise en place des Lois organiques ne peut se prolonger au-delà de l’actuelle législature. Les Marocains attendent la réforme de leur justice, de la gestion de leurs régions et de leur système éducatif. Le ministre de la Communication affirme à cet égard que les consultations avancent et que les textes de Lois organiques seront présentés au parlement durant l’actuelle session.
– Le déficit budgétaire : 4,3% en 2015 et peut être 3,5 en 2016
Symbole des équilibres macroéconomiques et surtout de leur fragilité, le déficit budgétaire fait peur au gestionnaire public et calme les ardeurs du discours politique. La volonté du gouvernement est ferme, selon le ministre, pour avancer dans le processus de réduction de ce déficit. Durant les deux prochaines années, les dépassements des ressources publiques par les emplois budgétaires ne dépasseraient pas 4,3% en 2015 et 3,5% en 2016. Les raisons qui poussent le gouvernement à afficher cet optimisme proviennent d’une volonté d’augmentation des recettes fiscales en allant combattre les niches et les dépenses fiscales improductives. Elles seraient aussi le résultat de la réduction de l’enveloppe budgétaire allouée à la compensation qui ne dépasserait pas au terme de cet exercice (2014) les 35 milliards de DH. L’effort du ciblage et la récupération des sommes profitant indûment aux catégories sociales aisées pourraient alléger le poids sur les finances publiques. Le gaz, le sucre et la farine nationale sont des postes de dépenses qui restent budgétivores et qui méritent un effort de réflexion collectif dépassant les positionnements politiques.
Un agenda plein et contraignant
Le ministre, Mustapha El Khalfi semble optimiste et surtout exprimant une volonté de réforme du gouvernement. Les bourses des étudiants seront augmentées de 400 millions de DH soit plus de 25% en volume durant l’année 2015. Les stratégies nationales pour l’emploi et la lutte contre la corruption seront prêtes avant la fin de 2014. Les lois sur le partenariat public-privé, sur les produits bancaires alternatifs, sur les libertés publiques et sur la Loi organique des finances verront le jour avant la fin du mois de décembre.
L’objectif de cette dynamique, selon le ministre, est la conciliation entre le citoyen et la politique. Ce sont les vrais projets de réformes qui peuvent rendre à la politique son droit de cité dans la cité. On ne peut que souhaiter que l’approche participative soit réelle et que le gouvernement ne fera pas fi de la position de ses partenaires politiques et sociaux. La politique c’est aussi l’art du compromis.